Il y a dix ans, le département de la Somme lançait le programme Vallée de la Somme, Vallée Idéale. Un programme visant à aménager sept maisons éclusières le long de la Somme et à développer une offre touristique attractive. Si certaines sont désormais bien ancrées dans le paysage économique et culturel local, d’autres peinent à émerger.
Les essentiels du jour : notre sélection exclusive
Chaque jour, notre rédaction vous réserve la meilleure actualité régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en contact avec vos régions.
France Télévisions utilise votre adresse email pour vous envoyer la newsletter « Les incontournables du jour : notre sélection exclusive ». Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien présent en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité
Au fond de la Baie de Somme, c’est entre l’écluse et la voie ferrée que l’on retrouve Christophe Marie, un amoureux de la nature occupé à peindre. Propriétaire de la maison éclusière et du domaine de La Canoterie, il vit à Saint-Valery-sur-Somme depuis une dizaine d’années. “Nous sommes en train de refaire tout un pignon, nous explique-t-il en repeignant un volet en bois en blanc. Elle a été repeinte il y a sept ans donc tout est à refaire. Il faut un peu de courage. Nous venons de fermer le restaurant pour la saison. Nous en profitons pour faire une petite rénovation et un agrandissement.“
Nous l’avons rencontré à ses débuts en 2018. Il venait de louer cette petite maison éclusière au Département. Un site qu’il souhaitait développer en construisant un restaurant à côté. Désormais, l’établissement est ouvert pendant la saison touristique et Christophe en est devenu le propriétaire. Il travaille désormais à la création d’un lodge. Et ne soyez pas à court de projets ou d’idées. “Le lodge sera terminé cet hiver. Il y aura donc le lodge, le restaurant, un espace brasero à l’extérieur et bientôt, il y aura certainement une piscine naturelle. C’est un espace qui peut être privatisé. Nous avons du travail à faire pour les années à venir !», sourit-il.
Agrandissez la zone mais étendez-vous également sur l’eau. Le chef d’entreprise voit plus grand. Cet été, il a achevé la construction d’un bateau en bois. Il propose des balades guidées entre l’estuaire et la côte picarde. “Nous nous retrouverons à contre-courant pendant 45 minutes puis nous retrouverons au stand au milieu de la baie», explique-t-il aux touristes assis dans le bateau à moteur.
Pendant 1h30, les passagers admirent la faune locale. Les oiseaux survolent les bateaux pêchant les crevettes tandis que les phoques jouent à cache-cache avec le bateau. Une merveille pour les visiteurs du jour. “Nous sommes allés à la mer. Nous avons respiré l’air marin. Les phoques sont venus nous dire bonjour, dit Jacques. C’était une mère avec ses bébés. Petits phoques gris. C’était splendide. On était vraiment en pleine nature, déconnectés.»
“C’est super sympa et agréable et ça permet de voir Saint-Valery-sur-Somme autrement, sous un autre angle et je trouve ça génial», ajoute Valentine assise à côté de Jacques dans le bateau. De beaux compliments qui renforcent l’idée d’extension de Christophe Marie qui ne s’interdit pas d’installer des maisons ou des lodges flottants dans quelques années. A Saint-Valery-sur-Somme, la maison de l’éclusier semble être sur la bonne voie. Mais ailleurs dans le département, d’autres bâtiments le long du fleuve rencontrent plus de difficultés.
Car même si ces bâtisses anciennes ont un certain charme, elles sont parfois un peu exiguës. Quitte à peser sur l’activité. C’est le cas de la maison éclusière d’Ailly-sur-Somme où Jérôme Deliens a installé en juin dernier son entreprise de vente et de réparation de cycles.
Ce professionnel du vélo et du scooter a choisi de louer cette maison éclusière pour sa situation en bordure du chemin de halage. Mais après quelques mois d’activité, force est de constater que cela ne suffit pas. “Dès votre entrée dans le magasin, vous constatez que l’espace est limité, il explique. Nous avons organisé les choses autant que possible. Mais pouvoir proposer des vélos à la vente, c’est compliqué. J’en ai mis dehors. Mais quand il pleut, il faut tout rentrer et l’espace n’est plus accessible.“
La pièce mesure exactement 14 m². Malgré un loyer attractif de 100 € par mois, Jérôme a pris la décision de partir. “Mes ventes ont diminué et mon chiffre d’affaires aussi. J’ai donc dû trouver un endroit plus grand.“
Ce manager n’est pas le premier à faire ce choix. Il y a deux ans, la communauté de communes Nièvre Somme qui occupait les lieux a déménagé à quelques kilomètres de là, à Picquigny.
Le site est également une ancienne maison d’éclusier qui appartient aujourd’hui au com de com. Oublié les 14 m² d’Ailly-sur-Somme. Le nouvel office de tourisme est quatre fois plus grand. “Ce n’est absolument pas comparable, nous montre Gwendoline Brazier-Duval, la directrice du pôle tourisme Nièvre Somme. Là, on a vraiment de l’espace pour pouvoir poser du mobilier et accueillir le public et lui proposer une pause avec un petit goûter. On accueille souvent des cyclistes complètement trempés qui s’arrêtent ici pour prendre un café avant de reprendre la route.“
Depuis l’installation à Picquigny en 2022, la fréquentation du pôle tourisme Nièvre Somme a doublé. L’année dernière, 4 500 personnes se sont arrêtées ici, en majorité des cyclistes. Redonner vie au patrimoine local était aussi l’objectif des élus. “Le déménagement à Picquigny nous a permis de développer des activités comme des ateliers de sculpture pour des familles souvent locales et de mettre en place des concerts pendant la période estivale qui se déroulent sous le grand tilleul.», énumère Annick Lemaire, vice-présidente de la communauté de communes Nièvre Somme. Prochain projet : l’aménagement d’hébergements insolites sur le terrain.
