Gaël Fickou (30 ans, 91 sélections) devrait cependant retrouver son rôle de titulaire pour affronter les All Blacks samedi soir à Saint-Denis, s’exprimant juste avant le début de cette tournée automnale sur la fin de sa carrière qui se profile, décortiquant international de Rugby, parlait du Haka, des Springboks et même de la troisième mi-temps, une coutume récemment victime d’une chasse aux sorcières sans merci, sous nos latitudes…
Le Japon fait partie des adversaires du XV de France dans cette tournée d’automnene. Aurais-tu pu être intéressé à travailler en freelance en Asie dans le championnat japonais, comme l’a récemment fait votre ancien coéquipier Yoann Maestri ?
Non ! J’irais volontiers en vacances au Japon, mais je ne pense pas que le championnat japonais soit fait pour moi.
Pour quoi ?
Parce que mon objectif est de jouer pour l’équipe nationale et de participer à autant de compétitions majeures que possible. Dès que je ne pourrai plus jouer en équipe de France et bien performer pour mon club, j’arrêterai le rugby.
Il y a peu, vous disiez vouloir mettre un terme à votre carrière en 2027, c’est-à-dire après la Coupe du Monde australienne. Pour quoi ?
On ne peut jamais être sûr à 100 %… Mais en 2027, à 33 ans et avec quinze saisons de rugby professionnel derrière moi, je crois que j’aurai fait mon temps. […] Quand on n’a plus de grands objectifs devant soi, quand on ne peut plus aller chercher des Coupes du monde et des titres avec son club, mieux vaut arrêter.
Le rugby professionnel est-il parfois fatiguant ?
Je suis privilégié et personne ne me fera jamais dire le contraire. Mais il y a aussi, dans nos vies, beaucoup de contraintes que les gens ne voient pas forcément : la routine d’entraînement, les déplacements incessants, les week-ends pris… Et puis, surtout, il y a l’usure mentale : ce titre, je Je pense que je suis l’un des joueurs qui a eu le plus de succès ces dix dernières années.
En effet…
J’ai très rarement été blessé dans ma carrière. J’en ai parlé récemment avec Charles Ollivon : entre championnat, Champions Cup et tests internationaux, seules les blessures de longue durée nous offrent aujourd’hui des périodes de récupération physique et mentale. Moi, depuis que j’ai toujours été enchaînée, je n’ai jamais eu ce genre de pause aussi longue. Mais je ne vais pas me plaindre : la plupart du temps, on a une vie de fou ; nous vivons des choses incroyables.
Dans quel genre de forme êtes-vous actuellement ? Vous avez effectué huit titularisations au Racing 92 avant de rejoindre Marcoussis pour disputer le tour d’automne…
Je suis en forme, sans manquer d’humilité. Je pense que je ferai un très bon début de saison et que je serai performant : les données le montrent. Après une période creuse, j’ai désormais retrouvé mes capacités physiques et mentales.
Aviez-vous perdu ces qualités ?
Non, mais comme pour tous mes coéquipiers, l’après-Coupe du monde a été difficile : j’étais en mauvaise forme, on en a beaucoup parlé et il n’y a aucun problème avec ça. Mais après quelques matchs difficiles en championnat, je pense avoir fait un bon Tournoi des 6 Nations 2024 ; J’avais, au fil de mes rencontres, retrouvé le désir et la folie.
En langage clair ?
Avant de rebondir, il a d’abord dû faire le deuil de la Coupe du monde. C’est la vie et il a fallu l’accepter, cet échec en quarts de finale. Désormais, nous allons tous de l’avant.
Le deuxième test de cette trêve automnale, face à la Nouvelle-Zélande, constitue le point d’orgue de cette tournée. Comment l’abordez-vous ?
Malgré les quelques critiques qui leur ont été adressées après le Rugby Championship, les All Blacks conservent un énorme potentiel, disposent d’un super entraîneur (Scott Robertson, NDLR) et une culture du jeu qui leur est propre. La Nouvelle-Zélande est moins flamboyante qu’il y a quatre ou cinq ans mais cela ne veut pas dire que les All Blacks ne seront pas boostés à leur arrivée à Paris.
