Des données récemment révélées par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dressent un tableau inquiétant des dangers encourus par les enfants marocains sur les réseaux sociaux. Parmi les conséquences les plus alarmantes : les troubles du sommeil, les conflits familiaux et amicaux, mais aussi les victimes de cyberharcèlement et de messages humiliants en ligne. Face à ce constat, le Conseil propose des mesures fortes, comme la définition d’un âge numérique de majorité et l’intégration de l’éducation numérique dans les programmes scolaires, tout en renforçant la surveillance parentale.
Dans un avis récemment publié, intitulé « Pour un environnement numérique inclusif garantissant la protection des enfants», le Conseil s’appuie sur une étude réalisée auprès de 1.293 enfants et jeunes marocains, âgés de 8 à 28 ans. Les résultats de cette étude sont frappants : 80% des enfants et jeunes au Maroc utilisent Internet, et 70% d’entre eux sont présents sur les réseaux sociaux.
Ces chiffres cachent cependant une réalité inquiétante : 43 % des participants souffrent de troubles du sommeil, négligeant un besoin fondamental comme la nutrition. Par ailleurs, 35,6% ont connu des conflits avec la famille ou les amis, tandis que 41,5% ont observé une baisse de leurs résultats scolaires. Le Conseil souligne que « ce qui est encore plus inquiétant, c’est qu’un tiers de ces jeunes ont déclaré avoir été victimes de cyberharcèlement ».
En effet, les données révèlent que les jeunes adultes âgés de 18 à 25 ans sont les plus exposés à ce phénomène, représentant 59% des signalements sur la plateforme Espace Maroc Confiance Numérique, suivis par les adultes âgés de 26 ans et plus (28,4%). Même si les adolescents de 13 à 17 ans et les enfants de 5 à 12 ans sont moins nombreux, ils restent néanmoins vulnérables à ces menaces.
L’étude met également en avant les risques liés à l’exploitation criminelle des données personnelles, notamment la fraude, le piratage et l’usurpation d’identité. En effet, 40 % des jeunes partagent leurs données personnelles avec des inconnus et 40 % ne savent pas comment régler les paramètres de confidentialité. De plus, ” 30% ne savent pas distinguer ce qui peut être partagé de ce qui ne doit pas l’être« .
Face à ces dangers, le Conseil critique la surveillance parentale numérique, trop sous-développée malgré son faible coût annuel (100 dirhams par an ou 10 dirhams par mois). Selon les acteurs interrogés, cette situation est due à « un manque de sensibilisation des parents aux risques liés à l’utilisation d’Internet par leurs enfants et leur méconnaissance des avantages de ces solutions numériques« .
Pour répondre à ces défis, le Conseil a formulé plusieurs recommandations cruciales. Premièrement, il appelle à « la définition de l’âge de la majorité numérique», c’est-à-dire l’instauration d’une limite d’âge à partir de laquelle un enfant peut accéder aux réseaux sociaux, accompagnée de mesures restrictives pour les plateformes, comme l’obligation de refuser l’inscription des mineurs sans accord parental.
Le Conseil souligne également la nécessité de « adapter le cadre juridique national aux normes internationales concernant les droits de l’enfant», notamment en ce qui concerne la définition des délits commis sur Internet, la clarification des responsabilités des entreprises technologiques et des opérateurs de télécommunications, et l’établissement de règles spécifiques sur l’utilisation des réseaux sociaux par les enfants.
De plus, elle recommande le recours à des outils d’intelligence artificielle pour détecter de manière proactive les contenus inappropriés, analyser les comportements à risque, personnaliser la surveillance parentale et assurer une réponse rapide et efficace aux menaces sur les réseaux sociaux.
Sur le plan pédagogique, le Conseil propose d’intégrer l’éducation numérique dans les programmes scolaires dès le plus jeune âge, en mettant l’accent sur le développement de l’esprit critique pour mieux se défendre contre les dangers des réseaux sociaux et vérifier les informations. Il suggère également de sensibiliser les producteurs d’informations à leur rôle dans la lutte contre les fausses informations, à travers des campagnes de sensibilisation destinées aux parents et aux utilisateurs.
Enfin, le Conseil recommande « renforcer la coopération entre les autorités gouvernementales et les plateformes numériques», afin de garantir une meilleure sécurité dans l’espace numérique, notamment en définissant des protocoles clairs de signalement et de traitement des contenus inappropriés, comme le cyberharcèlement ou les contenus violents.