à Dieppe, la colère déborde

à Dieppe, la colère déborde
à Dieppe, la colère déborde

Le barbecue peut-il tout faire ? Dans le quartier populaire des Bruyères à Dieppe (Seine-Maritime), on veut que ce soit un point de rencontre, on espère qu’il soit réconciliateur. Autour de sa fumée, dans laquelle on aperçoit les silhouettes de militants communistes à l’origine de l’initiative, des dizaines d’habitants descendus de leurs tours composent leur casse-dalle.

Certains y restent, coupent le gras, saluent le député PCF sortant en campagne, Sébastien Jumel, candidat du Nouveau Front populaire (NFP) dans cette circonscription, la 6.e de Seine-Maritime. D’autres s’aident eux-mêmes, s’éloignent et regardent leurs propres voisins. “Ça finira mal un jour”promet David, 46 ans, la mâchoire serrée.

Ce vétéran des espaces verts, sans activité depuis un accident de tronçonneuse qui a provoqué ses pas chancelants, fait partie de ceux qui ont pris leurs distances, au même titre que Sabrina et Eddy. La première a 36 ans et est aide-soignante. Le second, 40 ans, est pêcheur. Les trois assurent “ne pas s’en sortir”même s’ils le font ” tout pour “. Dans leurs pattes, leurs enfants respectifs, qui non plus ne font pas bon ménage.

Les mouvements des agriculteurs et des pêcheurs en mémoire

En cause, un tourbillon de raisons, de nœuds, de ressentiments. Contre les habitants des tours voisines et leurs “robinets dorés”ils caricaturent les quelques représentants du quartier de Neuville, « toujours favorisé »ou de vieilles connaissances coupables d’avoir été “embauché” alors que leurs proches ne le peuvent pas.

Contre les prix de retrait appliqués à certains poissons, ceux de l’essence et du gaz, ou “la merde que nous importons.” Et contre tous ceux qui représentent le monde politique de quelque manière que ce soit, quelle que soit leur étiquette. “Il y a eu les gilets jaunes, la colère des pêcheurs, des agriculteurs, et rien ne change jamais : on ne s’occupe pas des Français, toujours des autres”regrette Sabrina en tripotant le piercing au dessus de sa lèvre.

Eddy l’interrompt : «Macron veut que nous fassions la guerre à l’Ukraine, mais c’est contre lui que nous finirons par la faire. » Tout le monde est d’accord. Cela commencera par un vote ce dimanche en faveur du Rassemblement national (RN). « Pour briser son délire, non pas parce que j’y croisprécise David. Ils veulent nous ignorer, on va les énerver. »

Dans cette circonscription, qui regroupe quartiers populaires, littoraux et villages ruraux, Jordan Bardella a recueilli le 9 juin 44,9% des voix, contre 20,8% pour le bloc de gauche, avec une participation supérieure à la moyenne nationale : 46,6% . « Cela fait sept ans qu’Emmanuel Macron divise, méprise, insulte et multiplie les abandons », constate Sébastien Jumel, élu en 2022 avec 57,8 % des voix face au candidat RN, Patrice Martin. Inévitablement, les esprits enflent. Et le candidat doit être capable d’y répondre pour être réélu.

« Pour ce gouvernement, l’inquiétude des enfants est illégitime »

Sur le parvis de la mairie de Saint-Martin-en-Campagne, ancienne commune rattachée à celle de Petit-Caux (9 600 habitants), qui s’apprête à accueillir le plus grand site industriel d’Europe, le futur EPR 2, avec 10 000 emplois en jeu d’ici 2030, Gérard Fécamp et Vincent Bertin en parlent.

Tous deux sont respectivement maires délégués d’Intraville et de Tourville-la-Chapelle, 275 et 590 habitants, dont « de nombreux agriculteurs et pêcheurs ». “Il y a une colère très forte qui nous envahit parfois”, rapporte Gérard Fécamp. La faute aux difficultés liées à « Coût de la vie »dit-il, même si le taux de chômage ici est plutôt faible (6,4% contre 7,3% au niveau national), mais pas seulement.

« Tout le monde se souvient des mouvements de protestationexplique Vincent Bertin. La crise agricole du début d’année, mais surtout le déplacement des pêcheurs ici en mars 2023pour la protection de la pêche artisanale locale contre les importations massives, ont laissé des traces ». Lesquels? « Nous avons bien compris que lorsque nous ne suivons pas les directives du gouvernement, nous sommes effacés » note Loëtitia Bourcier, qui vend le poisson de son petit chalutier familial sur la côte, le Fée de la meret qui fut l’une des voix de cette révolte.

« « Nous nous sommes battus pour sauver nos emplois et notre activité face à tous les obstacles : les industriels étrangers qui viennent piller nos ressources, les réglementations européennes inadaptées… Mais tout ce que le gouvernement a trouvé à nous dire quand nous avons bloqué le port du Havre, c’est que nous menacions les intérêts des industriels, que nous étions irresponsables. Pour eux, l’inquiétude des petits est illégitime », ajoute celle qui dit qu’elle votera pour la députée sortante.

Sébastien Jumel est également reconnu par les acteurs locaux comme une voix de la colère à l’Assemblée. Et identifié comme un élu qui « objets et propositions ». Face au risque de résignation, il appelle à la révolte. « Avec toutes les batailles menées et face à tous les défis à relever, du désenclavement du territoire à la lutte contre la désertification médicale ou le développement économique, nous avons besoin d’un représentant capable de tordre le bras aux décideurs, d’un interlocuteur crédibleil dit. Faites-le savoir à Macron, ici on veut tout : entrée, plat, dessert et fromage ! » Avec ou sans barbecue.


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