La 12ème édition du Salon du Made in France se déroule du samedi 8 novembre au lundi 11 novembre à Paris. Pourtant, l’artisanat est le premier producteur de « made in France », avec 2 millions d’entreprises. Joël Fourny, président de CMA France, la Chambre des Métiers et de l’Artisanat, vient nous dresser un bilan de ce label aujourd’hui en 2024.
franceinfo : On parle beaucoup du Made in France, que ce soit en politique, dans les médias ou auprès des consommateurs, mais y a-t-il un réel soutien ?
Joël Fourny : Oui, cela reste un critère de choix. Depuis le Covid, on sait que les consommateurs sont peut-être un peu plus prudents même si le pouvoir d’achat est une limite à la consommation. Pour certains consommateurs, c’est un véritable choix d’acheter un produit fabriqué en France. Et les artisans sont les premiers ambassadeurs de ce « made in France ». Ainsi, lorsqu’un consommateur achète un produit, cela signifie qu’il a bien identifié que c’est peut-être un peu plus cher au départ mais en même temps, c’est un produit qui est durable, qui peut être réparé. La réparabilité dans le secteur artisanal existe. Au final, le coût n’est donc pas si élevé, et parfois même moins cher.
L’argument que nous faisons est que c’est généralement plus cher.
On a l’impression, mais cela dépend aussi si l’on veut donner du sens au lien social, au fait de soutenir l’économie locale et de proximité, le service aux populations.
“Acheter un produit artisanal est un acte, je dirais, d’engagement envers l’économie nationale.”
Quel bilan pour cette première journée de salon ? Vous y avez présenté les métiers de l’artisanat.
J’étais sur place dans l’espace de 2 000 mètres carrés, où nous avons 214 entreprises artisanales qui viennent de tous les territoires de France, de tous les départements. Avec des artisans extrêmement heureux d’être là, car ils ont vu beaucoup, beaucoup de monde. Il y a eu un nombre considérable de visiteurs aujourd’hui pour le premier jour, c’est assez exceptionnel.
La ministre chargée des Affaires rurales, du Commerce et de l’Artisanat Françoise Gatel était également présente. Avez-vous l’impression que l’exécutif est sensible à vos problèmes, à vos enjeux du moment ?
Elle y est très sensible et a notamment voulu regarder qui étaient les exposants et ce qu’ils représentaient. Elle a été très étonnée et très surprise de constater qu’un bon nombre de chefs d’entreprise étaient avant tout des artisans établis dans de nouveaux métiers du secteur artisanal. Et avec des parcours professionnels très atypiques, car beaucoup de personnes sont en reconversion professionnelle. Et cela l’a beaucoup rassurée sur le défi du secteur artisanal, où l’on sait que nous avons 300 000 entreprises à vendre dans les 10 prochaines années. C’est donc une véritable opportunité pour nous.
Y a-t-il des candidats à la reprise ?
Oui, il y a des candidats à la reprise, des créateurs, des porteurs de projets de création de nouvelles entreprises. Même si nous sommes dans une période extrêmement délicate d’un point de vue économique. Reste cependant une forte envie de créer sa propre entreprise, de reprendre une entreprise artisanale.
« Il y a vraiment de vraies opportunités ouvertes au grand public, à des personnes issues d’horizons professionnels différents. »
Le gouvernement réclame 60 milliards pour le budget 2025. Dans le texte examiné au Parlement, il est question d’une réduction des apprentissages et des aides à l’apprentissage.
Oui, nous nous y opposons car évidemment, à mon avis, ce n’est pas une économie. Cela devrait être un investissement. Et quand on parle d’un soutien aux entreprises à hauteur de 6 000 euros, même si on revoit les choses, ça veut dire qu’on freine la dynamique sur l’alternance, sur la formation initiale. Même si les entreprises n’ont jamais baissé la garde depuis ces différentes années délicates et difficiles. Et je pense que ce serait un très mauvais signe. Alors qu’il y avait pratiquement 850 000 ou 900 000 apprentis, on peut avoir des difficultés. Je pense qu’en fonction de la taille des entreprises, il faut maintenir l’aide à 6 000 euros pour les entreprises de moins de 250, voire 50 salariés.
“Ce n’est pas à l’entreprise de prendre en charge l’intégralité de l’apprentissage, il faut l’aider, il faut l’accompagner si l’on veut que les jeunes trouvent derrière cela une employabilité.”
Près de 80 % de ces jeunes trouvent un emploi dans les six à sept mois suivant l’obtention de leur diplôme. C’est une qualification importante qui est reconnue par le secteur et par la branche. Si on ne traite pas les choses de cette manière lors de la formation initiale, on retrouvera ces groupes en difficulté et il faudra peut-être investir dans le volet social. Alors, engageons-nous à le soutenir dès maintenant.
Le gouvernement souhaite également faciliter la vie des entreprises. De quoi avez-vous besoin, artisans, TPE ?
J’aimerais, chaque jour, pouvoir simplifier le temps nécessaire au chef d’entreprise pour la partie déclarative, administrative, etc. Il faut simplifier considérablement. Cela veut dire qu’il faut oser aller très loin. Il faut oser aller vers un seul point d’entrée pour la partie déclaration et que l’entreprise n’ait pas besoin de fournir des informations aux différents services de l’Etat. Il faut absolument faciliter les choses d’un point de vue administratif pour l’entreprise. L’artisan a besoin de produire, il a besoin de commercialiser, il a besoin de se développer. Alors, là où il a de plus en plus de tâches à accomplir, il faut lui laisser du temps et lui permettre d’avancer plus vite dans sa production. Et donc simplifier la partie administrative et déclarative.
Concrètement, combien de temps un artisan consacre-t-il en moyenne aux tâches administratives ?
Il n’y a pas loin de 20% d’artisans qui consacrent du temps à la partie déclarative, alors qu’ils ont besoin de ce temps pour produire un peu plus. D’autant plus quand on a des problèmes de rentabilité liés au coût de l’énergie, au coût de fonctionnement ou à la vie qui est un peu plus chère qu’avant. Plus on est dans ces dispositions, plus il faut réduire la part déclarative du chef d’entreprise. Son travail n’est pas la partie administrative, c’est la partie production.