Le mois dernier, une délégation Wet’suwet’en a découvert pour la première fois le totem K’ëgit, exposé au Quai Branly – Musée Jacques Chirac à Paris. Ce totem, sculpté au XIXème siècle, fut vendu en 1938 à l’artiste surréaliste Kurt Seligmann.
C’est difficile de décrire ce que l’on ressent, c’est très émouvant de le voir pour la première fois
explique Hagwilnekhlh Ron Mitchell, chef de la Maison C’inegh Lhay Yikh (Maison aux nombreux yeux) du clan Likhsilyu (Petite grenouille).
Le totem K’ëgit dans son intégralité. Il mesure environ 16m de haut et provient du village Tsë Cakh (Hagwilget). Elle a été sculptée au XIXème siècle.
Photo : Photo fournie par le Musée du Quai Branly – Jacques Chirac
Au cours de la visite, la délégation a organisé une cérémonie privée, après la fermeture du musée, pour renouer intimement avec leur patrimoine culturel.
La première chose qui m’est venue à l’esprit, c’est mon arrière-grand-mère… Elle a probablement vu ce mât de drapeau [totémique].
J’ai eu du mal à démarrer la cérémonie
admet le chef Mitchell, ajoutant que ce n’est pas juste un morceau de bois, c’est un morceau d’histoire
. Il imagine la tristesse qu’a ressentie la communauté lorsque le totem a été retiré et envoyé ailleurs.
Joanne Connauton, doctorante en géographie humaine à la Université d’État de Floride et membre de la Nation Anishnabe a aidé la délégation à se rendre à Paris. Elle prétend que c’était une expérience émouvante
.
Certains ont parlé de retrouvailles avec un membre de la famille perdu
explique-t-elle.
Quelqu’un abandonné, si vous voulez, dans cette autre partie du monde, sans aucun lien avec son lieu d’origine ni avec son peuple.
La délégation a visité le totem à trois reprises et a également pu consulter des archives comprenant des photographies montrant comment le totem a été extrait et certains ont eu l’occasion d’en savoir plus sur leur famille.
Plusieurs personnes de la délégation ont reconnu des membres de leur famille, et pour certaines n’avaient jamais vu de photos de ces personnes.
explique Mme Connauton.
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Le chef de Hagwilnekhlh, Ron Mitchell, montre des photos des archives à un membre de la délégation.
Photo : Photo fournie par Helen Harris
Un achat qui pose question
La délégation a soulevé des questions sur les circonstances qui ont conduit le totem à Paris, affirmant qu’il aurait pu être vendu, pour 100 dollars, sous la pression des autorités de l’époque, mais qu’à l’heure actuelle, aucun document ne peut le certifier. Le chef Mitchell rappelle toutefois que la vente a lieu dans un contexte de colonisation
.
De retour au Canada, la délégation a discuté du processus de guérison créé par la visite du totem et des prochaines étapes.
Nous pensons que le totem devrait revenir ici, mais cela ne se fera pas du jour au lendemain.
note le chef Mitchell, mentionnant la nécessité d’inclure les gouvernements provincial, fédéral et français.
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Le sommet du totem K’ëgit.
Photo : Photo fournie par le Musée du Quai Branly – Jacques Chirac
Une discussion sur la restitution
Selon le chef, la possibilité d’y envoyer chaque année des étudiants autochtones est en discussion.
Joanna Connauton note que l’idée est de partager ces connaissances avec les écoles, afin que ce n’est pas seulement une guérison pour les Wetsuwet’en, mais aussi une guérison pour [aider] les relations entre [les communautés]
.
Le musée, de son côté, affirme vouloir développer des partenariats avec les communautés
d’où proviennent leurs œuvres et a monté un projet avec pour objectif de relier leur collection aux nations qui les ont produits
.
Quant à la restitution des objets, le musée indique que le la question est une affaire d’État
et que leur rôle est accueillir les communautés, développer la transparence et partager les données, tout en expliquant les démarches possibles
.
Avec les informations de Rudy Dejardins