C’était le “diable de la République”. Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national, est mort ce mardi 7 janvier à l’âge de 96 ans, à Garches (Hauts-de-Seine), dans un établissement où il avait été admis il y a plusieurs semaines. “Jean-Marie Le Pen, entouré des siens, a été rappelé à Dieu ce mardi à 12H00“, a indiqué sa famille dans un communiqué transmis à l’AFP.
Jordan Bardella a été l’un des premiers à réagir au sein de sa famille politique. “Engagé sous l’uniforme de l’armée française en Indochine et en Algérie, tribun du peuple à l’Assemblée nationale et au Parlement européen, il a toujours servi la France, défendu son identité et sa souveraineté”, a écrit le président du RN sur le réseau social X. “Le combat contre l’homme est fini”, a réagi le cheffe de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon, soulignant que “celui contre la haine, le racisme (…) continue”.
Bête politique, connu pour son obsession contre l’immigration et les immigrés et ses nombreux dérapages (et notamment sur les chambres à gaz, qu’il a qualifiées de “point de détail” de l’Histoire ou l’occupation allemande “pas particulièrement inhumaine” selon lui), le leader d’extrême droite était en retrait depuis plusieurs années, mais ne manquait toutefois pas de s’exprimer de temps en temps sur l’actualité du pays et de son parti.
L’ancien dirigeant d’extrême droite a été hospitalisé à plusieurs reprises ces dernières années. Début février 2022, il avait dû être hospitalisé après une forme légère d’AVC.
Plus jeune député de France
Jean-Marie Le Pen est né le 20 juin 1928 à la Trinité-sur-Mer (Morbihan) d’un père patron pêcheur et d’une mère couturière. Il est un fils unique. Turbulent, il est renvoyé de plusieurs établissements et finit par aller en fac de droit de Paris. C’est à cette période qu’il se rapproche de l’Action française. “J’appartiens à une génération que la guerre a enfantée, traumatisée, formée”, disait-il. Adolescent en 1939-1945, Le Pen a côtoyé la violence et admiré l’uniforme. Soldat parachutiste pendant la Guerre d’Indochine, il participe, quatre ans plus tard, à la bataille d’Alger et reçoit, des mains du Général Massu, la croix de la valeur militaire pour avoir correctement enterré des soldats musulmans. Mais le lieutenant Le Pen traque aussi les terroristes du FLN, nie régulièrement mais admet, dans ses Mémoires, avoir tenu des “interrogatoires spéciaux”. “Tordre un bras, mettre la tête dans un seau d’eau, est-ce torturer ?”, s’interrogeait-il.
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À 27 ans, il devient le plus jeune député de France, avec l’étiquette poujadiste. Nous sommes dans la France de 1956, celle de René Coty. Puis, en 1972, repéré par un groupe néo-fasciste (“Ordre nouveau”) qui cherche un leader présentable et une vitrine politique, il prend la tête d’un groupuscule militant, baptisé Front national. Premiers slogans : “1 million de chômeurs, c’est un million d’immigrés en trop” et “La France aux Français“… Le ton est donné.
Sous cette bannière, Le Pen rassemble toutes les chapelles de l’extrême droite, nostalgiques de Vichy et partisans de l’Algérie française. Malgré des débuts chaotiques, sous les radars, le charisme, les coups de sang de Jean-Marie Le Pen (et le scrutin à la proportionnelle) ouvrent, en 1986, les portes de l’Assemblée à une trentaine de députés frontistes.
Éternel candidat
En 1999, c’est la scission au sein du FN, avec d’un côté Jean-Marie Le Pen, de l’autre Bruno Mégret, surnommé Brutus. Le parti perd un bras. Puis en 2002, le coup de tonnerre du 21 avril : Jean-Marie Le Pen, l’éternel candidat à toutes les élections (législatives, européennes, régionales), se retrouve au second tour pour sa quatrième tentative à la présidentielle, face à Jacques Chirac.
