En Belgique, on préfère jouer les prolongations. “Des règles concernant le professionnalisme ne seront établies que lorsque le besoin s’en fera sentir.» stipule l’article 40 du nouveau règlement de l’Union belge, élaboré en 1913. A l’époque, une « commission du professionnalisme » va même enquêter sur neuf joueurs, pour la plupart issus de l’Union Saint-Gilloise, la championne, soupçonnée de toucher des primes !
Raymond Braine, puni à cause de son café
En 1925, la fédération lâche prise : elle vote pour autoriser « un éventuel remboursement du manque à gagner des joueurs », qui, lorsqu’ils jouaient, ne travaillaient forcément pas. Mais elle renforce en revanche ses mesures contre l’exploitation des noms et photos des footballeurs. Raymond Braine en fait les frais : l’attaquant du Beerschot est suspendu parce qu’il a commis l’erreur d’exploiter un… café, « Le Matador » à Anvers ! Le « méchant » utilise sa notoriété pour s’enrichir. Ouuuuh… Et tant pis pour les Diables qui disputèrent leur première Coupe du Monde, en 1930 en Uruguay, sans leur meilleur joueur… En juillet de la même année, Raymond Braine signait au Sparta Prague, en Tchécoslovaquie, et devenait le premier footballeur professionnel belge à jouer pour un club étranger. Le blé est plus disponible ailleurs…
En 1935, nouveauté avec le passage au « semi-pro » : l’Union belge vote le statut de footballeur indépendant. Un joueur peut désormais recevoir une compensation de la part de son club (réglant une situation qui existait depuis des années) mais sans faire du Football son métier principal. Et la fédération ouvre également le marché des transferts : les clubs peuvent désormais vendre et acquérir des joueurs contre rémunération.
Pendant de nombreuses années, notre football a vécu de ce statut plein d’hypocrisie. En 1958, après le premier titre du Standard, son président Paul Henrard déclarait : «Le Standard est un club professionnel ! De plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer davantage de droits. Au début des années 1960, de nouvelles échelles apparaissent. Mais ils sont jugés insuffisants par les clubs des deux premières divisions (un déficit annuel de 42.000 francs belges maximum pourrait notamment être accordé à un joueur s’entraînant de jour, entre 8h et 17h, etc.), qui ont décidé de se sont regroupés en 1964 au sein d’une Ligue Nationale, pour faire valoir leurs droits. Mais très vite, des dissensions apparaissent et les équipes les plus puissantes entament l’inévitable basculement vers le football professionnel…
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Création de la Ligue Professionnelle en 1973
En Belgique, la Ligue de Football Professionnel est née en 1973. Bien des années après l’Angleterre (1885), mais aussi la France (1935), les Pays-Bas (1956) et l’Allemagne (1963). Le fruit de la rivalité entre Roger Petit et un notaire gantois, René Hoste, qui fut président de la Ligue nationale. L’homme fort du Standard, alors également vice-président de l’Union belge, a créé une dissidence. Sous sa direction, et le soutien actif de Constant Vanden Stock, président d’Anderlecht après avoir été sélectionneur national, neuf clubs (Anvers, Daring, Club Bruges, FC Liégeois, Gand, Standard, Anderlecht et les deux clubs Carolos, Sporting et Olympic) quitte la Ligue, rejoint, quelques mois plus tard, par six autres équipes (Beerschot, Beringen, Beveren, Cercle Bruges, Lierse et Lokeren).
Roger Petit a été le premier président du nouveau « Regroupement des clubs à intérêts professionnels et internationaux », pendant quatre ans, avant de démissionner avec fracas suite à un désaccord entre… le FC Bruges et Anderlecht concernant l’acquisition de Michel Renquin.
