Monsieur le Premier Ministre,
Suite à votre déclaration de politique générale, nous venons apporter notre lumière dans ce projet d’un Sénégal souverain, juste et prospère. Cela s’inscrit directement dans les fondamentaux du développement durable. Monsieur le Premier Ministre, une Nation a besoin d’indicateurs pour mesurer sa santé économique et sociale et les objectifs qu’elle se fixe. Il doit identifier des indicateurs lui permettant d’évaluer sa performance. Dans le domaine des sciences économiques, plusieurs indicateurs sont proposés. Ils ont permis de classer les pays, à l’échelle mondiale, selon leur « niveau de croissance » ou leur « niveau de développement ». Ils ont également permis aux décideurs et experts d’établir un diagnostic et de proposer des « remèdes » pour relancer la croissance économique à travers des programmes structurels.
Vous avez participé à un exercice où des objectifs et des stratégies ont été identifiés afin de parvenir à la réalisation de votre vision du Sénégal. Beaucoup de vos prédécesseurs ont fait de même. Ils ont fait miroiter au peuple des paroles rassurantes. Mais, des sopi au Sénégal émergent ceux qui viennent à la barre de l’Assemblée Nationale retracent toujours une sombre situation du passé comme si le mythe de Sisyphe était adossé au destin du Sénégal. En d’autres termes, c’est comme si une chose restait constante : les nombreux indicateurs et stratégies ont peu changé dans la situation des Sénégalais : une émigration clandestine accrue, une jeunesse désemparée, un taux d’inflation instable. Tout porte à croire que les indicateurs économiques souffrent d’une certaine insuffisance. Ils ne reflètent que très imparfaitement la réalité, la situation socio-économique du pays. Il faut donc s’interroger sur leur pertinence ainsi que leur validité pour donner plus de poids au développement durable.
Le développement durable déjà proposé à la fin du XXe siècle tente de combler ce vide. Le philosophe allemand Hans Jonas (1979) précise à cet effet que le développement tel que l’entend l’Occident ne peut être durable car il ne prend pas en compte l’aspect environnemental. Si l’analyse classique du développement durable est censée s’appuyer sur trois piliers fondamentaux que sont l’économie, le social et l’environnement, il lui reste néanmoins à intégrer d’autres facteurs lui permettant de donner toute son importance. C’est le cas de la dimension culturelle. Intégrer ce nouveau paramètre reviendrait à parler non pas de développement durable comme d’un maillon s’inscrivant dans une chaîne standard, mais plutôt de développement durable situé. Cela signifie donc qu’une première question se pose, à savoir la redéfinition fondamentale de ce concept. Notre approche du développement durable repose sur six piliers : par ordre de priorité : Développement identifiable (1), Développement stable (2), Développement fiable (3), Développement viable (4), Développement habitable (5), Développement équitable (6). ).
Développement identifiable : la démarche de développement ne peut être réduite à des éléments standards compte tenu de la spécificité et de la dimension socioculturelle des peuples. Autrement dit, le développement durable s’identifie d’abord à partir des croyances et des relations que les individus entretiennent avec la nature et la société à laquelle ils sont attachés. Par conséquent, les réalités socioculturelles d’un citoyen de Baol ne sont pas les mêmes que celles d’un citoyen de Casamance ou d’un citoyen du Ferlo. C’est pourquoi le développement durable ne peut être un concept général car il doit être clairement défini dans un espace anthropologique et sociologique.
Développement stable : la politique de mise en place du développement durable ne peut se faire sans des institutions fortes qui mettent en œuvre ces politiques et des personnes porteuses de valeurs qui les incarnent. Des institutions non à la solde d’un pouvoir mais au service des aspirations du Peuple. Si l’on veut établir le principe de durabilité dans le temps, en vue de prendre en compte les besoins des générations futures, il faut avant tout assurer une continuité dans les politiques mises en œuvre. Cela nécessite alors la stabilité des institutions. Ensuite, le développement durable nécessite des institutions crédibles. Ce qui signifie que les institutions doivent être respectées par les populations et par les composantes de ces institutions. Ainsi la notion de pouvoir doit être comprise comme un service et non comme une opportunité de se servir soi-même. Ce qui induit alors les valeurs de bonne gouvernance, de transparence et de lutte contre la corruption.
