« Mépris » et « paternalisme néocolonial ». La polémique enfle après les propos tenus lundi par Emmanuel Macron. Le président de la République a déclaré que les dirigeants africains avaient « oublié de dire merci » à Paris pour son intervention au Sahel et cette affirmation continuait de faire polémique mardi, en Afrique mais aussi en France.
« Je voudrais exprimer mon indignation face aux propos tenus récemment par le président Macron qui frisent le mépris envers l’Afrique et les Africains. Je pense qu’il n’est pas à la bonne époque », a déclaré Mahamat Idriss Déby Itno, le président tchadien dans un discours prononcé lors de la cérémonie de vœux au palais présidentiel et publié sur la page Facebook de la présidence. « Nous avons proposé aux chefs d’État africains de réorganiser notre présence. Comme nous sommes très polis, nous leur avons donné la primauté de l’annonce», a déclaré lundi Emmanuel Macron, faisant référence au retrait militaire français, généralement forcé, d’un certain nombre de pays africains ces dernières années. « En ce qui concerne le Tchad, la décision de mettre fin à l’accord de coopération militaire avec la France est une décision entièrement souveraine du Tchad. Il n’y a aucune ambiguïté là-dedans », a rétorqué le président Déby.
«Nous avons tous du mal»
Les déclarations du président français ont également été condamnées lundi au Sénégal par le Premier ministre Ousmane Sonko qui a également contesté que le retrait annoncé des soldats français de son pays aurait donné lieu à des négociations entre Paris et Dakar.
En France, La France insoumise (LFI) a dénoncé dans un communiqué des propos qui « reflètent un aveuglement qui confine à la folie » et « un paternalisme néocolonial tout simplement intolérable ».
Une source diplomatique a tenté mardi de tempérer les propos d’Emmanuel Macron. “Le Tchad et le Sénégal n’ont absolument pas été visés par ces propos puisque ce qui a été annoncé par Dakar et N’Djamena était déjà enregistré, nous étions d’accord sur le but, c’est juste le timing de ces annonces qui a surpris”, a-t-elle expliqué à l’AFP. « C’est une phrase sortie de son contexte mais si on regarde son discours juste avant qu’il parle des pertes humaines françaises au Sahel (58 morts en moins d’une décennie) : il visait clairement les pays de l’AES. [l’Alliance des États du Sahel] et en particulier le Mali », a-t-elle souligné, ajoutant : « On a tous du mal avec le Mali quand on voit le système, l’investissement humain et financier que cela a représenté pendant des années à la demande des autorités maliennes, et quand on pensait faire Bien.”
« Alors oui le président a exprimé quelque chose de décevant pour nous mais aussi pour les populations concernées, c’est tellement décevant ; la leçon, c’est qu’il faut avoir une approche transactionnelle comme les autres (partenaires non africains) et arrêter de jouer les farceurs », a-t-elle conclu.
« Ingérence éhontée et inacceptable »
Le mois dernier, le Sénégal et le Tchad ont annoncé le départ des militaires français de leur sol. Le Tchad était le dernier point d’ancrage de la France au Sahel, où la France comptait jusqu’à plus de 5 000 militaires dans le cadre de l’opération antijihadiste Barkhane, stoppée fin novembre 2022.
Entre 2022 et 2023, quatre autres anciennes colonies françaises, le Niger, le Mali, la Centrafrique et le Burkina Faso, ont ordonné à Paris de retirer son armée de leurs territoires, où elle était historiquement implantée, et se sont rapprochées de Moscou.
Le ministère algérien des Affaires étrangères a dénoncé dans un communiqué “les propos du président français qui déshonorent avant tout celui qui a cru devoir les tenir de manière aussi désinvolte et légère”.