Sur Inter, Eva Bester propose une rupture de mesure et de nuance dans un monde fragmenté

Sur Inter, Eva Bester propose une rupture de mesure et de nuance dans un monde fragmenté
Sur France Inter, Eva Bester propose une rupture de mesure et de nuance dans un monde fragmenté
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Eva Bester, en septembre 2023. CHRISTOPHE ABRAMOWITZ

Elle nous donne régulièrement de ses nouvelles à l’antenne. Partage ses doutes, ses peurs, ses humeurs qui reflètent souvent le monde dans lequel elle se réveille chaque matin. Travaillant dix à douze heures par jour, week-end compris, elle poste parfois sur Instagram – elle qui se méfie tant des réseaux sociaux et de ce qu’ils font à ses pensées – des excuses lorsqu’elle avoue ne pas pouvoir répondre à tous les messages reçus – ceux de ses proches inclus .

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Résolument sans filtre, elle est aussi et totalement maniaque du contrôlece qui veut dire qu’elle se donne entièrement en nous demandant de ne pas évoquer telle ou telle chose. Par peur, souvent, de blesser certaines personnes : “Je suis incapable de cacher – ce qui n’est pas toujours une qualité”nous raconte-t-elle ce lundi soir 18 novembre, après l’enregistrement live de son émission “La 20e Heure “ où elle a reçu Vincent Lindon.

Quoi qu’il en soit, Eva Bester, 39 ans, continue d’embellir nos oreilles avec son quotidien devenu largement leader du créneau (de 20h à 21h) avec ses 633 000 auditeurs.

Une conversation ouverte

Après des études d’anglais, elle débute par un stage à France Culture. Et c’est sur France Inter avec son « Remède contre la mélancolie », devenu « L’Embellie » en 2021, qu’elle retrouve pleinement sa voix. Suffisant pour qu’Adèle Van Reeth, la directrice de la chaîne, propose de reprendre la case “L’Heure bleue” après le départ de Laure Adler en juin 2023.

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Les débuts sont épiques. Pendant que son aîné saute en parachute, en couverture de L’équipeet reprend ses études, Eva Bester souffre de tendinite, souscrit aux antibiotiques et à la cortisone : « J’étais terrifiée et je ne réalisais pas à quel point cela allait changer ma vie en termes de rythme. » Celle des auditeurs aussi, qui trouvent avec elle un espace où la pensée peut se déployer, entre ses questions appuyées par une documentation solide et des archives pertinentes choisies avec son équipe, dont la précieuse Lola Costantini : « Eva sonde ses invités en profondeur, parvient à établir un dialogue, avec des respirations et des silences »note le réalisateur.

En effet, et même si l’émission est corrélée à l’actualité culturelle, il ne s’agit jamais d’un simple exercice promotionnel, mais plutôt d’une conversation largement ouverte et accessible, accueillante et bienveillante (elle y tient, et pour longtemps). Ce qui n’empêche pas parfois quelques propos virulents sur les réseaux sociaux. Surtout quand l’actualité vient à sa table – elle qui refuse d’être dans la réaction chaude. Elle défend sa position : « Je ne veux pas qu’on me demande de prendre parti : ce n’est pas mon rôle. Et puis, je n’ai pas forcément les compétences suffisantes. Eh bien, mon avis n’est pas si intéressant. »

« Vulgariser au sens noble du terme »

Mais ce qui l’intéresse, c’est d’écouter attentivement. Ouvrir des pistes de réflexion. Trouvez la bonne distance. Et essayez de faire preuve de modération et de nuance lorsque les émotions surgissent et débordent, au risque, comme elle le dit, de “pour empêcher qu’on soit raisonnable”. Elle pourrait ainsi être l’égérie radio de Karim Rissouli (« C ce soir » sur France 5) qu’elle a récemment reçu et avec qui elle partage un constat qu’un quotidien abîme certes, mais nourrit aussi. “C’est merveilleuxelle a dit, inspirer l’ensemble du monde intellectuel et artistique, pouvoir interroger, transmettre, vulgariser au sens noble du terme – c’est-à-dire rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres et les pensées. »

Elle avoue elle-même : « Mon université, c’était la radio. » Aujourd’hui, passant tellement de temps à préparer ses émissions, elle les écoute moins. Et, comme elle travaille chez elle et enregistre à 20 heures – et ce puisque les nuits ne sont qu’un espace de rediffusion et non de production -, elle rencontre rarement ses collègues et parle davantage à ceux qui n’ont pas de voix : les hommes d’entretien et des femmes, des agents de sécurité qui l’adorent comme nous avons pu le constater en arrivant à la Maison de la radio ce lundi soir.

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Eva Bester arrive deux heures avant l’enregistrement pour discuter avec son équipe. À la question « Qu’est-ce qu’une bonne interview ? » »elle répond : « C’est lorsque l’invité a été surpris par une question et sa propre réponse. » Elle dit qu’elle a peur. Tant de choses. « De la maladie. Laissez l’auditeur s’ennuyer. Laissez l’invité s’ennuyer. Je suis perfectionniste, cela résume toutes mes craintes car la perfection n’existe pas. » Ajouter: « Je contrôle vraiment les tâches qui me sont confiées car j’ai un truc de chevaleresque : si on me confie une mission, je dois la faire parfaitement. » En la déposant à l’arrêt de bus, on se dit qu’Eva Bester, chevalière de “La 20e Hour», est la gardienne de nos nuits.

Émilie Grangeray

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