Plastiques, papiers, cartons, canettes… Une ribambelle d’emballages défile à toute vitesse sur des tapis roulants allant du sol au plafond. Collectés dans les poubelles jaunes de 520 000 Girondins, ces déchets sont automatiquement triés par taille, forme, puis matière, avant de subir une dernière vérification humaine.
Ce processus minutieux se déroule au cœur du centre de tri de Saint-Denis-de-Pile, près de Libourne, inauguré le 20 décembre 2024. A l’issue de ce processus, les 34 000 tonnes d’emballages triées chaque année sont compactées, puis transportées. vers des sites de valorisation, dont 80 % en France.
Une entreprise publique locale en charge
Au-delà de ses capacités techniques de pointe, cet outil industriel a la particularité d’être porté conjointement par sept syndicats de traitement des déchets représentant environ un tiers de la population girondine. Un montage inédit pour un investissement de cette ampleur qui s’élève à 27 millions d’euros. Le monde des déchets est en effet un univers complexe où les sigles des acteurs publics sont aussi nombreux que les types de matières à collecter.
Et la Gironde, plus grand département de France, doit s’adapter à la fois aux 20 000 nouveaux habitants qui s’y installent chaque année et à l’extension des consignes de tri. De quoi inciter à la mutualisation : « Ce nouveau centre de tri est l’aboutissement d’un long chemin semé d’embûches débuté en 2015 avec l’évolution de la législation puis avec la création d’une entreprise publique locale. [SPL] commune en 2019. Il a fallu convaincre beaucoup de monde pour y arriver », rembobine Christophe Doray, le président de cette SPL baptisée TriGironde.
Entreprise privée à participation 100% publique, elle a choisi de confier ce marché public à l’entreprise francilienne Sepur, en charge de la conception, de la construction et de l’exploitation de ce tout nouveau centre de tri. Et Sepur, qui réalise un chiffre d’affaires de 400 millions d’euros pour 260 salariés en 2024, loin des géants du secteur, promet un coût de tri des déchets inférieur à ce que les collectivités payaient séparément jusqu’alors et une valorisation de 95 % des volumes entrants.
Vers un accord politique sur les déchets ménagers
« J’espère que d’autres coopérations de ce type pourront être formalisées sur les déchets ménagers. », glisse Christophe Doray dans son discours d’investiture. Une allusion à peine voilée aux négociations politiques engagées depuis 2020 entre Bordeaux Métropole et les 14 autres intercommunalités de Gironde sur le sujet sensible du coût de l’incinération des ordures ménagères. Des négociations qui ont abouti à une déclaration commune paraphée fin 2024 pour s’engager à fixer un prix unique à la tonne incinérée pour tous les habitants du département. Une étape importante qui met fin à une forme d’inégalité territoriale.
En effet, dans le cadre de la délégation confiée en 2020 par Bordeaux Métropole à Veolia, le prix de l’incinération des ordures ménagères est très différent entre Bordeaux Métropole, propriétaire des deux seuls incinérateurs de Gironde, et les autres intercommunalités auprès desquelles elle en a vanté l’usage. Quand le premier paie 45 euros la tonne, le second doit payer 135 euros, soit trois fois plus cher. Un montage tout à fait légal qui a permis à la Métropole d’équilibrer ses propres comptes, comme l’a souligné la Cour des comptes en 2021.
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Un prix d’équilibre autour de 100 euros la tonne
Mais face aux protestations de ses voisins, la Métropole a accepté de revoir l’équation de la future délégation prévue pour 2028. » L’accord définit un prix d’équilibre d’environ 100 euros la tonne pour chacun tout en garantissant à Bordeaux Métropole un droit de priorité et la perception du loyer pour la mise à disposition des deux incinérateurs. », explique Jean-François Auby, le président de la Semoctom qui regroupe huit intercommunalités de l’Entre-deux-Mers. ” Il s’agit d’un effort important de la Métropole et, pour nous, c’est une victoire par rapport à la situation actuelle très pénalisante. »
Ce geste de la métropole bordelaise s’inscrit dans la volonté d’ouverture territoriale portée par la majorité de gauche élue en 2020 à la Métropole et désormais présidée par la socialiste Christine Bost. C’est aussi une décision alimentée par la prise de conscience croissante des interdépendances territoriales en matière de déchets mais aussi d’accès à l’eau ou encore aux ressources énergétiques et alimentaires.
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Un dispositif juridique complexe
Il faut désormais que tout aille vite. Les 14 structures de gestion des déchets seront d’abord regroupées au sein d’une nouvelle entreprise publique locale d’ici juin 2025 pour atteindre une taille critique. Cette SPL créera ensuite avec Bordeaux Métropole, d’ici la fin de l’année, un groupement d’intérêt public pour gérer les deux incinérateurs de Bègles et de Cenon. C’est ce GIP qui lancera la nouvelle délégation de service public en pilotant cette politique publique de manière inédite au niveau départemental.
Avec le risque d’augmenter les impôts locaux pour les 750 000 habitants de la Métropole en 2028. » Probablement mais pas nécessairement », replies Jean-François Auby. “ Car le loyer annuel de 13,5 millions d’euros qui sera versé à la Métropole pour l’utilisation de matériels déjà amortis fera baisser la facture. » Reste que les capacités d’incinération resteront inférieures aux besoins d’ici 2030. Bordeaux Métropole espère donc réduire les quantités de déchets ménagers de 15 % en 2030 par rapport à 2010 pour arriver à 440 kilos par an et par habitant.
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