Les Liégeois présidèrent la première séance de la Ligue professionnelle, le 27 janvier 1973 au restaurant de l’hôtel Amigo, au centre de Bruxelles. « Roger Petit a regroupé les clubs les plus en vue du royaume en vue de les professionnaliser, confié, dans le DHL’Anversais Eddy Wauters, le plus jeune membre de l’assemblée, qui a rédigé les premiers procès-verbaux. Le but de la Pro League était la coopération afin de faire progresser le football en Belgique. Nous cherchions comment nous entraider, créer des revenus pour des clubs qui n’en avaient pas beaucoup. (Bruges, champion en 1973, était par exemple au bord de la faillite) car il n’y avait pratiquement pas de sponsoring et de droits TV à l’époque. La principale recette était les billets de stade. On parlait déjà de la Coupe de la Ligue. Nous avons essayé de reporter les matches pour éviter la compétition. La première mesure a été de faire passer la D1 de seize à vingt clubs pour que chaque cercle dispose des recettes de dix-neuf matches à domicile. C’est ainsi que le Sporting de Charleroi, quatorzième de D2, a été catapulté en D1 car il avait opté pour la voie du professionnalisme. L’expérience de vingt n’a duré qu’un an… »
mouetteLe professionnalisme n’est viable que pour une demi-douzaine de clubs. Les revenus des autres sont trop maigres pour répondre aux exigences de ce football de millionnaires…
Charleroi promu artificiellement
L’objectif était donc de faire entrer des clubs de D2 à vocation professionnelle en D1. Pour arriver à vingt clubs en 1974-1975, on a pris les quatorze premiers du précédent championnat de D1, remporté par Anderlecht ; les trois premiers de D2 (le champion, Olympique Charleroi ; son vice-champion, l’AS Ostende et le troisième, Lokeren) ; le Sporting de Charleroi, quatorzième et qui avait évité de peu de tomber en D3 mais qui était dans les clous « administrativement » ; et nous avons organisé des barrages (déjà !) entre quatre clubs, les deux derniers de D1 1973-1974 et les clubs classés quatrième et cinquième de D2 afin de conserver deux équipes (Lierse et Winterslag passent en D1 ; Eupen et Saint-Trond iront en D1). jouer en D2). A vingt, les comptes seront bons… Avec un absent de marque : La Gantoise, pourtant l’un des clubs à l’origine du projet, qui termine… dernier de D2 et descend en D3 pour la première fois de son histoire.
Les clubs de D2 grimacent quand cette élite se constitue. “Nous ne voulons pas nous suicider, lancent leurs représentants. Le professionnalisme n’est viable que pour une demi-douzaine de clubs. Les revenus des autres sont trop maigres pour répondre aux exigences de ce football « millionnaire »… »
Vingt clubs, c’est deux de trop
Le samedi 26 janvier 1974, une réunion d’urgence est convoquée au siège fédéral. Roger Petit veut déjà réduire l’effectif : de vingt clubs en 1974-75 en D1, on passera à dix-neuf la saison suivante et à dix-huit en 1976-1977. Il y a donc trois descendants en 1975 (Diest, Winterslag et Olympic) et en 1976 (Berchem, RC Malines et La Louvière qui, quatorzième, est sauvée sportivement mais rétrogradée pour corruption suite à « l’affaire Jurion »).
À l’été 1974, quelques semaines après le titre du Sporting Anderlecht mené par le Hongrois Attila Ladinsky (meilleur buteur), dernier champion de notre première division semi-professionnelle, le premier championnat de D1 de la Ligue Professionnelle est lancé. L’Union belge a adapté ses statuts en février, intégrant désormais trois catégories de joueurs : le professionnel rejoint l’amateur et le non-amateur (l’acte fondateur de la Ligue professionnelle est paru au Moniteur belge du 4 juin 1977). L’argent dans le football n’est plus un tabou. Il peut désormais circuler en toute transparence, voire presque…
Les appellations de notre première division
- 1974-1993 > Division 1
- 1993-2005 > Ligue Jupiler
- 2005- ? > Jupiler Pro Ligue
Evolution du nombre de clubs en D1
- 1974-1975 > 20
- 1975-1976 > 19
- 1976-2009 > 18
- 2009-2020 > 16
- 2020-2023 > 18
- 2023- ? > 16