C’est désormais la dernière ligne droite de cette longue épreuve. Ce mercredi 20 novembre, la parole sera donnée aux avocats de Gisèle Pelicot. Puis, à partir de lundi, ce sera la mise en examen du parquet, prévue pour durer trois jours. Puis, pendant trois semaines, le tribunal correctionnel départemental entendra les plaidoiries des avocats des 51 accusés.
Le verdict devrait être rendu le 20 décembre, après que les cinq magistrats professionnels composant le tribunal se soient retirés pendant une semaine pour délibérer. C’est donc la dernière ligne droite et les derniers mots à la barre pour Gisèle Pelicot. « Il est temps de changer notre vision du viol » a-t-elle déclaré ce mardi 19 novembre, soulignant que ce procès restera comme celui d’un « une société machiste et patriarcale qui banalise » agression sexuelle.
Une décision « courageuse »
Démarré début septembre, ce procès fera date. D’abord en raison du nombre de prévenus, ces cinquante hommes soupçonnés d’avoir violé Gisèle Pelicot alors qu’elle avait été droguée et endormie par son mari. Un procès “historique” aussi en raison de l’ampleur qu’elle a prise dans l’espace public avec ces multiples débats sur les violences sexuelles, la masculinité ou la question cruciale du consentement.
Une ampleur qui n’aurait pas été la même sans la décision prise par Gisèle Pelicot de refuser que l’audience se déroule à huis clos, loin des regards des journalistes et du public. « Cette décision a été très courageuse et extrêmement puissante. Ce procès n’aurait jamais provoqué un tel débat de société si les débats n’avaient pas été publics. salue Me Maria Cornaz Bassoli, avocate à Paris et présidente de Choisir la cause des femmes, association cofondée par Gisèle Halimi.
Entre ces deux femmes, victime de Mazan et l’avocate féministe, il y a une continuité de combat. Interrogée à l’audience du 23 octobre, Gisèle Pelicot a exprimé son refus du huis clos en affirmant ” volonté “ et c’est “ détermination à changer cette société. Et pour que la honte change de camp, qu’elle ne pèse plus sur les épaules des victimes. “La honte n’est pas à nous, c’est à eux (les accusés)”, a-t-elle ajouté.
Des propos qui faisaient écho à ceux tenus par Gisèle Halimi il y a plus de quarante ans. “En matière de viol, nous, dans notre mouvement, insistons sur la publicité des débats car nous pensons que la femme victime ne doit pas culpabiliser et qu’elle n’a rien à cacher”, l’avocat affirmait alors avant un autre procès historique : celui de 1978 à Aix-en-Provence où furent jugés trois hommes (1) accusés d’avoir violé deux femmes, Anne Tonglet et Araceli Castellano, qui refusèrent également d’être incarcérées devant le tribunal. fermé.
« Nous pensons que c’est une chose pour un homme de violer et une autre chose est de vouloir que cela soit connu dans son village, dans son travail, dans les journaux. La publicité peut avoir un effet dissuasif. a alors estimé M. Halimi.
« La honte doit changer de camp »
Avant ce procès, les procès pour viol se déroulaient systématiquement à huis clos. Grâce à l’impact de l’audience d’Aix-en-Provence, une loi fut votée en 1980 permettant de laisser la décision d’autoriser ou non la publicité des débats à la seule discrétion de la victime. « Depuis cette loi, seule la victime peut demander ou refuser la publicité des débats », S’il vous plaît, moi Cornaz Bassoli.
Mais les débats doivent-ils être publics dans une affaire de viol ? « C’est à la victime de décider sans rien lui imposer. Certaines femmes me le disent tout de suite : je ne veux pas de portes closes parce qu’il faut que la honte change de camp. Et d’autres me disent : je ne veux pas qu’il y ait du public et des médias au procès », explique Me Carine Durrieu-Diebolt, qui défend de nombreuses victimes de violences sexuelles.
« À chaque fois, c’est du cas par cas. Certaines femmes craignent de ne pas se sentir à l’aise pour raconter les faits s’il y a du monde dans le public. Parfois aussi, ils ont peur de la pression du public.» ajoute l’avocate, qui se souvient d’un procès où elle avait assisté une femme victime d’un viol collectif en Corse. « Cette femme était originaire de région parisienne et elle craignait que lors de cette audience, loin de chez elle, de nombreuses personnes viennent soutenir l’accusé. Elle a donc demandé un huis clos. »
« Rien ne doit être imposé à une victime »
Me Durrieu-Diebolt est également l’avocat de deux femmes qui accusent Gérard Depardieu d’agression sexuelle. Fin octobre, ils souhaitaient un débat public lors de l’audience pénale à Paris, finalement reportée au mois de mars en raison de l’absence de l’acteur pour raisons médicales. « Pour elle, il était important que les médias soient là pour rendre compte des débats, raconter ce qu’ils ont vécu et retranscrire tout ce qu’allait dire Gérard Depardieu pour sa défense. »
S’ils saluent le ” courage “ par Gisèle Pelicot, ces deux avocats insistent sur l’importance, après le procès d’Avignon, que chaque victime se sente libre de choisir ou non, à huis clos, le procès qui la concerne. Sans obligation d’agir comme l’icône qu’est devenue Gisèle Pelicot.
« Il ne peut y avoir d’injonction contre le huis clos. Rien ne doit être imposé à une victime. Estimez moi Cornaz Bassoli. « Une victime qui refuse la publicité des débats n’est pas moins courageuse et déterminée que celles qui demandent le huis clos », ajoute Me Durrieu-Diebolt.
(1) L’un a été condamné à six ans de prison, l’autre à deux à quatre ans.