Ce mardi 12 novembre, dans l’après-midi, Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux, présente son « plan de renforcement de la police municipale ». Derrière ce titre, il dira surtout s’il mord une ligne idéologique en équipant ses agents municipaux d’armes meurtrières : jusqu’à présent, il s’est toujours refusé à le faire. Avant que le sujet soit constamment remis sur la table par son opposition, au gré des différents événements qui rythment l’actualité bordelaise, et il se retrouve au cœur d’une grève de la police municipale. Et même si la question de l’insécurité à Bordeaux ne peut être imputée à la seule majorité actuelle (c’est une tendance de fond qui, depuis des années, touche toutes les métropoles), ce refus d’équiper les agents alimente le procès de passivité contre la municipalité écologiste.
Par ailleurs, il est faux de croire qu’armer la police municipale agit comme une baguette magique et endiguera la délinquance : l’armement est avant tout une attente des polices municipales elles-mêmes, souvent placées en position de « premiers acteurs » des actes criminels. “C’est un métier risqué, recruter des agents n’est pas facile : les salaires ne sont pas faramineux, il y a des difficultés pour trouver un logement, mais l’armement est un point déterminant qui nous rend attractif”, constate un maire de la commune dont les policiers sont armés. « Nous avons vu des agents bordelais venir postuler chez nous rien que pour cela. » Dans le détail de l’alerte sociale – une procédure de prévention des conflits déposée en mai dernier par la CGT de la Ville de Bordeaux –, un point concernait l’armement mortel de policiers municipaux. Une grève a suivi en juin à ce sujet. Des policiers municipaux ont déployé une banderole à la mairie : « Faut-il une mort pour avoir des remords ? »
Changement de pied
Quitte à faire tousser son camp, Pierre Hurmic a pris la question sécuritaire à bras-le-corps avec son propre prisme. Cela lui vaut aujourd’hui l’opportunité de présider le Forum français de la sécurité urbaine, qui rassemble une centaine de grandes collectivités. Durant la campagne, il a constamment réclamé « plus de bleu dans les rues ». Mais du slogan à sa mise en œuvre, il y a la réalité. Ces dernières années ont été marquées par l’interminable négociation du Contrat de sécurité intégré (CSI) avec l’État, ponctuée de polémiques, sur fond de répartition des tâches et des engagements en termes d’effectifs. Un accord a finalement été scellé l’été dernier : l’État affectera ainsi 40 policiers nationaux supplémentaires à Bordeaux, en plus des 140 arrivés en zone de police en deux ans ; la Ville s’est engagée à embaucher 30 policiers municipaux et ainsi passer de 138 policiers en 2020 à 200 en 2026.
A cette occasion, le maire a opéré un premier changement de position concernant les caméras de vidéosurveillance : « Philosophiquement opposé » au système au début de son mandat, le nombre de caméras aura presque doublé d’ici deux ans, passant de 136 à 255.
Municipales dans deux ans
Dans ce bras de fer, Pierre Hurmic a toujours été pointilleux sur la répartition des rôles : sécurité publique pour la police nationale, « tranquillité » publique pour la police municipale. Si, hypothèse probable, il franchit le pas de l’armement, cette grille de lecture sera obsolète. Les policiers municipaux joueront en effet un autre rôle dans le continuum sécuritaire. C’est aussi une manière d’abandonner la posture « morale » de dénonciation en reconnaissant, sinon les manquements, du moins le désengagement de l’État sur le sujet. Entre la pression de ses agents, les attentes des Bordelais – 68% placent la sécurité comme priorité dans le dernier sondage commandé par la mairie –, les bombardements réguliers de son opposition et, plus trivialement, dans la perspective d’élections municipales dans moins d’années. que deux ans, le maire a-t-il le choix ?
« Nous avons beaucoup consulté et approfondi un dossier qui ne permet ni raccourcis ni postures démagogiques »
“Le sujet est trop grave pour en faire une exploitation politique”, estime un membre de l’entourage de Hurmic. « Nous avons beaucoup consulté, fouillé un dossier qui n’autorise ni raccourcis ni postures démagogiques. » Il n’en reste pas moins que la question fait sensation jusque dans les rangs de la majorité. Trois députés éminents ont brandi la menace de démission si la ville armait sa police… Pour justifier ces « démarches », qui pourraient être perçues comme des renoncements, Pierre Hurmic a systématiquement œuvré à donner des gages. En 2021, le déploiement de la vidéoprotection s’est accompagné d’un « comité d’éthique », dont peu de gens se soucient aujourd’hui des analyses. Ce mardi, il promet de dessiner les contours d’une « doctrine d’engagement » : « Une première, qui n’avait jamais été faite jusqu’à présent », a expliqué Marc Etcheverry, l’adjoint à la sécurité. On saura ce mardi si les armes à feu contribuent à la « ville apaisée », ce concept cher aux élus écologistes.