Me Antoine Camus et Me Stéphane Babonneau, premiers à plaider, espèrent que la société tirera les leçons du procès des 51 hommes jugés pour viols aggravés devant le tribunal correctionnel du Vaucluse depuis le 2 septembre. La mise en examen est prévue lundi 25 novembre.
“Ce procès fera partie du testament que nous transmettrons aux générations futures, elles jugeront des leçons qu’il faut tirer de nos débats.” Avocat de Gisèle Pelicot, de ses enfants et petits-enfants, Me Stéphane Babonneau prend de la hauteur, ce mercredi 20 novembre au procès Mazan. Les débats sont désormais clos, place aux plaidoiries. Son collègue, Me Antoine Camus, est le premier à prendre la parole.
« Transformer la boue en matière noble »
« Gisèle Pelicot a choisi de transformer cette boue en une matière noble, et de dépasser la noirceur de son histoire pour y trouver un sens. Elle compte sur le tribunal pour l’aider. » dit-il au tribunal correctionnel du Vaucluse, devant une salle comble, dans un palais de justice une nouvelle fois pris d’assaut par des dizaines de journalistes.
Car oui, il le répète, ce procès est “historique”tout comme « ce geste presque politique de refus du huis clos. Il fallait trouver du sens, ouvrir les portes de cette salle au plus grand nombre, faire de nos débats le terreau d’une prise de conscience, d’un changement des mentalités et enfin rompre avec une violence que l’on voudrait d’un autre âge.”.
Un viol massif
Il s’interroge sur l’état du droit : « Ne s’agit-il pas plutôt de viols massifs, commis depuis près de dix ans ? Ce diplôme n’existe pas« Et l’état des mentalités aussi, de voir ces dizaines d’hommes qui sont venus à Mazan, et dont aucun n’a prévenu la police, après avoir vu ce qui s’y passait.
« Comment en France en 2024 une femme peut-elle encore subir ce qui a été infligé à Gisèle Pelicot pendant 10 ans ? Comment trouver 70 individus dans un rayon de 70 km pour profiter d’un corps inerte, sans conscience, qui « nous croirait mort ? Tout le monde a contribué à cette atrocité. C’est la banalité du mal d’Hanna Arendt, qui prend la forme d’un viol d’opportunité et de lâcheté.»
Des stratégies de défense qui n’ont plus leur place
Il fait également appel à ses collègues de la défense. « On a la liberté de s’étonner qu’en France on ait encore l’obligation de démontrer qu’on est une bonne victime. Certaines de ces stratégies de défense n’ont plus leur place dans la France du XXIe siècle.»
Me Babonneau, quant à lui, s’efforce de briser les clichés qui persistent depuis le fameux procès d’Aix-en-Provence, à l’origine d’une première prise de conscience de viol, en 1978, grâce à une autre Gisèle, l’avocate Gisèle Halimi. « Il faut arrêter d’entendre dire qu’un accusé n’a pas le profil d’un agresseur sexuel. Qu’il existe des hommes au-dessus de tout soupçon. Le violeur est simplement l’homme qui commet un viol, ni plus ni moins, quel que soit le bien qu’il ait pu faire ailleurs dans sa vie.
“Je vais mourir comme un chien” dit Dominique Pelicot
En filigrane, restent ces derniers mots de Dominique Pelicot, interrogé une dernière fois avant les plaidoiries. Soumission chimique ? demande Me Zavarro, son avocat. “C’est de la merde, ça tue tout, ça détruit tout, il ne faut jamais faire ça” . Il tente toujours de convaincre sa fille qu’il ne lui a rien fait, tandis que deux photos d’elle, nue et assoupie, suggèrent autre chose.
« Je ne peux rien dire de plus, elle ne me croira jamais. Je vais mourir comme un chien. Je ne lui demande pas de venir derrière mon cercueil, il n’y aura pas de cercueil.
Le public s’arrête, Caroline se précipite vers la loge, la haine aux lèvres. « Deux mois et demi ! Tu as eu deux mois et demi pour me dire des choses !Mise en accusation lundi.