Après le dernier témoignage d’un patient hospitalisé au garage des urgences de Langres, l’Agence régionale de santé (ARS) a émis une ordonnance de fermeture dudit garage et a ouvert des investigations complémentaires. Reste à savoir quelles solutions seront proposées.
Hospitalisé le 26 octobre aux urgences de Langres, Gérald Claudet s’est retrouvé au garage. Une mauvaise expérience qu’il a tenu à dénoncer dans nos colonnes (lire jhm quotidiennement du 1est novembre). Ce n’est pas la première fois que nous faisons écho à ce « système » d’hospitalisation, dénoncé tant par le personnel soignant que par les familles des patients concernés. Déjà, en juin 2023, la fille d’un septuagénaire avait exprimé sa colère face aux conditions de prise en charge de son père.
Mais cette fois, l’histoire de Gérald Claudet fait la Une des médias nationaux et il ne compte pas s’arrêter là. Il a en effet adressé un courrier à l’ARS du Grand Est et au ministère de la Santé pour exiger des comptes. L’ARS a répondu ouvrir « une plainte », mais nous avons souhaité les contacter, à notre tour, pour connaître les suites qui seront données.
Une première injonction en 2023
Dans sa réponse, l’Agence indique avoir « pris connaissance de cette situation depuis quelques jours » mais reconnaît que l’usage du garage ne lui est pas inconnu. « Des situations similaires dans cet établissement ont été signalées en 2023, ce qui a conduit l’Agence à déclencher une inspection en urgence. A l’issue de cette inspection, l’ARS a rendu une injonction le 30 juin 2023 pour cesser immédiatement l’utilisation inacceptable des locaux du « Garage SMUR » pour l’installation de patients potentiellement appartenant à l’Unité d’Hospitalisation de Courte Durée. . » Et d’ajouter que l’ARS « avait accompagné cette injonction d’un certain nombre d’autres prescriptions afin de trouver des pratiques garantissant une bonne qualité et une sécurité des soins aux patients. L’établissement avait indiqué à l’appui qu’il avait redonné aux locaux ses fonctions initiales et apporté un certain nombre de garanties pour que la situation ne se reproduise pas, avec des mesures à court et à plus long terme (travaux). »
Mais quelles solutions ?
Mais force est de constater que le garage continue d’accueillir des patients, malgré toute la bonne volonté du personnel, tout aussi indigné de devoir recourir à cette solution. L’ARS affirme mener « des investigations complémentaires pour comprendre les conditions dans lesquelles un patient aurait pu être à nouveau hospitalisé dans cette chambre et mobiliser auprès de l’établissement toutes les actions nécessaires pour mettre un terme définitif à de telles pratiques ». »
Une enquête sérieusement interpellante car ce « système » de soins n’est que le résultat d’un manque de places suite à des fermetures successives de services. La dernière en date est celle de la SSR en 2022 ayant entraîné la fermeture d’une trentaine de lits. Et le projet pour 2028, présenté par l’ARS, n’arrangera rien puisqu’il est prévu de réduire encore la capacité en lits et places de 175 à 102. Interrogée sur une éventuelle réouverture des lits à Langres, l’ARS est, cette fois, est resté silencieux…
« Ils ont toutes les informations, nous les leur avons données ! »
L’annonce de compléments d’investigations par l’ARS fait grincer des dents le docteur Vincent Escudier, ancien directeur des urgences de Langres, qui a démissionné de son poste de responsable en octobre dernier. « Ce garage était équipé de six couchages pour faire face à des situations exceptionnelles et c’est devenu une routine, faute de place. Depuis la fermeture du service SSR en 2022, nous leur envoyons régulièrement des mails d’alerte sur la situation, notamment la présence aux urgences de patients présentant des pathologies physiques ou psychiatriques graves. Nous avons eu jusqu’à 20 patients hospitalisés aux urgences en janvier ! Un épisode très marquant pour les équipes soucieuses de la qualité des soins prodigués à nos patients. Alors mener des enquêtes, c’est schizophrène ! Ils ont toutes les informations parce que nous les leur avons fournies ! »
Des informations qui pointent toutes sur le manque de lits à l’hôpital qui conduit à cette situation. L’ARS avait légitimé les fermetures par un manque de personnel ce qui, une fois de plus, suscite la colère du Dr Escudier. « On ferme des lits sous prétexte du manque de personnel, mais personne ne cherche à comprendre pourquoi les équipes de cet hôpital, qui allait bien, ont vu son personnel se démotiver voire quitter l’établissement »
Selon l’ancien directeur des Urgences, l’ARS devrait plutôt s’intéresser à la gestion du personnel « impersonnelle et purement administrative » qui conduit à cette fuite de médecins et d’infirmières. « On nous parle d’un « virage ambulatoire » qui devrait conduire à un transfert des soins aux patients vers des médecins généralistes ou des spécialistes. Mais ils ne prennent pas en compte le désert médical dans lequel nous nous trouvons et qui ne s’améliorera pas puisqu’en 2028, plus de 40 % des médecins généralistes et 50 % des spécialistes prendront leur retraite ! »
Patricia Charmelot