A Rouen, c’est l’étonnant et intransigeant Whistler qui se révèle.

Comment naissent les artistes de légende ? La question se pose avec James Abbott McNeill Whistler (1834-1903). Encore relativement méconnu en France – où, somme toute, il fut très peu exposé –, le peintre d’origine américaine fut plus qu’un chef de file de son vivant : un véritable objet de fascination dont le caractère romantique a inspiré Proust, bien qu’il ne l’ait rencontré qu’une fois, Huysmans et Oscar Wilde. On pourrait s’étonner de ne pas approfondir son œuvre, qui se résume rapidement à quelques portraits majestueux aux harmonies de couleurs ultra maîtrisées, palette souvent sombreau matière picturale fine et lisse…un genre qui se prête difficilement à l’extase.

Que pouvons-nous dire également à propos de la figure très célèbre de sa mèrediaboliquement austère, officiellement baptisé Arrangement en gris et noir n°1. L’œuvre a fait l’objet de nombreuses réinterprétations, voire de pastiches. Elle a surtout été au centre d’une incroyable mobilisation d’artistes, de poètes et de critiques d’art pour être achetée par l’État français – en 1891, vingt ans après sa création. Ce qui fut fait, ce qui explique que le grand tableau soit aujourd’hui accroché aux murs du musée d’Orsay, où les Américains se pressent pour le voir. cette icône du patrimoine qu’ils rêveraient de voir accrochés chez eux. Aux États-Unis, où la plupart de ses œuvres sont conservées, Whistler est en effet placé au sommet du panthéon des artistesMême si sa carrière s’est déroulée en Europe, l’aura de Whistler défie toute analyse rationnelle.

« Un pot de peinture dans la figure du public »

Le peintre pourrait être ce qu’on appelle parfois « un artiste pour un artiste ». Écoutez l’un de ceux qui ont montré la voie, dans son cas en défiant l’académisme, remettre en cause la hiérarchie des pratiques – il était à la fois peintre, dessinateur, graveur, décorateur, enseignant – proposant, en somme, une autre voie.