Un développement fiable : parler de transparence et de lutte contre la corruption, c’est mettre en avant des valeurs qui animent les populations dans le temps et dans l’espace. C’est redonner à la notion de développement un caractère éthique (jub et jubal) où chaque individu peut s’identifier et par extension s’épanouir afin de participer pleinement à la conceptualisation du développement durable. En ce sens, c’est parce que les individus s’identifient à certaines formes de valeurs propres à une Nation qu’ils se sentent appartenir à cette Nation et contribuent avec elle à un développement qui leur est propre.
Développement viable : si le développement des générations futures doit être pris en compte, les ressources nécessaires à la satisfaction des besoins doivent tenir compte de l’environnement. Cela passe avant tout par une réorganisation de l’urbanisme face au développement accéléré des villes et à une réduction du taux d’émission de CO2. Le concept d’« Environnement » est vaste et complexe. Cela implique plusieurs composantes de la société. Par conséquent, la prise en compte de l’aspect environnemental nécessite une parfaite intégration entre le producteur, le consommateur ainsi que tous les autres facteurs qui associent la dimension écologique tout en répartissant équitablement l’information entre tous ces acteurs. Cela montre qu’un développement viable nécessite de façonner un nouvel être humain capable d’intégrer l’environnement dans son nouveau mode de vie.
Développement vivable : le développement durable ne peut pas être universel. Il est identifiable et adaptable à une société avec ses propres objectifs. C’est parce que les composantes de la société se rassemblent autour de valeurs, d’un destin, d’un objectif commun que l’on peut alors penser à un projet de société qui perdure dans le temps. Pour cela, aucun Peuple, aucune Nation n’a pu se développer sans prendre en compte sa dimension anthropologique. Vu sous cet angle, la conception du développement ou celle de l’État moderne sont relatives dans le sens où ces conceptions sont édictées par les sociétés qui seules s’y retrouvent. Par conséquent, le développement vivable commence par la promotion de valeurs spécifiques et identifiables à un Peuple.
Développement équitable : à partir du moment où les populations ont un destin commun, une vision unique, les bénéfices doivent être répartis équitablement sans distinction de groupes ethniques ou de communautés religieuses et traditionnelles. Le développement durable rejette alors toute forme d’inégalité afin d’éviter les tensions sociales ou religieuses, et de rendre la société stable. Si la dimension d’équité est comprise et établie, un sentiment de croissance mondiale se forme, voire un Etat de droit. Un sentiment d’évolution homogène où chacun contribue à la hauteur de ses capacités et s’améliore au fil du temps. En effet, un effet de levier se crée sur les capacités humaines dans le sens où dans ce type de développement l’Homme est en perpétuelle quête pour recevoir équitablement plus et à la hauteur de ce qu’il vaut. Autrement dit, le développement durable est avant tout humain puisqu’il vise à perpétuer l’espèce humaine et s’appuie sur des valeurs fondamentales. Il s’agit d’un développement juste et équitable pour tous, d’où l’importance du respect des droits de l’homme. Elle tire tout son sens d’un projet de société qui pourrait paraître utopique. Mais l’histoire des hommes retient deux principes qui ont fait évoluer les peuples : la Révolution ou l’Utopie.
Monsieur le Premier Ministre, que ces quelques solutions possibles guident votre mandat pour que le Sénégal continue de briller encore plus devant le monde.
Acceptez nos salutations respectueuses.
Dr Franck CARLOS – Economiste
Président du Réseau des Anciens Jécistes d’Afrique Section Sénégal