Faut-il imiter Trump et parler « de la aux Français » ?

Faut-il imiter Trump et parler « de la aux Français » ?
Faut-il imiter Trump et parler « de la France aux Français » ?

« Trump a été élu parce qu’il a parlé de l’Amérique aux Américains. Kamala Harris a parlé aux noirs des noirs, aux homosexuels des homosexuels, aux femmes de avortementaux Latinos des Latinos. Où était le pays ? En , ce sera le même résultat. Il faut parler de la France aux Français. » Ce diagnostic et cette prophétie sont signés Nicolas Sarkozy (aux Rencontres de l’avenir). Mais qu’est-ce que ça veut dire exactement “Parlez de l’Amérique aux Américains» et « de la France aux Français » ?

Pour Donald Trump, cela signifie une chose très simple : pointer du doigt tous ceux qui ne sont pas l’Amérique et la menacer. Qu’ils soient les ennemis d’en haut (les élites cosmopolites), d’en bas (les parasites improductifs), de la mer (les migrants, voleurs potentiels, violeurs ou mangeurs de chats et de chiens), de l’intérieur (l’État profond) ou encore des puissances extérieures. (concurrents économiques ou adversaires militaires).

Une version de la politique

De lignes de punch (« phrases chocs ») en images, de tweets en anecdotes virales, le candidat a méthodiquement quadrillé les coordonnées de l’espace et tiré la substance de l’Amérique de tout ce à quoi elle s’oppose. Cette conception immunitaire de la nation, héritée de la vie biologique, n’est pas nouvelle ; il a même une généalogie intellectuelle. On la retrouve notamment chez le juriste et philosophe allemand Carl Schmitt (La notion de politique, 1932), qui définit la vie politique par la distinction entre ami et ennemi. Non « soi » sans lutter contre un « tu ne sais pas » avec lequel « Je dois m’expliquer pour conquérir ma propre mesure, ma limite et ma propre forme ». La polarisation n’est donc pas un effet secondaire des réseaux sociaux ni un symptôme de la médiocrité du débat public, elle est le cœur même de cette version du politique.

Quoi qu’on en pense, cette histoire trouvera toujours en nous une forte complicité. Parce que nous vivons, parce que nous avons un épiderme et que nous luttons sans cesse contre ce qui nous attaque, la rhétorique des frontières et de l’intégrité nous parle immédiatement. Sans comprendre ce qui est souhaitable dans le Trumpisme, nous ne créerons jamais un imaginaire alternatif.

Rendre visible la chair d’un pays

Cependant, il existe une autre façon de “parler de l’Amérique” et la France. Mais cette autre histoire est bien plus difficile à raconter. L’incroyable talent de conteur de Donald Trump ne suffirait pas. Car il faut réussir à rendre visible non pas l’écorce, la coquille ou la peau, mais la chair d’un pays. Pouvoir révéler ce qui l’unifie intérieurement et pas seulement ce qui le délimite extérieurement. « Le patriotisme est l’amour de soi. Le nationalisme, c’est la haine des autres. » a écrit Romain Gary. Ces « ismes » ont pris la poussière mais la question demeure : qu’avons-nous en commun ?

Il n’est cependant pas sûr que l’on sache aujourd’hui y répondre. En centrant l’offre politique sur les problèmes sociétaux, les revendications de catégorie, les expériences intimes et les identités, la formule de notre solidarité s’obscurcit. Chaque revendication singulière tend à revendiquer la priorité et nous peinons à trouver un projet global qui fédère les causes en les priorisant. Kamala Harris n’a pas mené une campagne « éveillée », mais ces thèmes sont restés dans l’air et sont restés fidèles aux démocrates.

Or, parler à un électeur, c’est d’abord le voir comme un citoyen et non comme un Noir, un Latino, une femme ou un homosexuel. Cela ne révèle pas ce que c’est Est (ses goûts et ses origines qui ne se négocient pas) mais ce qu’il fait pour les autres et ce que les autres font pour lui. La cohésion est le produit de l’action et de toutes les interactions qui nous ancrent fermement au collectif. Tant qu’on ne saura pas mettre les mots (et les bons !) sur le contrat social pour en discuter sérieusement, le logiciel trumpiste gardera son avantage.

 
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