Le FN entre dans l’Histoire de la Ve République. Lui-même ne s’y attendait pas, plutôt prétendant qu’homme de gouvernement. En réalité, Le Pen ne semble avoir jamais vraiment cherché le pouvoir… c’est ce que lui reprochaient Bruno Mégret et tant d’autres. Au second tour, face à Jacques Chirac, il réunit 5 millions d’électeurs… deux fois moins que sa fille, 15 ans plus tard.
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En 2007, une dernière fois, Jean-Marie Le Pen se lance dans la course, dernière candidature à l’élection suprême. Mais Nicolas Sarkozy récupère son électorat. Le Front national, emporté par les flots, doit alors vendre le Paquebot, siège du parti à Saint-Cloud, près de Paris.
Affaires de famille…
L’échec de 2007 passé, sa petite-fille, Marion, se lance en politique et sa fille, Marine, reprend les rênes du parti. Lui, continue les provocations, louant les mérites du Maréchal Pétain.
Car Jean-Marie Le Pen, c’est aussi une saga familiale, qui mélange vie publique et vie privée, à l’image de l’attentat contre son appartement en 1976. Un patriarche à la tête d’un clan familial, où les enfants posent sur les affiches de campagne, où l’épouse fait la couverture de Playboy, les divorces éclatent en Une et où les stratégies politiques finissent par dominer les sentiments.
La dynastie Le Pen n’a pas d’équivalent. Ses trois filles sont toutes montées au Front : l’ainée, Marie-Caroline, conseillère régionale, mais bannie par son père en 1998 après avoir suivi le “félon” Bruno Mégret ; la cadette, Yann, salariée du FN puis du RN, et la benjamine, Marine, qui a démarré au service juridique du parti puis en a atteint la présidence.
En 2012, Marion Maréchal-Le Pen devient députée du Vaucluse. Elle ne fait qu’un mandat puis quitte la scène, ne veut plus se faire appeler Le Pen, même si elle reste proche de son grand-père.
… et affaires judiciaires
Pour ses propos (mais pas seulement), Jean-Marie Le Pen était un habitué des palais de justice. D’abord multirécidiviste de l’incitation à la haine ou du négationnisme, il est condamné dès les années 80. En cause, sa sortie sur les chambres à gaz et ce douteux calembour “Durafour-crématoire”, proféré aux dépens du ministre Michel Durafour.
En 1998, ce ne sont plus des paroles mais des actes : Le Pen est condamné pour violences en réunion, pour avoir agressé une candidate socialiste sur le marché de Mantes-la-Jolie. En appel, la peine est réduite à un an d’inéligibilité, ce qui n’a donc pas entravé son parcours politique. Mais la justice, ces trente dernières années, s’est aussi intéressée au financement du FN, au patrimoine de son fondateur et son compte en Suisse, héritage du cimentier Lambert qui lui avait aussi légué le domaine de Montretout, un somptueux domaine à Saint-Cloud. Il fut notamment perquisitionné dans l’enquête sur les assistants des eurodéputés FN.
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Fin de l’ombre
En 2015, Marine Le Pen l’exclut du parti et en acte la “dédiabolisation“. Une mise à mort politique, un parricide, qui se transforme en bataille judiciaire et familiale. Il n’hésite pas à crier, à appeler “Jeanne, au secours“. La formule et l’image interpellent, rappellent aussi sa foi catholique. S’en suivent trois ans de combats qui se terminent dans une chambre d’hôpital, au printemps 2018.
Mais le fondateur du FN, réconcilié avec sa fille, n’a jamais vraiment pris sa retraite, quitte à chercher, à tout prix, à mourir sur scène. Il quitte, en juin 2019, le Parlement européen. Mais même sous traitement, hospitalisé à domicile, affaibli, il continuait chaque semaine à enregistrer la vidéo de son “Journal de bord”, pour donner son avis sur l’actualité.