Comment les All Blacks font-ils pour rester aussi forts ?
Ils sont tous très techniques. Mais aujourd’hui, en France, nous avons des joueurs tout aussi techniques qu’eux. Ce sera donc un bon match : entre eux et nous, c’est 50-50.
Que faites-vous pendant le Haka ?
Cet automne, ce sera la huitième fois que j’affronterai la Nouvelle-Zélande. Au début, cet avant-match m’a beaucoup impressionné. Maintenant, je regarde le Haka avec respect et j’attends que cela se produise, c’est tout…
Le dernier France – Nouvelle-Zélande, en ouverture de la Coupe du Monde, a été assez magnifique. Que te reste-t-il ?
Je vais vous surprendre mais c’est un des matchs de Coupe du Monde dont je me souviens le moins… Je me souviens juste de l’ambiance de folie au Stade de France et des essais que j’ai vu plus tard, sur les réseaux sociaux… Pourtant, je suis fier d’être pouvoir dire aujourd’hui que j’ai battu les All Blacks deux fois (en 2021 puis 2023, NDLR). Peu de gens peuvent dire ça, je pense. J’ai la chance de faire partie de cette génération française capable de les battre.
Certains techniciens disent que le prochain cycle international marquera la fin de la dépossession, que les nations reprendront le contrôle du ballon… Êtes-vous d’accord avec ce constat ?
L’Afrique du Sud, qui vient de remporter le Rugby Championship, est l’une des équipes les plus titrées au monde. Les Springboks n’ont pas changé et gagnent toujours.
Nous vous suivons…
Il y a beaucoup de techniciens… Mais il y a moins de techniciens qui regardent vraiment les statistiques et ce qui se passe sur le terrain. Aujourd’hui, les équipes qui gagnent ne sont pas toujours celles qui jouent le plus.
L’été vécu par le XV de France a été assez épouvantable : il y a eu l’affaire Jaminet, puis le scandale Jegou-Auradou… Comment l’avez-vous vécu ?
Je n’étais pas présent en Argentine… Cela me dérange juste pour ces deux coéquipiers (Oscar Jegou et Hugo Auradou) que je ne connais pas forcément, voire pas du tout. […] Bref, je ne contrôle pas tout. C’est leur histoire, pas la mienne ou celle du rugby français.
Pensez-vous que l’image du rugby a été ternie par cette tournée en Argentine ?
Oui, c’est probable, mais ces incidents ont eu lieu en dehors du terrain. Le rugby est un sport collectif qui incarne de grandes valeurs et symbolise le vivre ensemble : les matchs à venir mettront en lumière tout ce que notre sport représente.
A partir de là ?
Pour moi, tout ce qui s’est passé en Argentine est un fait. Certaines personnes ont commis des erreurs et en ont payé le prix. Il faut maintenant avancer.
Derrière ces affaires, il y avait une sorte de diabolisation des troisièmes mi-temps…
La troisième mi-temps a toujours existé et sauf rares exceptions, elle s’est toujours bien déroulée. Cela fait aussi partie de notre sport, de notre culture. J’ai l’impression qu’aujourd’hui on en fait un tabou alors que depuis la nuit des temps, c’est juste un beau moment de fête, de partage et d’échanges…
Nous avons tendance à être d’accord…
Il y a eu des dérives mais est-ce une raison pour tout arrêter ? Devrions-nous tout supprimer parce qu’un gars a fait une erreur ? Quand il y a des joueurs qui font des erreurs, ils sont punis puis se font aider : point final. […] La troisième moitié fait partie de nous. Que ce soit mieux encadré, je peux le comprendre. Mais qu’on puisse envisager de le supprimer, je trouve ça dommage. […] Depuis que je suis petite, j’entends les rugbymen dire qu’ils sont des bons vivants, des gars sympas, des fêtards sympathiques. On ne va pas tout jeter à la poubelle parce qu’il y a eu ces histoires. Les gars qui ne peuvent pas se contrôler resteront désormais à la maison.