Florence Escriva est biographe hospitalière. Un métier encore peu connu, mais qui s’installe de plus en plus et s’inscrit dans la durée dans les hôpitaux en France. Depuis 2022, grâce à un financement de Pfizer et du fonds de dotation Helebor, le CHU de Tours propose à ses patients en fin de vie ou gravement malades de retranscrire leur parcours à travers un livre personnalisé.
Titulaire d’un diplôme universitaire en soins palliatifs et certifiée par l’association Passeur de mots et d’histoires (1), Florence met sa plume au service des personnes malades. « La maladie peut être un espace d’enfermement. En repensant à l’histoire de ces personnes, on comprend qu’elles ne sont pas seulement malades. Elles ont eu une vie avant d’être touchées par la maladie. »déclare le biographe.
La vie des patients est généralement réécrite à travers un livre (2), mais le format dépend aussi du temps qu’il reste à vivre à la personne. Florence évoque notamment l’histoire d’une lettre : « Avec une femme, je n’ai eu le temps d’écrire qu’une seule lettre, elle nous a quittés rapidement. Ces deux pages étaient destinées à son enfant et à son mari. »
L’écriture est entièrement réalisée par Florence, mais elle veille à respecter le langage et les expressions de chacun : « C’est un métier qui repose sur une éthique de l’autre et de soi-même. J’écris à la première personne du singulier et je n’ajoute rien, ce n’est pas un roman. »
Ces soins de support ne sont pas proposés à tout le monde. Catherine Barbe, médecin coordonnatrice de l’hôpital de jour au CHU de Tours, explique : « Nous avons tendance à offrir ce service aux patients qui sous-entendent que c’est important. La biographie de l’hôpital est quelque chose qui compte vraiment pour certaines personnes. Nous leur apportons une part d’immortalité. »
Laissez tomber le fardeau émotionnel
Gérard, 74 ans, fait partie des dix patients du CHU de Tours à avoir bénéficié de la biographie hospitalière. Son livre, remis en mains propres le 17 juin, est le résultat de trente-sept séances d’écoute réparties sur plus de deux ans avec Florence Escriva. Atteint de leucémie lymphoïde chronique depuis 2008, « Ce projet de biographie était un rêve » admet Gérard.
Cet ouvrage de 150 pages revient sur les différentes périodes qu’il a vécues. « J’ai notamment évoqué des souvenirs d’enfance où l’émotion était forte, mais il faut savoir l’accepter, il livre. Le poids émotionnel de la maladie a été déposé dans ce livre, il n’y a plus de lourdeur. »
Pour Gérard, regarder en arrière lui a apporté une guérison morale. « La maladie envahit avec les rendez-vous, les prises de sang, les médicaments, il énumère. Vivre avec un cancer est une chose difficile. Nous sommes confrontés à la mort et la biographie de l’hôpital m’a rendu service. J’ai écrit cette histoire pour moi et ma famille.
Un projet intergénérationnel
Le CHRU de Tours fait habituellement appel à l’atelier de reliure Tourangelle (3) pour la conception des ouvrages. Cette fois, la couverture, la conception graphique et le choix du papier ont été réalisés par trois élèves du lycée professionnel Albert-Bayet de Tours.
Selon Florent Chardin, professeur au lycée Albert-Bayet, ce projet a permis à Maxence (à gauche) et Maxime (à droite) « de leur apporter un éclairage sur des faits de société ».
© (Photo NR, Charly Blanchot)
Inscrits en dernière année de BTS ERPC (4), les trois étudiants ont été touchés par l’histoire de Gérard. «C’est une leçon de vie. Nous sommes habitués à la vie étudiante et nous avons pu découvrir une autre facette de la vie. » explique Maxime Martin.
Faute de financements, le service biographie de l’hôpital lance un appel aux dons afin de perdurer au sein du CHRU de Tours.
(1) Association fondée en 2010 par Valéria Milewski, inventrice du métier de biographe hospitalier.
(2) Les livres sont des objets personnels, ils ne sont pas publiés et ne sont pas proposés à la vente.
(3) Association de reliure située à Tours.
(4) Etudes pour la mise en œuvre d’un projet de communication.
