Vie scolaire –
Les élèves créent une pièce de théâtre contre l’intimidation
Cinq enfants se sont lancés dans cette aventure proposée par la psychologue Anne Jeger. Certains ont été personnellement victimes de harcèlement scolaire.
Publié aujourd’hui à 10h00
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Cet article du 4 avril 2024 a été importé de Femina.ch et republié sur notre site le 7 janvier 2025.
Utiliser l’art comme prévention et thérapie face à un phénomène aussi grave, violent et complexe que le harcèlement scolaire est l’idée derrière la pièce. Résister! Les Intrépides, joué le 13 avril 2024 à Théâtre Crochetan à Monthey (VS), dans le cadre du festival Jeunesencontres. Une démarche que l’on doit à Anne Jeger, psychologue clinicienne du canton de Vaud, à l’origine du projet.
« J’ai fait du théâtre quand j’étais plus jeune et pendant plusieurs années j’avais en tête de remonter sur scène pour parler de harcèlement », explique-t-elle. Le professionnel s’intéresse depuis des années au harcèlement scolaire, écrivant des articles et donnant des conférences sur ce sujet. « Notre objectif est de présenter sur scène la réalité du harcèlement scolaire, de sensibiliser le public aux différentes situations existantes et de montrer comment réagir et aider les enfants dans de tels cas », explique Anne Jeger. Nous décrivons les différentes émotions que peut ressentir une personne victime d’intimidation à l’école. Le directeur du Théâtre du Crochetan, Lorenzo Malaguerra, est en charge de la mise en scène.
Agir face au harcèlement
Cinq étudiants de différents établissements vaudois, âgés de 9 à 13 ans, ont été sélectionnés lors d’un casting. Dans l’équipe, certains participants ont été harcelés, tandis que d’autres ont été témoins ou souhaitent agir face à ce problème. Au cours de la pièce, plusieurs types de harcèlement sont abordés : les insultes, l’isolement, les moqueries, la propagation de rumeurs, le cyberharcèlement, etc.
Les enfants travaillent à la création de cette œuvre depuis près d’un an. Il a été imaginé à partir d’improvisations et de jeux de rôles, voire à partir d’histoires personnelles ou picturales. La psychologue travaillant à Lausanne constate une ambiance particulière lors des répétitions : « Il y a beaucoup de gentillesse, de respect, de sérieux, mais aussi beaucoup de rires », raconte-t-elle avec joie.
Une « expérience très prenante »
Lisa, 11 ans, fait partie de la troupe : « J’avais envie de participer à la pièce pour aider les victimes de harcèlement à s’exprimer et faire diminuer les cas. » Elle décrit une expérience très prenante : “C’est intense ce que je ressens quand je joue, je fais du théâtre depuis très longtemps, mais cette pièce sur le harcèlement est particulière.”
Les enfants sont invités à jouer différents rôles pendant le spectacle : personnes harcelées, tyrans, parents, enseignants. «Ça provoque beaucoup d’émotion de jouer ces différents rôles, surtout quand je dois jouer le rôle d’un harceleur», raconte Camille, 12 ans, qui participe également au projet.
Lisa et Camille constatent toutes deux qu’elles accordent désormais plus d’attention aux cas de harcèlement, sans en avoir jamais été victimes. Cette expérience a contribué à fédérer le groupe. «Nous nous entendons tous très bien», déclare Lisa. « On a vraiment hâte de jouer la pièce, note Camille.
Pour Anne Jeger, auteur du livre Le regard d’un psychologue sur les enfants, la vie familiale et les épreuves du couplejouer au théâtre peut ainsi s’apparenter à une démarche thérapeutique et « aider les victimes de harcèlement à reprendre le contrôle, notamment après une agression où l’on se sent totalement impuissant ». Il lui tient à cœur de raconter comme anecdote le fait que « les enfants qui jouent les tyrans s’excusent après leur scène et précisent que tout ce qu’ils ont dit était faux. C’est très touchant !
Deux personnes par classe harcelées
Anne Jeger est également active au sein l’association VIAqui propose un soutien aux victimes de violences et de harcèlement à l’école du canton de Vaud. L’association organise des ateliers pour accompagner les jeunes victimes de harcèlement ou de violences à l’école et les sensibiliser autour de cette thématique. « Notre objectif est d’offrir un espace sécurisé et bienveillant pour que ces enfants puissent partager leur souffrance avec d’autres personnes qui ont vécu la même chose qu’eux », commente Anne Jeger, qui en est responsable et qui les anime. Cela permet de renforcer l’estime de soi, de développer la résilience émotionnelle, d’augmenter les compétences sociales et de consolider la confiance en soi.
