Le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette demande à son homologue fédéral, Arif Virani, de criminaliser les discours haineux prononcés « sous couvert de foi » et fustige « l’inaction du législateur fédéral » après des dérives récurrentes à Montréal.
Deux articles inclus dans le Code criminel canadien permettent d’exempter toute personne tenant des propos haineux s’ils participent à la défense ou à la présentation d’un point de vue religieux.
Dans une lettre envoyée jeudi à M. Virani comprenant La Revue En ayant obtenu copie, M. Jolin-Barrette affirme que le genre de discours justifié par ces articles «contribue à un climat toxique» et qu’il «ne doit plus être toléré».
«En maintenant cette exception, le gouvernement du Canada perpétue des vides juridiques qui contribuent au repli sur soi, au communautarisme et à l’exclusion sociale, protégeant ainsi les comportements et les discours qui mènent à la discrimination et à la violence», accuse le ministre québécois.
Des tensions croissantes
Depuis le 7 octobre 2023, le SPVM a signalé 310 crimes et incidents haineux envers les communautés juive (230) et arabo-musulmane (80). Partout au Canada, les actes haineux ont presque triplé depuis 2015, selon les chiffres de la GRC.
Pas plus tard que mardi, le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) a lancé une enquête sur un manifestant qui avait effectué un salut nazi lors d’une manifestation qui a fini par dégénérer vendredi dernier.
En mars dernier, le docteur Eric Sabbah a été contraint de payer 25 000 dollars d’amende par le Collège des médecins après avoir appelé à un « grand nettoyage » de Gaza.
En mai, le DPCP a renoncé à poursuivre l’imam Adil Charkaoui, faute de « preuves », malgré un discours incendiaire et largement médiatisé au cours duquel il a appelé « Allah » à « prendre en charge » les « agresseurs sionistes ».
« Allah, identifie-les tous un par un puis extermine-les et n’en exclus aucun ! » » a-t-il scandé dans un micro, en arabe, lors d’une manifestation.
Un flou artistique
La question de l’exemption religieuse s’est déjà posée à Ottawa. Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a proposé un projet de loi pour s’attaquer à l’exemption religieuse. Son initiative est bloquée dans les limbes parlementaires depuis février.
Appelé à commenter la proposition il y a un an, le bureau de M. Virani a répondu que « le gouvernement du Canada n’est pas conscient que la défense invoquée pourrait constituer un obstacle à la lutte contre cette montée de la haine ».
Au Québec, l’Assemblée nationale a failli adopter une motion présentée par le Parti québécois pour exiger d’Ottawa le retrait des articles en question, mais le Parti libéral du Québec s’y est opposé.
Pour la ministre Jolin-Barrette, il est « impératif et urgent » que le gouvernement fédéral abroge ces dispositions qui « contredisent directement le droit à l’égalité dont jouissent les citoyens en vertu de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne ».
Une copie de la lettre a été envoyée à tous les ministres de la Justice du Canada.
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