« En 2023, 400 000 m3 d’épicéas ont été identifiés comme touchés par le scolyte en Pays de Savoie. Cette année-là a été une année record », décrit Thibaut Guiraudie, ingénieur, chef de projet au sein de l’interprofession Pôle excellence bois. Les années 2003 et 2018 avaient déjà été dévastatrices.
Le petit insecte trouve des terrains de plus en plus favorables à sa reproduction avec des périodes au-dessus de 18°C de plus en plus longues. Cette augmentation des températures fragilise également l’épicéa, arbre hôte de l’insecte, qui a de plus en plus de mal à se défendre contre ceux qui creusent des galeries sous son écorce. Puis, les paysages des deux Savoie changent. Les forêts, dont les espèces d’épicéas représentent 50 % de leur composition, sont teintées en brun.
Une image qui doit évoluer
Les marchés du coffrage et de l’emballage qui ont absorbé les volumes de bois attaqués ne suffisent plus compte tenu de l’ampleur du phénomène et de la baisse de la demande. Le Wood Excellence Center prend le sujet à bras-le-corps. L’image mal acquise du bois de scolyte doit évoluer. « Sa coloration bleu-gris, due à un champignon, n’a aucune incidence sur les qualités structurales selon la norme et selon l’étude de l’institut technologique FCBA », explique Thibaut Guiraudie.
Pour les professionnels du secteur, il est urgent de sensibiliser les clients pour qu’ils incluent ce bois disponible pour la construction dans les cahiers des charges et que les clients l’acceptent. Les enjeux sont nombreux.
« Tous les habitants ont intérêt à voir le bois des scolytes valorisés », ajoute Thibaut Guiraudie afin de préserver demain les paysages qui constituent aujourd’hui leur cadre de vie. Coupé rapidement, avant ce bois attaqué, maintenant le bois mort se dégrade, il peut donc être mis sur le marché. La coupe permet de nettoyer la forêt et réduit les risques d’incendie.
Ce nettoyage, suivi de la plantation d’essences plus résistantes, évite également de maintenir sur pied du bois mort, dangereux lorsque les forêts sont ouvertes au public (en cas de coup de vent par exemple, il peut tomber sur les promeneurs). La reconstitution du couvert forestier permet une protection contre les risques naturels, les glissements de terrain et les avalanches, la préservation des ressources en eau et de la biodiversité. Thibaut Guiraudie alerte également sur un autre problème. L’industrie du bois consomme 300 000 m3 de bois par an pour répondre aux besoins du marché. Si le bois de scolyte n’est pas intégré, ce sont au total 700 000 m3 qui n’assureront plus la fonction de puits de carbone que représente la forêt.