Le mauvais temps a été meurtrier ce week-end en Suisse et a semé le chaos. Les cantons du Valais et du Tessin sont particulièrement touchés et demandent l’aide de l’armée pour gérer la crise.
Le Rhône, à gauche, et la Navizence, à droite, débordaient dans la zone industrielle de Chippis. © Keystone
Publié le 30/06/2024
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Le village de Saas-Grund déchiré en deux par une lave torrentielle qui a fait un mort. Une personne disparue dans le Haut-Valais. Des quartiers sous les eaux à Raron, Gampel, Chippis et Sierre. Des centaines de personnes ont été évacuées. Dégâts importants dans les vallées latérales. Routes détruites. Communes privées d’eau et d’électricité: le Valais paie un lourd tribut aux crues du Rhône et des rivières secondaires qui l’ont frappé entre samedi après-midi et dimanche matin.
« La situation est très délicate. Mais elle est sous contrôle. Nous restons attentifs à ce qui nous attend dans les heures à venir. Il n’est pas question de baisser la garde», a indiqué Frédéric Favre, conseiller d’Etat chargé de la Sécurité, lors d’un point de presse organisé dimanche après-midi.
Un cocktail explosif
Le niveau des rivières est scruté depuis plusieurs jours en Valais. Au sortir d’un hiver neigeux et d’un printemps froid, la couche de neige en altitude était encore épaisse ces derniers jours. « L’augmentation des températures a repoussé très haut la limite du zéro degré. Cela a provoqué une fonte rapide du manteau neigeux, alors que les rivières étaient déjà chargées avant ce week-end », explique le géologue cantonal Raphaël Mayoraz. La situation météo exceptionnelle de ce week-end, avec des cellules orageuses très dynamiques depuis samedi après-midi, a rendu tout ce cocktail particulièrement explosif.
“Il n’est pas question de baisser la garde”
Frédéric Favre
Les précipitations ont touché principalement l’est du Valais, en particulier les parties supérieures des vallées de Zermatt et de Saas ainsi que la région du Simplon, Binntal et Conches, faisant encore gonfler les torrents, les rivières et, finalement, le Rhône qui a débordé en divers endroits, entre Raron et Gampel. ou à Chippis et Sierre. Plusieurs centaines de personnes ont dû être évacuées dans ces régions depuis samedi, mais aussi à Sion, où les deux campings ont été vidés. Les images montrent également l’étendue des dégâts sur le site de la société Constellium.
Les intempéries ont également entraîné la fermeture de nombreuses routes dans le canton. L’axe du Simplon a notamment été fermé à la circulation, tout comme l’autoroute entre Sierre et Sion. Le trafic ferroviaire a également été fortement perturbé. Tant sur le rail que sur la route, « une reprise progressive » est attendue la semaine prochaine, selon les autorités.
Les pompiers fribourgeois ?
D’importants moyens ont été mis en œuvre. Outre les effectifs de la police cantonale et de la police municipale, environ 700 pompiers de plus de 35 services différents ont été engagés, ainsi que près de 200 en service de protection civile. «Nous avons également établi des contacts en vue d’obtenir des renforts de pompiers des cantons de Vaud, Genève, Neuchâtel et Fribourg», précise Marie Claude Noth-Ecœur, cheffe du Service de sécurité civile et militaire. Le canton a également fait appel à l’armée pour le soutenir, en priorité, dans la gestion de la crise dans la région de Sierre et Chippis.
La baisse des températures attendue au cours des prochains jours devrait réduire la fonte des neiges et les débits. « Malgré quelques pluies, nous restons calmes », informe Raphaël Mayoraz. Selon le géologue cantonal, il faudra une à deux semaines pour réaliser les principales mesures d’urgence: rétablissement de l’eau potable et de l’électricité, rétablissement des principales voies de communication, nettoyage des bâtiments. « Concernant l’état des digues et des berges, une inspection doit être effectuée. Cela prendra plusieurs semaines. Et pour tout restaurer, cela prendra des mois», annonce-t-il.
