Le Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel interroge son héritage colonial

Le Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel interroge son héritage colonial
Le Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel interroge son héritage colonial

À Neuchâtel jusqu’au 17 août, le Muséum d’histoire naturelle expose des spécimens de la collection Tschudi dans l’exposition «Nommer les natures – Histoire naturelle et patrimoine colonial». Ce naturaliste suisse fut chargé au XIXe siècle par le musée de collectionner des animaux et des plantes du monde entier.

En 1838, délégué par le Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel pour enrichir les collections de l’institution, le naturaliste suisse Johann Jakob von Tschudi (1818-1889) part pour le Pérou. À son arrivée, son navire fut réquisitionné pour servir la marine péruvienne dans la guerre contre le Chili. Tschudi resta ainsi cinq ans au Pérou et explora l’intérieur du pays, voyageant de la côte jusqu’aux Andes. Il rapporta à Neuchâtel une collection de plus d’un millier de spécimens, ainsi que des restes humains.

«A cette époque, le Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel, comme d’autres musées en Europe (…), souhaitait avoir dans sa collection le plus grand nombre possible d’animaux et de plantes du monde entier. C’est pour cette raison que le musée a chargé Johann Jakob von Tschudi de voyager à travers le monde», indique Tomás Bartoletti, historien et codirecteur du projet, dans le 19h30 du 3 janvier.

Mais l’histoire naturelle du XIXe siècle ne se limitait pas à cataloguer les plantes, les animaux et les roches. « Tschudi, comme d’autres naturalistes, a contribué à la création et à l’exploitation de données pour alimenter des idéologies racistes. Il vole des restes humains sur des sites archéologiques et ramène illégalement des crânes, des objets funéraires et des momies en Suisse», peut-on lire dans le cadre de l’exposition.

Vue de l’exposition «Nommer les natures» au Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel. [Sarah Adatte – Production audiovisuelle – Sarah Adatte – Production audiovisuelle]

Remettre en question l’héritage

L’institution neuchâteloise interroge aujourd’hui cet héritage colonial dans une exposition intitulée «Nommer les natures». Elle met en avant l’appropriation du patrimoine naturel par les scientifiques occidentaux, souvent sans prise en compte du patrimoine ou des savoir-faire locaux.

En parcourant l’exposition, les visiteurs découvrent des archives, des objets historiques et des œuvres artistiques. Certains spécimens sont cachés derrière un rideau pour préserver les sensibilités. Les tentures signifient que les animaux présentés ont quelque chose de spécial. « Ici à Neuchâtel, c’est clairement la provenance qui dérange un peu. En revanche, pour les cultures sud-américaines, cela pourrait être l’animal lui-même (…) qui peut avoir une symbolique totalement différente et qui peut être très inquiétante”, explique le réalisateur Ludovic Maggioni.

Comment mieux rendre compte du contexte dans lequel cette collection extra-européenne a été acquise ? La manière de nommer la nature est-elle un vecteur d’impérialisme ? Quelle est la responsabilité du Musée aujourd’hui ? Autant de questions posées dans le cadre de l’exposition dans un nécessaire devoir de transparence. “Le Muséum d’histoire naturelle reconnaît aujourd’hui avoir participé à l’entreprise coloniale en ayant mandaté des gens pour rapporter des spécimens (…) Nous acceptons également de faire les travaux pour tenter de reconstituer cette histoire”, poursuit Ludovic Maggioni.

Au-delà de rechercher la provenance de ses collections, le musée souhaite également développer des projets communs avec l’Amérique latine, et trouver ainsi une forme de réparation.

Sujet : Elodie Botteron et Matthieu Oppliger

Adaptation web : mh

« Nommer les natures – Histoire naturelle et patrimoine colonial », Muséum d’histoire naturelle, Neuchâtel, jusqu’au 17 août 2025.

 
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