Concernant le rôle des établissements scolaires, « il y a encore beaucoup à faire, je suis encore très frappée par certains cas qu’on me rapporte », révèle-t-elle. Il faut parfois encore beaucoup trop de temps avant d’agir et pendant tout ce temps, l’enfant harcelé ne se sent pas protégé. Le spécialiste rappelle que le harcèlement touche 10 % des élèves, soit en moyenne deux personnes par classe, et souligne l’importance de la prévention : « On peut mettre un pansement sur une plaie après, mais la plaie sera malheureusement déjà faite. Chaque année, des interventions dans les classes « doivent être réalisées, pour faire réfléchir les élèves, les informer sur les conséquences de leurs actes, leur rappeler ce qu’il faut faire et ne pas faire, travailler l’empathie aussi, tout cela est très important. L’école est comme une micro-société et il est essentiel de véhiculer des valeurs, comme la tolérance, la solidarité, l’entraide.
Anne Jeger ne le répétera jamais assez : « Il faut agir très tôt et sensibiliser chacun au fléau du harcèlement. » Elle rappelle aussi la difficulté de parler au nom des personnes harcelées et pointe « une banalisation de la violence » entre étudiants. « On s’insulte, on se gifle et c’est difficile de savoir ce qui est grave et ce qui ne l’est pas. L’enfant maltraité a peur des représailles et peut ressentir à tort de la honte et de la culpabilité, mais il faut en parler et demander de l’aide », rappelle-t-elle.
Hypervigilance et stress post-traumatique
Le psychologue vaudois, qui suit en thérapie les victimes de harcèlement, constate des séquelles importantes chez les victimes, même des années plus tard. “Lors du harcèlement, les enfants sont dans un état d’hypervigilance, cela mobilise beaucoup d’énergie psychologique et ralentit leurs apprentissages.” Plus tard, une vulnérabilité émotionnelle peut se développer ainsi qu’un stress post-traumatique « à prendre très au sérieux, car il peut entraîner des difficultés d’adaptation dans le milieu professionnel ou dans les relations amoureuses ». Anne Jeger souligne qu’il y a aussi un impact sur les personnes qui les harcèlent : « Ils se culpabilisent beaucoup après et se demandent pourquoi personne ne les a arrêtés. Cela montre à quel point il est important d’agir rapidement pour les arrêter », affirme-t-elle.
D’ailleurs, l’association VIA a été fondée en 2020 par deux étudiants en psychologie de l’Université de Lausanne, Loïc Jaquier et Juliette Bratschi. Les deux amis ont remarqué combien de personnes restaient traumatisées par des expériences de harcèlement dans l’enfance, même à l’âge adulte. Loïc Jaquier souligne qu’en dehors des thérapies individuelles, les initiatives d’accompagnement des victimes manquent, et c’est justement « la mission première de l’association, grâce notamment aux différents ateliers organisés ».
La prévention n’est pas oubliée et certaines de ces animations sont destinées aux parents et à tous les professionnels de la petite enfance, “ce qui s’inscrit dans notre objectif d’aider les adultes à disposer des outils nécessaires pour agir”, précise Loïc Jaquier. Ce dernier rappelle également la complexité du phénomène : « Il n’existe pas un seul type de harcèlement, de victimes ou de harceleurs mais une infinité de situations très différentes les unes des autres. « Pour pouvoir agir efficacement, il faut davantage de ressources et une bonne cohésion entre tous les acteurs impliqués. »
Quelques chiffres sur le harcèlement
19% des étudiants de 15 ans en Suisse déclarent avoir été victimes de harcèlement (Étude de Pise2022).
29% des enfants âgés de 12 à 19 ans en Suisse ont déjà été victimes de harcèlement en ligne (Étude de James2022).
43% des enfants âgés de 9 à 17 ans en Suisse ont déjà subi des violences psychologiques à l’école (Étude de l’Unicef2021).
32% des enfants âgés de 9 à 17 ans en Suisse ont déjà subi des violences physiques à l’école (étude UNICEF, 2021).
4,9% des enfants de 15 ans dans le canton de Vaud sont des tyrans (étude du canton de Vaud2018).
Ressources
Numéro d’aide Pour les jeunes avec des professionnels disponibles 24h/24 et 7j/7 : 147
Site d’aide et d’information pour les adolescents : ciao.ch
Site Internet de l’Association VIA, soutien aux victimes de violences et de harcèlement à l’école : association-via.ch
Site Patouch, association pour la prévention des violences envers les enfants et adolescents : patouch.ch
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