Michel Barnier n’est pas loin de sentir le vent. La perspective d’être renversé par une motion de censure lors du vote du budget devient de plus en plus pressante. Marine Le Pen et ses lieutenants, poussés par leurs électeurs, envoient de moins en moins de messages subliminaux. Raison pour laquelle le Premier ministre recevra le chef du parti nationaliste ce lundi 25 novembre, ainsi que tous les présidents de groupes parlementaires d’ici mercredi. Une série de meetings à Matignon qui met en lumière une évidence : si le Rassemblement national, avec ses 124 députés, reste un faiseur de roi, il n’est pas le seul qu’il faut prendre en compte pour éviter la censure.
Sentiment de vengeance
Les partenaires du Nouveau Front populaire devraient déposer une motion lorsque Michel Barnier brandira le 49.3 dans l’hémicycle en décembre. Ce jour-là, les voix du RN compteront. Mais c’est aussi le cas de tous ceux de gauche. Car en additionnant les voix de l’extrême droite et de ses alliés, Liot, ainsi que des écologistes, des communistes et des insoumis, on arrive tout juste au nombre d’or, les 289 voix signifiant la mort du gouvernement. Il n’en demeure pas moins que nous ne sommes pas à l’abri d’une absence ou d’un changement d’humeur de la part d’un député. Notamment à Liot. C’est là que le groupe PS, avec ses 66 députés, prend toute son importance.
Mais les socialistes oseront-ils mêler leurs voix à celles du RN ? A Matignon, on ne veut pas croire à cette perspective venant d’un « parti de gouvernement ». D’autant qu’au sein de leur troupe, on retrouve un ancien président de la République, François Hollande, qui connaît le poids de l’expression « Garant des institutions ».
Sauf que Michel Barnier a plongé les socialistes dans une colère noire et la tentation de lui faire payer est grande. « Nous avons compris qu’il souhaitait travailler en coopération. On en est loin », résume la députée finistérienne Mélanie Thomin, l’une des porte-parole du groupe PS à l’Assemblée. Le patron des socialistes, Boris Vallaud, avait pourtant écrit au Premier ministre, début novembre, pour tenter de faire adopter au moins dix amendements. En vain.
L’opportunisme de Hollande ?
La position du PS est-elle tenable, même si elle crée le chaos ? « Le shutdown (comme aux Etats-Unis, NDLR) n’existe pas en France. Il existe des moyens de gérer l’actualité », confie une Source proche du groupe. «Le Parti socialiste n’a pas vraiment le choix. Les électeurs ne supportent plus cette situation », analyse l’ancien député breton et garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas.
A l’inverse, l’ancien maire de Quimper Bernard Poignant y verrait une trahison du front Républicain lors des élections législatives de juillet. « Accepter de barrer la route du pouvoir au RN par les urnes mais mélanger vos voix avec lui dans l’hémicycle est un camouflet pour les électeurs qui ont suivi les instructions de ce Front », explique l’ancien conseiller de François Hollande à l’Élysée, à qui il propose de prendre de la hauteur. « Je lui ai dit : « Vous exercez un mandat parlementaire mais votre position doit rester présidentielle ». »
L’ancien président l’écoutera-t-il ? Probablement pas si la censure peut ouvrir la voie à une nouvelle élection présidentielle, veut croire un bon connaisseur du Corrézien. « François Hollande a une position de cynisme. Il pense que le passé est en train de disparaître. Nous sommes dans une position opportuniste. »
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