Les idées ne semblent pas non plus manquer à Lamotte-Brebière, à deux pas du centre-ville d’Amiens. La maison éclusière, inoccupée depuis deux ans, vient de trouver de nouveaux locataires. Deux amis restaurateurs qui, à la mi-novembre, ont retrouvé leur futur lieu de travail pour la première fois depuis la signature du bail.
“On pourrait y mettre les tables, montre Céline Gayant. Et des chaises ici. Les frigos iront dans ce coin« . Tous deux savent de quoi ils parlent. Hervé Novak faisait de la restauration rapide à Doullens. Céline Gayant a dirigé pendant des années un bar dans le quartier Saint-Leu à Amiens.
Donc pour ce nouvel investissement, le projet est déjà bien monté. “Il y aura des gaufres et des crêpes l’après-mididit Céline. Les gens peuvent venir prendre un petit café. Les pêcheurs par exemple. Et le soir, nous prévoyons d’organiser des petits concerts pour le week-end. Et à l’intérieur, il y aura des expositions que nous organiserons.»
S’ils ont choisi cet établissement, c’est aussi et surtout pour l’extérieur. Hervé, qui sera aux fourneaux, a déjà son food truck qui sera garé sur le terrain de la maison éclusière. Il envisageait d’élaborer une carte sans prétention, à base de produits locaux. Mais il souhaite avant tout créer ici une ambiance chaleureuse. “Nous sommes dans une tranche d’âge, après 35 ans, où l’on ne trouve plus de place dans le quartier où l’on puisse venir s’amusernote-t-il. Là, on est à huit minutes d’Amiens. Nous déménageons. Nous avons une taverne. Les gens peuvent venir à vélo. Ils peuvent venir à pied. Je trouve que c’est un endroit magique. Et puis on ne dérange personne s’il y a un petit bruit. Nous n’avons pas de voisins.“C’est aussi ce qui a attiré sa compagne, une habituée des lieux.”Je connaissais la maison de l’éclusier en activité. Depuis des années, j’ai le béguin pour cet endroit. Et chaque jour, je viens ici promener mon chien !“
Avec la réouverture de Lamotte-Brebière au printemps, les six maisons de la vallée gérées par le département devraient être occupées. Dix ans après le lancement du programme de réaménagement, les pouvoirs publics se disent satisfaits. “L’objectif premier est de rythmer et séquencer le tracé du chemin de halage, explique Cédric Berquez, directeur de la mission transition énergétique dans la Somme. Et de permettre à l’usager et notamment aux cyclistes qui empruntent la Véloroute Vallée de Somme de retrouver très régulièrement une offre de services la plus homogène possible. Et de pouvoir accéder aux sanitaires, à la restauration, à l’hébergement, à la réparation de vélos, aux activités culturelles, aux informations touristiques.“
Une offre de services que le département de la Somme souhaite mettre en avant dans son offre touristique. Il y a dix ans, les premiers appels d’offres du programme Vallée de la Somme, Vallée Idéale lancé en 2016 étaient lancés. Alors qu’une quinzaine de maisons éclusières parsèment les berges du fleuve, huit font partie de ce programme. Hormis ceux de Saint-Valery et Picquigny qui ont été rachetés par les occupants actuels, les six sont loués pour six à huit ans : 100 € la première année pour atteindre un loyer plein tarif dès la quatrième année.
Et c’est dans cette logique de promotion de la Vallée idéale que depuis plusieurs semaines, des panneaux fleurissent le long de la Véloroute.
Deux panneaux ont été installés devant l’éclusier de Picquigny, rebaptisé, comme les autres éclusiers, maison relais Vallée Idéale. “L’intérêt est qu’il y a une cohérence visuelle entre tous les postes éclusiers de la Somme, explique Gwendoline Brazier-Duval, la directrice du pôle tourisme Nièvre Somme. On retrouve sur un panneau le logo du Département et sur l’autre, la liste de tous les services offerts par l’éclusier.“
A Saint-Valéry-sur-Somme, Christophe Marie a reçu ses deux plaques des mains du président du Département. “C’est un outil de communication pour le Département, reconnaît Stéphane Haussoulier, mais c’est aussi un outil qui permet de faire connaître le porteur de projet pour que ceux qui souhaiteraient faire quelque chose de ce genre ailleurs sachent que c’est le Département qu’ils doivent contacter. Aujourd’hui, avec notre complexité administrative, les gens ne savent plus à qui s’adresser.“
Dix ans après le démarrage du programme de rénovation des maisons éclusières de la Somme, ces lieux sont devenus ou sont en passe de devenir des pôles d’activités. Le ministère ne compte pas s’arrêter là. Prochainement, une petite maison éclusière à Corbie sera également réhabilitée et transformée en office de tourisme.
Edité par Jennifer Alberts/FTV