Le magasin était là depuis 56 ans. Une page se tourne à Besançon (Doubs). Le 6 novembre, des clients réguliers de l’entreprise familiale Bonnet ont reçu un SMS leur annonçant la fermeture du magasin du quartier Battant à la fin du mois. Regrets, nostalgie, décision inévitable… Rencontres.
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Une vingtaine de jours avant la fermeture annoncée. Il y a foule à l’intérieur de l’entreprise familiale Bonnet. La foule du grand jour. Celui qui avait déserté le magasin ces derniers temps. Celle qui aurait pu donner un nouvel élan à l’entreprise et augmenter le chiffre d’affaires. Parce que c’est de ça qu’il s’agit. La perte financière est de 20 à 25 % depuis un certain temps, et elle n’est plus tenable. Mais ce n’est pas la seule raison.
Plusieurs raisons ont conduit à la fermeture
Philippe Bonnet, l’actuel gérant et troisième Bonnet à tenir les rênes du lieu, est très occupé ce matin, mais entre deux clients, il explique :
Plusieurs facteurs expliquent cette fermeture. Le premier est l’évolution de la société. Et puis il y a la baisse du turnover, la difficulté de recruter et notre âge aussi.
Philippe, gérant de la Boucherie-Charcuterie-Traiteur Bonnet
Avec son épouse Jacqueline, pas question d’incriminer qui que ce soit en particulier. Ce n’est pas le style de la maison, et surtout ce n’est pas juste.
Il est vrai que le quartier Battant situé en bordure de la boucle du Doubs a changé récemment avec des bornes d’accès escamotables qui l’entourent. Philippe Bonnet est catégorique, ce n’est pas pour ça que son entreprise ferme. Il constate même que le quartier est devenu plus agréable depuis.
Clients ravis et attristés
Il y a des files d’attente partout dans le magasin ; côté restauration, côté boucher et à la caisse. Le téléphone continue de sonner. “Pouvez-vous décrocher et raccrocher” clame Philippe Bonnet en espérant un peu de calme. L’heure n’est plus à la discussion entre salariés, mais à la vente. Surtout que depuis l’annonce, ça ne s’est pas arrêté. Les clients, depuis qu’ils ont reçu le message de la fermeture du magasin, viennent échanger leurs points de fidélité. Dans la file d’attente, ils échangent.
Marie-Josephe Sauvageot est originaire de Bisontine. Elle fait du shopping chez Bonnet depuis plus de 40 ans. Comme beaucoup d’autres, elle a connu le père de Philippe, Bernard. Elle avait entendu des rumeurs sur une éventuelle fermeture, mais elle ne s’attendait pas à ce que cela se produise si rapidement.
Mes parents étaient déjà clients. Pour moi, c’est très pratique de venir ici, je connais les gens depuis si longtemps. C’est avec beaucoup de regret que je constate la fermeture.
Marie-Josephe Sauvageot, 73 ans, cliente depuis plus de 40 ans
Alberte habite plus loin, elle habite dans le quartier du lycée Jules Haag. Il est important pour elle de faire vivre les entreprises. Alors, elle descend plusieurs fois par semaine faire ses courses en ville. Elle préfère manger moins de viande, mais manger de la bonne viande.
C’est inquiétant de penser qu’on ne va plus trouver l’accueil et la qualité. Il faut vivre avec son temps mais c’est dommage. Bonnet est un pilier, comme Baud le pâtissier.
Alberte Blanc, à régler ici
Baud en effet, une autre cliente Véronique Faivre s’y rendra après avoir quitté Bonnet pour se réconforter. La nouvelle de la fermeture l’a durement frappé. “C’est catastrophique” nous dit-elle. Elle vient régulièrement de la colline de Bregille pour faire ses courses ici. Elle apprécie la qualité de ce qu’elle achète, le sérieux du magasin. Elle aime particulièrement voir les bouchers au travail. “C’est un art”.
Le grand-père de Philippe fut le pionnier de cette institution. En 1932, il ouvre son commerce au 8 rue Marulaz, à deux pas du magasin actuel. La fabrication et les ventes étaient alors gérées au même endroit.
Son fils Bernard, père de Philippe, prend la relève en 1968. Il a besoin de plus d’espace et achète au 4 rue de la Madeleine.
En 1970, le laboratoire s’implante à Époisses dans le quartier de Planoise. L’entreprise est florissante. Elle travaille notamment pour la restauration collective.
Philippe est arrivé en 1981. Tout s’est passé à merveille pendant de nombreuses années. Aujourd’hui, ce n’est plus la même musique. L’entreprise est devenue trop grande, trop obsolète et les salariés n’ont plus les mêmes attentes.
Avant, quand je créais une équipe, cela durait 15 à 17 ans. Mais les choses ont évolué. Les gens veulent être libres aujourd’hui.
Philippe Bonnet parle des difficultés de recrutement, du saut technologique qui l’accable, de la paperasse qui l’accable, de l’incertitude qui s’est glissée, de l’excès de tout ce qu’il ne veut plus assumer. “Nous avons un travail fragile» nous dit-il. L’homme n’est pas non plus invincible.
Je recherche un acheteur depuis cinq ans. Mes enfants ne prennent pas le relais. Et sans solution de redressement, c’est la fermeture.
Une page se tourne donc, pour la famille Bonnet en premier lieu, pour les clients aussi, de nouvelles habitudes vont devoir être adoptées. Rien n’est éternel. Mais la vie continue.
Le laboratoire d’épicerie fine et de restauration poursuivra son activité, avec 5 ou 6 salariés. Les saucisses de Morteau, Toulouse, chipolata, merguez et toutes les charcuteries seront commercialisées via la grande distribution, par l’intermédiaire de comités d’entreprise ou d’associations. Il sera donc toujours possible de déguster les produits fabriqués au « Bonnet » à Besançon.