Travaux en retard
Face à ces événements, la pertinence d’entreprendre une révision du troisième projet de correction du Rhône s’est invitée à la table des discussions dès ce dimanche. Pour rappel, le Conseil d’Etat valaisan a décidé fin mai de revoir à la baisse le projet de troisième correction du Rhône, le jugeant “disproportionné”. Interrogé à ce sujet, Frédéric Favre indique que cette refonte vise justement à recentrer la correction du fleuve sur les questions de sécurité, « en ayant une approche globale et en prenant en compte la problématique des cours d’eau latéraux dans ces travaux. L’analyse réalisée, entre autres, par le Service des Risques Naturels est confirmée par les événements du jour », répond-il.
Sur les réseaux sociaux, le débat n’a pas attendu la baisse du niveau du fleuve pour être remis sur la table. « La situation est catastrophique », estime Carole Morisod, députée suppléante du Grand Conseil pour les Verts. « Que faut-il de plus pour faire comprendre que le projet initial Rhône 3 doit être mis en œuvre rapidement et que le conseiller d’État Ruppen et l’UDC feraient mieux de changer de discours. »
La fan zone de Salavaux entre colère et incompréhension
Le canton de Fribourg n’a pas été violemment touché par la tempête qui a traversé la Suisse entre samedi soir et dimanche matin. «C’est complètement calme. Nous n’avons reçu aucun appel ni demande d’intervention», a indiqué dimanche matin Bertrand Ruffieux, du service communication de la police cantonale fribourgeoise.
MétéoSuisse avait émis une alerte de niveau 3 pour le canton de Fribourg et de niveau 4 pour Payerne. Contrairement à Fribourg, les cantons de Vaud et de Genève ont décidé d’annuler toutes les autorisations pour les manifestations en plein air samedi à partir de 14 heures. Des rafales de vent, de la grêle et de fortes pluies étaient attendues en seconde partie de journée.
La fan zone de Salavaux n’a donc pas pu diffuser le match Suisse-Italie à 18 heures. Mais la région a également été épargnée par les tempêtes. Sa gérante Denise Maibach fulmine, estimant le manque à gagner à 60’000 francs. Elle compte porter plainte contre le canton.
« Cette décision est irresponsable et scandaleuse. Comme tout organisateur, j’ai une notion de sécurité, même avec un appareil pour mesurer le vent. Nous étions prêts à évacuer les gens si nécessaire – nous l’avons déjà vécu – même si le radar météo montrait que nous ne serions pas affectés par le mauvais temps. Le canton de Vaud est grand.»
L’organisateur dispose d’une assurance perte de gains. « Mais il n’est pas sûr qu’elle acceptera de payer quoi que ce soit. Au-delà de l’argent, ce sont des émotions qu’on n’a pas pu partager”, regrette-t-elle.
Les faits d’aujourd’hui
Dimanche matin, les autorités vaudoises ont décidé d’évacuer préventivement la zone industrielle d’Aigle. La situation étant revenue à la normale, l’accès a été à nouveau autorisé en fin de journée.
Au Tessin, le conseiller fédéral Ignazio Cassis a exprimé le soutien du Conseil fédéral à la population du Val Maggia et aux autorités lors d’une conférence de presse à Locarno. La répétition d’événements catastrophiques «nous touche profondément», a-t-il déclaré, alors que le Tessin a été durement touché une semaine seulement après Mesolcina, dans les Grisons italophones.
La France, l’Italie et l’Allemagne ont également été touchées par les intempéries du week-end. Dans le nord-est de la France, trois personnes âgées sont décédées samedi soir, écrasées par un arbre alors qu’elles se trouvaient dans leur voiture dans l’Aube. Un quatrième passager est toujours en urgence absolue. En Italie, le Piémont et la Vallée d’Aoste connaissent également des inondations et des coulées de boue. En Allemagne, le match Allemagne-Danemark a dû être interrompu pendant plusieurs minutes en raison d’un violent orage accompagné de pluies intenses et de grêle.
>The Nouvelliste
