Le Président et le Premier ministre sénégalais se dirigent vers l’écrasante majorité parlementaire qu’ils réclamaient pour mettre en œuvre leur agenda de rupture et de justice sociale. Ils sont tenus de mettre en œuvre le programme vendu aux électeurs qui leur a permis d’accéder au pouvoir il y a huit mois.
Que feront de ce capital de confiance les chefs d’État et de gouvernement Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko ?
3/4 des sièges au Parlement pour Pastef selon les projections
Les électeurs, avec de grandes attentes face au chômage et au coût élevé de la vie, affirment que le moment est venu de concrétiser la promesse de transformer le Sénégal. Un projet colossal !
La nouvelle Assemblée nationale, où Pastef pourrait détenir les trois quarts des sièges selon les projections de différents médias, devrait siéger très rapidement après la validation attendue des résultats des élections législatives.
Le vote du budget 2025, retardé, est la mère des priorités
Amadou Ba, à ne pas confondre avec l’ancien Premier ministre, éminent parlementaire du Pastef, le parti au pouvoir, tempère : la loi de Finances portera “un début de transformation”, elle reflétera le grand engagement pris dans la lutte contre la corruption, a-t-il dit. . Mais « vous n’avez pas beaucoup de marge. Il ne s’agira pas fondamentalement d’un budget de rupture totale. » Il invoque la « dette colossale » laissée par la précédente administration.
“La première rupture est déjà la baisse du budget” par rapport à celui de l’année précédente après la suppression des ressources de trésorerie indues, a-t-il précisé.
Le Fonds monétaire international (FMI) a suspendu son programme d’aide après qu’un audit réalisé par les nouvelles autorités a révélé, selon elles, que leurs prédécesseurs avaient manipulé les chiffres du déficit et de la dette. La loi de finances comportera des chiffres corrigés et visera à « rendre la signature du Sénégal encore plus crédible », a indiqué M. Ba.
Les autorités se sont engagées à consolider les finances et ont annoncé qu’elles élargiraient l’assiette fiscale. « Les débuts seront difficiles » pour les Sénégalais, prédit l’enseignant-chercheur El Hadji Mamadou Mbaye.
Responsabilité
Les députés ont un mois pour élire les juges de cette instance susceptible de jouer un rôle prééminent. Le Premier ministre répète que les anciens dirigeants seront tenus responsables des violences politiques de 2021-2024 et des actes de corruption présumés.
Toutefois, seule la Haute Cour de justice peut juger l’ancien président, si les trois cinquièmes des députés votent pour sa mise en accusation. Elle peut aussi juger d’anciens ministres.
Nuance du député Ba : certes l’Assemblée respectera les délais qui lui sont imposés pour élire les juges, mais cela ne veut pas dire que la Haute Cour siégera rapidement. « Ce n’est pas une priorité à l’ordre du jour. »
Encore un sujet inflammable. M. Sonko s’est engagé à abroger une loi d’amnistie adoptée à l’initiative de l’ancien président Macky Sall en mars. Il s’agissait d’apaiser les tensions dans un contexte de forte tension à l’approche de l’élection présidentielle. Elle a libéré de prison des centaines de personnes emprisonnées pendant trois années d’affrontement, dont MM. Faye et Sonko eux-mêmes.
De nombreux Sénégalais l’ont toujours rejeté comme exonérant les responsables des violences qui ont fait des dizaines de morts entre 2021 et 2024. Mais le révoquer est une « aventure », juridique et politique, observe Maurice Soudieck Dione, professeur de sciences politiques. «Abroger l’élément de résolution de la crise politique (début 2024) ne ramènerait-il pas à une situation de crise ? », demande-t-il.
Les nouveaux dirigeants ont fait de nombreuses promesses, quitte à assortir certaines d’entre elles de l’exercice de responsabilités : révision constitutionnelle avec réduction des pouvoirs du Président, réforme des institutions, modification des codes du travail et du foncier, refonte de la fiscalité, etc.
Révision des contrats
“Tout est à refaire”, a déclaré le député Ba. Tout est une priorité. » Mais, ajoute-t-il, il n’y a pas de calendrier. « Le Premier ministre et le Président définiront les priorités. L’Assemblée, de manière souveraine, déterminera son calendrier en fonction des priorités du moment et celui-ci sera déterminé en temps utile. »
L’enseignant-chercheur Mbaye attend « des actions fortes pour montrer aux populations que nous faisons partie de la rupture. »
Le gouvernement a indiqué avoir entamé une vaste revue des contrats et accords signés avec des partenaires étrangers dans différents secteurs. L’accord de pêche avec l’Union européenne vient d’expirer sans avoir été renouvelé.
Le professeur Dione observe que la renégociation relève de l’exécutif. Le député Ba objecte que « l’Assemblée nationale peut demander à être informée sur les conditions de signature de tel ou tel accord. » La nouvelle Assemblée entend utiliser tous les pouvoirs qui lui sont dévolus mais qu’elle n’exerçait pas sous l’ancien président, a-t-il déclaré.
Par La rédactionComité de rédaction – Casablanca