Les syndicats ont voulu afficher un visage d’unité, après les dissensions observées dans le sud de la France en fin de semaine dernière. Si leur vision diverge sur l’idée de cogestion, sur l’agro-industrie ou encore sur le commerce international, un sujet fait l’unanimité : clauses miroir. Ils voulaient rappeler que de nombreuses productions arrivaient sur le marché français sans respecter les mêmes contraintes. Distorsions de concurrence déjà dénoncées lors des manifestations de l’hiver dernier : « 80% des fruits et légumes sont importésrappelle Geneviève De Brach, présidente de la Coordination rurale du Cher. Nous sommes ici sur une route allant de l’Espagne à Rungis. Nous ne sommes pas contre les importations. Nous sommes fermés aux importations de produits ne répondant pas aux normes françaises. Aujourd’hui, on ne peut plus produire de cerises en France, ni de trèfle rouge dans le Cher car on ne peut plus utiliser certains nicotinoïdes encore autorisés en Italie, en Allemagne ou en Espagne. Nous subissons donc concurrence totalement déloyale. En France, on lave plus de blanc que de blanc, au détriment des agriculteurs.»
Les dernières consignes avant de passer à l’action. Une quarantaine d’agriculteurs sont mobilisés : « On contrôle les camions, on reste courtois. On ne s’échauffe pas.« Pierre, céréalier à Vornay, a décidé d’agir : » Je suis ici depuis trente ans. Normalement, on devrait être en vitesse de croisière, mais non, c’est toujours plus compliqué depuis 2022 où c’est vrai, on a fait une bonne année. Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans la même situation. Nous en avons marre d’avoir des contraintes que d’autres n’ont pas. Mon neveu aimerait rejoindre le Gaec, mais c’est vraiment compliqué. Nous ne savons plus quoi faire. Et ce sont des contraintes franco-françaises ! “
Des surtranspositions françaises des réglementations européennes déjà dénoncées il y a un an. Chaque camion étranger doit se garer : « Bonjour, on peut voir votre CMR ? Les échanges sont un peu difficiles à cause de la langue mais ça se passe bien, grâce à la présence des gendarmes qui sécurisent la route. Les chauffeurs de camion s’y conforment généralement de bonne grâce.
La CMR est la lettre de voiture qui indique l’origine, la destination et la nature de la marchandise. Les agriculteurs photographient le document douanier et le restituent à son propriétaire. Tout se fait en quelques instants.
Ce camion espagnol transporte des balles en plastique, mais voici un camion plus intéressant : « Mandarina, annonce le chauffeur » Mandarines d’Espagne. » Avant, on le produisait en FranceGeneviève de Brach rebondit, aujourd’hui c’est fini. Et d’autres productions ne seront plus possibles ici si nous restons sur cette même voie. »
Christophe Voinot produit du foie gras de canard à Foëcy : « J’achète des canards chez un éleveur qui les a vaccinés contre la grippe aviaire puisque nous avons un vaccin depuis deux ans. Pourquoi ces canards sont-ils encore confinés alors qu’ils sont protégés contre les maladies ?demande le fermier. Il n’a pas le droit de les retirer tant que le vaccin les protège. La conséquence est que leur viande est moins généreuse car ils ne courent plus dehors. Nous les valorisons donc moins lorsque nous les abattons et pourtant nous les payons toujours plus cher. Avant la grippe aviaire, un canard nous était vendu 16 euros. Aujourd’hui, c’est 26 euros. Et je ne parle pas du reste qui augmente nos coûts de production. Nous devons réduire nos marges si nous voulons continuer à vendre notre foie gras et la viande que nous produisons. Avant, mon grand-père faisait vivre cinq familles à la ferme. Aujourd’hui, nous avons du mal à vivre en couple. Le producteur affirme qu’il ne perçoit qu’un salaire minimum chaque mois.