- Le Maroc a démarré la campagne agricole 2024/2025 sous de bons auspices, grâce aux récentes précipitations. La Direction des études et des prévisions financières (DEPF) a annoncé, dans un rapport de conjoncture, que la moyenne nationale des précipitations du 1er septembre au 6 décembre 2024 s’est élevée à 50 mm, contre 27 mm l’année précédente. Les dernières pluies sont-elles une bonne nouvelle pour l’agriculture marocaine ?
Toutefois, la réalité sur le terrain est bien plus nuancée. Les principales régions céréalières, comme l’Abda, Doukkala, Chaouia, Zaër et Saïss ainsi que le Gharb, présentent un paysage peu réconfortant : des terres parfois encore nues, un couvert végétal déficient et des cultures en détresse. La combinaison de facteurs climatiques défavorables et de l’épisode d’inflation mondialisée accentue la vulnérabilité du secteur agricole et met en danger la production céréalière, pilier du système alimentaire national.
- Le secteur est confronté à des défis majeurs en raison des années de sécheresse successives, entraînant une baisse significative de la production, notamment celle des céréales pluviales. Quelles conclusions en tirez-vous ?
En effet, la production de fourrage pluvial (avoine, orge, bersim, etc.) et la régénération des parcours naturels, essentiels à l’élevage, sont également compromises. Ce scénario pourrait même précipiter encore davantage la fin de l’autosuffisance du Maroc en produits d’origine animale : viande rouge et produits laitiers.
- Comment pouvons-nous promouvoir une agriculture plus durable et plus résiliente face au changement climatique ?
Cela implique également de repenser les modes de gestion de l’eau dans la diversité de ses sources, en donnant la priorité absolue à la récupération des pluies. Il faut aussi cesser de considérer l’irrigation comme la solution au manque d’eau, l’aide et le soutien technique devraient se concentrer davantage sur l’agriculture pluviale.
Par ailleurs, le couplage systématique entre cultures et élevage doit redevenir des axes essentiels pour asseoir la souveraineté alimentaire du pays. Les défis sont donc réels et urgents : défendre des systèmes alimentaires durables tout en préservant les ressources naturelles et œuvrer à la création d’emplois durables dans les zones rurales.
- En matière de recherche scientifique, quelles nouvelles technologies (capteurs, drones…) peuvent contribuer à optimiser l’utilisation de l’eau en agriculture ?
Il s’agit évidemment de programmes à mettre en place dans la durée, selon des approches inclusives impliquant les pouvoirs publics, les agriculteurs et les organisations interprofessionnelles qui les représentent ainsi que les établissements d’enseignement et de recherche agronomiques. Il s’agit de modèles de recherche s’étalant sur plusieurs décennies. Ces dispositifs doivent également être appliqués dans la diversité des territoires agroécologiques dont regorge notre pays, à savoir : plaines atlantiques, contreforts, hautes montagnes, oasis, etc.
- Qu’en est-il du rôle des races locales dans l’élevage ?
Pour ce faire, il est important d’assurer leur protection, en évitant de les impliquer dans des croisements systématiques avec des races importées. De plus, il faut penser à des programmes de sélection à long terme, afin de capitaliser sur leurs atouts : faible poids, rusticité, capacité à résister au stress thermique et au manque de nourriture, etc. Comme je l’ai évoqué précédemment, il doit s’agir de programmes planifiés sur la durée. long terme, et bénéficiant d’un soutien systématique des pouvoirs publics (mise en place de stations de recherche, programmes de suivi des performances, etc.), tout en impliquant les éleveurs. concernés, bien sûr dans les territoires où évoluent ces races.
- Plus généralement, quel est le poids de l’agriculture et de l’élevage dans l’économie marocaine ?
La bonne performance du secteur agricole a un impact positif sur la croissance économique, la consommation des ménages et le moral de la population dans son ensemble. A l’inverse, les mauvaises saisons agricoles, comme celles que nous avons connues ces dernières années, ont des conséquences néfastes sur l’ensemble de l’économie et peuvent générer un sentiment de pessimisme.
Recueilli par
Safa KSAANI