L’histoire enfouie du remembrement foncier

L’histoire enfouie du remembrement foncier
L’histoire enfouie du remembrement foncier

En mai 1978, Gildas Le Coënt, incarcéré neuf mois dans un hôpital psychiatrique, est libéré. Cette affaire marque un nouvel épisode dans la bataille bretonne contre le remembrement foncier. Il reflète une réalité vécue par des milliers d’agriculteurs à travers la au cours des décennies de modernisation agricole. Inès Léraud est journaliste, et lanceuse d’alerte en 2019 concernant le silence des algues vertes. Elle a publié aujourd’hui « Champs de bataille, l’histoire enfouie du remembrement », his second comic strip, an investigation with Pierre van Hove, published by La Revue Dessinée and Éditions Delcourt.

Des blessures encore vives dans la mémoire collective

Les témoignages recueillis révèlent un traumatisme profond. Comme le rapporte Jacqueline Goff née en 1953 : « Je revois l’apparition des bulldozers, ce déchaînement qui a tout détruit, les arbres, les talus. Ce n’était pas une consolidation, un démembrement, c’était le chaos. » sur France Culture. Ce souvenir douloureux est encore transmis dans les villages, où certaines familles ne se parlent plus depuis cette époque.

Une modernisation imposée qui divise les campagnes

La consolidation, lancée après la Seconde Guerre mondiale, visait à adapter l’agriculture française aux enjeux de productivité et de concurrence internationale. “C’était une société paysanne qui n’était pas dans une logique d’argent” explains Inès Léraud, « il s’agissait de regrouper les parcelles, d’arracher les arbres, les talus, pour avoir des champs facilement cultivables par des machines. » Cette politique crée alors des tensions durables, opposant les « gagnants », dits « profiteurs » et les « lésés » du remembrement foncier.

Ce qui frappe Inès Léraud et Léandre Mandard lorsqu’ils travaillent sur le sujet du remembrement foncier, c’est l’ampleur des résistances et des conflits liés à cette question. Un mouvement de contestation qui aurait été difficilement imaginable compte tenu du peu d’attention qui lui était jusque-là accordée par les sociologues et historiens ruraux. » Or, dans les archives départementales, les cartons de plaintes, de recours, de courriers, de mécontentements. Ils étaient partout, dans toutes les archives départementales où je me suis rendu sur le territoire français. Les bulldozers de remembrement ont dû être accompagnés des forces de l’ordre pour intervenir » explique Inès Léraud.

Les pieds sur terre Écoute plus tard

Conférence écouter 29 minutes

Un impact environnemental majeur qui perdure

Les conséquences de cette transformation radicale des paysages se font encore sentir aujourd’hui. “Il y a 23 000 kilomètres de haies qui disparaissent chaque année, il y en a 3 000 qui sont replantées, donc on perd 20 000 kilomètres de haies chaque année”, souligne Inès Léraud. Cette destruction massive du bocage, associée à la réduction drastique du nombre d’agriculteurs (de 7 millions en 1946 à 400 000 aujourd’hui), illustre l’ampleur des changements opérés. “Certains chercheurs parlent même d’ethnocide, on a perdu 90% des paysans.” explains Inès Léraud.

Le reste est à écouter…

Avec :

Inès Léraud et Léandre Mandard, agrégé d’histoire et doctorant au Centre d’histoire de Sciences-Po (CHSP). Après avoir étudié le mouvement militant gallo au XXe siècle, il s’intéresse à l’histoire sociale, culturelle et environnementale de la modernisation agricole en Bretagne.
Sa thèse, qu’il soutiendra en 2025, sous la direction d’Alain Chatriot, s’intitule « Révolution dans le bocage. Genèse, exécution et protestations du regroupement rural en Bretagne (1941-2007) ». Il travaille auprès d’Inès Léraud comme « conseiller historique ». Il avait également collaboré à l’ouvrage « Algues Vertes, l’histoire interdite » en proposant une version en gallo, intitulée « Limouézeries, l’istouère défendue ». Inès Léraud, et Léandre Mandard sont tous deux membres de « Splann ! » (« clair », en breton), un média en ligne indépendant dédié à l’investigation en Bretagne (Inès Léraud est co-fondatrice).

Le cours de l’histoire Écoute plus tard

Conférence écouter 58 minutes

 
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