Combinant aide financière et accompagnement professionnel, le fonds francilien de soutien aux artistes de moins de 30 ans sélectionne une quarantaine de créateurs à soutenir à chacune de ses sessions.
Se rapprocher des jeunes créateurs pour qu’en retour ils se rapprochent du territoire : tel pourrait résumer l’ADN du FoRTE (Fonds régional pour les talents émergents). Le dispositif, qui propose d’aider, à hauteur d’un million d’euros annuels, une quarantaine de lauréats issus des arts visuels, du cinéma et de l’audiovisuel, de la musique et des arts du spectacle, se veut également le plus souple possible dans ses critères d’éligibilité. Certains sont immuables : les candidats doivent être âgés de 18 à 30 ans, créer et résider en Ile-de-France, et être accompagnés par une structure professionnelle. D’autres le sont moins. En théorie, il faut être titulaire d’un diplôme ou avoir « suivi une formation qualifiante » dans l’une des disciplines, « mais, en pratique, vous pouvez être éligible en suivant une simple formation Afdas [Assurance formation des activités du spectacle], car ce qui compte c’est le projet présenté”précise Benoit Solès, conseiller régional d’Ile-de-France et membre de la présidence du jury. Ce projet n’a pas forcément vocation à être le premier : le dispositif cible les artistes « émergents », mais nombre de lauréats ont déjà une ou deux réalisations à leur actif.
Deux types de soutien
Sur une période de dix mois, FoRTE a pour objectif d’apporter deux types d’accompagnement. La première sous forme d’aide financière, qui peut être perçue via une bourse individuelle ou via une subvention reçue de la structure d’accompagnement. La subvention est plafonnée à 25 000 euros (équivalent à 2 500 euros par mois) et généralement perçue en deux versements : au lancement du projet, puis en fin de création. La subvention, quant à elle, peut atteindre 50 000 euros : « Un budget qui inclut la rémunération de l’artiste »précise François Demas, conseiller culturel de la région. Le choix du type d’assistance se fait au cas par cas, pour correspondre au plus près aux besoins de chaque dossier.
Le deuxième accompagnement est l’accompagnement par le conseil, la mise à disposition de matériel et de lieux et la mise en relation des artistes. Lui-même acteur, Benoit Solès connaît bien les difficultés du secteur : « Le manque de salles de répétition, l’absence d’aide à la distribution, la difficulté d’avoir un premier coup de main… C’est pour pallier ces carences que le dispositif FoRTE a été créé ». Tout au long de leur création (et même après), les lauréats peuvent s’adresser à différents managers, comme Alpar Ok, jeune chef de projet de création dans la région. Et ce, aussi bien pour obtenir des précisions pratiques et techniques (sur les conventions par exemple) que pour poser des questions relatives à leur projet.
La région Ile-de-France affiche la volonté d’avoir « protégé et augmenté significativement son budget culturel, estimé à 103 millions d’euros en 2024 »décrit François Demas, conseiller culturel de la région. Concentrant 50 % des artistes français, l’Île-de-France est particulièrement riche en offre culturelle, mais celle-ci reste inégalement répartie sur le territoire francilien. La région espère donc que FoRTE gagnera en visibilité, pour « inclure de plus en plus d’artistes issus de catégories sociales sans accès immédiat à la culture »il explique. Pour l’instant, le nombre de candidats est assez stable : environ 300 chaque année depuis la mise en place du dispositif en 2018.
Et deux phases de sélection
La sélection des lauréats se déroule en deux phases : un écrémage par les services régionaux, qui s’assurent que les dossiers correspondent aux critères d’éligibilité, puis l’examen des dossiers par les quatre jurys – un par discipline. Chacun d’eux est composé d’un conseiller de la région membre de la présidence du jury et de quatre autres profils spécialisés, renouvelés à chaque édition. En 2023, on retrouvait l’actrice Elsa Zylberstein au sein du jury cinéma, tandis que l’acteur Nicolas Bouchaud siégeait aux côtés de la danseuse étoile Alice Renavand dans le spectacle vivant. Le peintre Philippe Cognée, qui a parlé des arts visuels, a beaucoup apprécié l’expérience, même s’il regrette que la sélection ne soit que sur dossier. « Quand on est face aux candidats, on ressent quelque chose en plus, qui échappe au travail écritil justifie. Mais j’ai trouvé les dossiers exigeants et variés, même si beaucoup d’entre eux proposaient quelque chose d’assez ouvertement politique, une tendance populaire.
Parfois, la région fait aussi appel à d’anciens lauréats : l’année dernière, Valentin Tournet et Gabrielle Hartmann ont été tous deux sollicités pour faire partie du jury musical. « La plupart des candidats envisageaient de sortir un disque, mais les styles étaient très éclectiques, et il fallait que cette diversité se reflète dans nos choix »raconte Valentin Tournet. Son collègue est d’accord : « C’est avant tout l’originalité qui séduit. Des projets atypiques ont parfois remporté la palme au détriment d’autres plus aboutis. Car il y a des cartons et des cadres, mais aussi des favoris.