Abdelhakim Sefrioui et Brahim Chnina sont les deux principaux accusés du procès pour l’assassinat de Samuel Paty. Avant leur interrogatoire la semaine prochaine, les enquêteurs antiterroristes ont dressé un portrait accablant des deux hommes lundi 25 novembre 2024 devant le tribunal correctionnel spécial de Paris, explique leAFP.
Les deux hommes « ne pouvaient ignorer faire de Samuel Paty une cible »
En publiant des messages puis des vidéos sur les réseaux sociaux “mensonger” et “odieux” visant le professeur d’histoire-géographie, les deux hommes “ne pouvait ignorer faire de Samuel Paty une cible”, a estimé un enquêteur de la sous-direction antiterroriste (Sdat) identifié comme « Sdat 289 ». Dans le box, les deux hommes, âgés respectivement de 65 et 52 ans, regardent ailleurs.
Poursuivi pour participation « la production et la diffusion de vidéos présentant des informations fausses ou déformées destinées à susciter un sentiment de haine » contre le professeur d’histoire décapité par un jeune islamiste tchétchène radical le 16 octobre 2020, ils risquent chacun 30 ans de réclusion criminelle.
S’exprimant par vidéo, un premier enquêteur, identifié comme « Sdat 172 », a évoqué le parcours militant du prédicateur islamiste Abdelhakim Sefrioui, « Sympathisant des Frères musulmans » cherchant à “instrumentaliser” les valeurs de la République. En 2004, il crée le collectif pro-Hamas Cheikh-Yassine, dissous le 21 octobre 2020. Il participe également à de nombreuses manifestations pro-palestiniennes, « Certains ont interdit, brûlant des drapeaux israéliens et affichant ouvertement leur soutien au Hamas. » “Il n’hésite pas à s’afficher aux côtés de personnalités comme Dieudonné”, poursuit l’enquêteur qui évoque également la mobilisation du militant islamiste “sur la question du port du voile dans l’espace public et à l’école”.
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“Sdat 289” se concentre sur les jours qui ont précédé l’assassinat de Samuel Paty et qui vont rapprocher les deux hommes pour le pire. Tout a commencé le 7 octobre 2020. Brahim Chnina, père de la collégienne à l’origine des fausses rumeurs sur Samuel Paty, a envoyé des messages à ses contacts relayant les mensonges de sa fille sur des discriminations présumées envers les étudiants musulmans. Chnina donne l’adresse du collège et le nom du professeur. « Vous avez l’adresse et le nom du professeur pour dire stop ! » écrit Brahim Chnina sans préciser ce qu’il entend par ” arrêt “, souligne l’enquêteur.
Des vidéos réalisées par les deux hommes largement diffusées
Abdelhakim Sefrioui est l’un des premiers à contacter Brahim Chnina pour dénoncer le professeur “voyou”. Le 8 octobre au matin, les deux hommes se retrouvent devant le collège. Le premier se présente de manière trompeuse comme « représentant des imams de France » et menace le directeur d’organiser une manifestation devant l’établissement. De son côté, Brahim Chnina diffuse une première vidéo intitulée « Ne touchez pas à mes enfants ». La vidéo, d’une durée d’un peu plus de deux minutes, est diffusée devant le public. On voit l’homme, portant un masque chirurgical, exagérer son indignation. “Il est théâtral, ferme les yeux” commente l’enquêteur.
Le 11 octobre, Sefrioui devient réalisateur pour réaliser sa propre vidéo intitulée « L’Islam et le prophète insultés dans un collège public ». La vidéo est également diffusée devant le public. Abdelhakim Sefrioui se met à l’honneur. “L’abject s’est encore produit”, » commence le prédicateur dès le début de son film. L’enquêteur montre des rushes où il murmure les réponses à l’écolière menteuse.
Le prédicateur fait un parallèle douteux entre ce qui s’est passé selon lui au collège et le massacre de 8 000 musulmans bosniaques à Srebrenica en 1995. Il critique également le discours, prononcé quelques jours plus tôt aux Mureaux, du président Emmanuel Macron sur la lutte contre le séparatisme. . La vidéo est accompagnée de chants religieux en arabe qui ne sont pas sans rappeler les chants entendus dans les vidéos de protestation contre les attentats du 13 novembre.
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Ces vidéos, note « Sdat 289 », sont devenues ” viral “. «Il y a une volonté de créer du buzz» assure-t-elle. Des messages haineux affluent dans le collège, décrits comme « collège des racistes ». “Nous nous occuperons de votre collège et de M. Paty”, dit l’un des messages.
Abdoullakh Anzorov, l’assassin de Samuel Paty, a-t-il vu ces vidéos ? “C’est grâce à cette campagne médiatique qu’Anzorov a appris l’existence de Samuel Paty et du collège”, dit l’enquêteur. L’enquête a révélé qu’Anzorov avait eu des contacts directs avec Brahim Chnina. « Merci pour votre soutien » Brahim Chnina lui a écrit dans la soirée du 9 octobre.