Annoncé en 2019, le projet d’usine de freins carbone de Safran n’a toujours pas de base définie. Mais la décision est imminente. “Nous prendrons notre décision au cours du premier semestre 2025», a déclaré Olivier Andriès, le directeur général de Safran, jeudi 5 décembre, à l’occasion de la journée des investisseurs du groupe.
A l’heure où les fermetures de sites industriels se multiplient en France, les pouvoirs publics attendent avec impatience l’issue des discussions du motoriste, d’autant que ce site représente un investissement de 400 millions d’euros et devrait générer 200 emplois. . Mais les États-Unis et le Canada sont en embuscade, comme l’a annoncé le groupe en 2023.
A l’origine, le site de l’usine de freins carbone, élément clé des trains d’atterrissage, devait atterrir à Feyzin (Rhône). Une localisation remise en question après l’explosion des prix du gaz et de l’électricité. Car l’énergie représente environ 40 % des coûts de production des disques de frein en carbone, le gaz servant également de matière première. “Entre 2019 et aujourd’hui, le prix de l’électricité a quintuplé en France, et celui du gaz aussi», a rappelé Olivier Andriès. D’où l’extrême prudence du groupe qui, en attendant de prendre une décision, a augmenté les capacités de ses sites existants, à Villeurbanne (Rhône), Walton (Kentucky, Etats-Unis) et Sendayan (Malaisie).
Des incertitudes politiques fâcheuses
L’heure du choix est désormais imminente pour Safran concernant cette quatrième usine de freins carbone. “Aujourd’hui, il y a trois optionsa résumé Olivier Andriès. Outre la France, il y a le Québec où le prix de l’énergie est très compétitif grâce à l’hydraulique, mais aussi l’Oregon, au sud de Seattle, où là encore le prix est compétitif grâce à l’hydraulique et où il est également réglementé.» Quoi qu’il en soit, ce site doit être opérationnel d’ici 2030, pour épauler les trois sites existants et répondre à la forte demande de freins carbone.
Pour souligner la difficulté de trancher sur le choix de l’implantation de cette usine, le patron de Safran a rappelé les trois critères pris en compte : un prix de l’énergie compétitif, une énergie décarbonée et non intermittente (donc nucléaire ou hydraulique), et enfin forte visibilité sur les prix pendant au moins 10 ans. “Je préfère aussi aller dans un endroit avec une certaine stabilité économique et politique», a ajouté Olivier Andriès. Des propos qui font sans aucun doute référence à la chute du gouvernement français survenue la veille et aux incertitudes politiques que cela génère.
Pour Safran, cette future usine contribuera à maintenir sa position sur ce segment méconnu mais stratégique. Le motoriste et équipementier revendique environ 55% de part de marché sur le segment des avions commerciaux de plus de 100 sièges, devant notamment l’américain Collins Aerospace (RTX, ex-Raytheon Technologies). Safran a introduit cette technologie du spatial dans l’aéronautique dans les années 1980. Le constructeur équipe entre autres les Airbus A320, A330 et A350, mais aussi le Boeing 787. Alors que le groupe produit entre 1 500 et 1 700 tonnes de carbone par an, la nouvelle usine doit passer le cap des 2 000 tonnes par an sur fond de d’augmentation des taux de production d’avions.