Mais où diable était-elle allée ? Depuis plusieurs semaines, la très médiatisée Aurore Bergé se fait discrète. Ancienne présidente du groupe majoritaire au Palais Bourbon, puis ministre, elle a quitté le gouvernement en septembre dernier pour redevenir députée des Yvelines. Quelques jours plus tard, le bureau de l’Assemblée nationale saisit la justice, le soupçonnant d’avoir menti devant une commission d’enquête parlementaire consacrée aux crèches privées.
Au printemps dernier, alors ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes, elle expliquait, sous serment, n’avoir aucun « lien personnel, intime ou amical, ni connaissance » avec un représentant du secteur des garderies privées. Le journaliste Victor Castanet a depuis établi dans son livre Les Ogres que des contacts avaient eu lieu entre les deux femmes lorsque Bergé était ministre de la Famille.
Le parlementaire des Yvelines revient sur cette affaire et sur les derniers mois politiques…
La dissolution et l’état de son parti
« La dissolution nous a appris que la Renaissance était dans un état pire qu’on ne le pensait au moment des élections législatives. Les candidats battus en 2022 n’ont pas été soutenus, il y a eu un manque de préparation dans les propositions en 2024… La vraie question du front républicain avec ou sans La France insoumise n’est pas non plus résolue (les macronistes de droite prônaient un front sans, ceux en la gauche avec). C’est une erreur stratégique et morale… Quand on me parle de François Ruffin par exemple, je n’oublie pas son rôle dans la crise des Gilets jaunes, lorsqu’il attisait la colère alors qu’on recevait des menaces de mort. , viol, tous les jours. Ce n’est pas parce qu’aujourd’hui il y a encore plus de gens peu fréquentables à LFI (François Ruffin s’est éloigné de LFI, NDLR), comme Rima Hassan, que ça le rend plus fréquentable… »
Le gouvernement avec le droit
Ce n’est pas simple, mais le groupe Ensemble pour la République doit être en rapport de force avec le gouvernement.
Là, on a ce « socle commun », mais personne ne sait ce que ça veut dire, avec un bloc central et une droite. On n’applaudit pas en même temps dans l’hémicycle, selon que c’est un ministre de tel ou tel camp qui parle… C’est pour cela que j’ai préconisé un rapide 49.3. Personnellement, je vois le Rassemblement national appuyer sur le bouton de la censure au printemps prochain.
Où va le parti Renaissance, bientôt présidé par Gabriel Attal ?
Au sein du groupe parlementaire EPR, il existe une vraie liberté, mais si chacun fait ce qu’il veut dans son coin, cela pose aussi un problème d’identification. De quoi parle-t-on collectivement ? Gabriel (Attal) a créé une association (« Faire face », contre le harcèlement scolaire) ; Gérald (Darmanin) un mouvement (Populaire). Mais à Renaissance, avec 8 500 adhérents, qu’en pense-t-on ? Sujet du cadre idéologique, personne n’a jamais voulu l’affronter dans notre parti. Les gens ne savent même pas quel est notre nom ! Renaissance, Ensemble pour la République… Nous avons changé de nom chaque année ou presque tandis qu’En Marche ! disait. Et quel projet ?
La suite après cette annonce
Le parti doit-il désormais devenir une équipe présidentielle ? C’est ce que souhaite Gabriel Attal mais je ne suis pas sûr que l’incarnation seule, quelle qu’elle soit, suffise à embarquer les Français qui doutent…
Aurore Bergé
Le parti doit-il désormais devenir une équipe présidentielle ? (L’ancien Premier ministre est le seul candidat à la tête du mouvement fin novembre, NDLR)
C’est ce qu’il souhaite mais je ne suis pas sûr que l’incarnation seule, quelle qu’elle soit, suffise à embarquer les Français qui doutent… Je ne veux pas que nous soyons une parenthèse. J’ai soutenu la candidature d’Élisabeth Borne (retirée depuis) et souhaite reconstruire idéologiquement le parti. On ne peut pas empiler les propositions, comme un catalogue. Il faut proposer un projet de société.
Sa place dans le « socle commun »
«Quand on a été président de groupe puis ministre et que ça s’arrête, quand on redevient député, il y a une sensation de vertige, ce n’est pas agréable, c’est sûr. Mais je ne voulais pas rester au gouvernement juste pour y rester. L’équipe Barnier m’a demandé ce que je voulais, j’ai dit que pour vraiment lutter contre les violences faites aux femmes et aux enfants, c’était à la Chancellerie que je devais être (et donc être nommé ministre de la Justice). Sans ça, ça ne bougera pas. Mais il y avait d’autres considérations et la place était clairement réservée (à Didier Migaud, NDLR).
Le risque est la disparition idéologique de notre camp qui confirmerait que nous n’avions aucun fondement. Alors qu’il existe un véritable fil conducteur depuis 2017 sur le Travail, le pouvoir d’achat, l’ADN européen.
L’affaire de la crèche
Mon avocat a porté plainte pour diffamation. Nous sommes aujourd’hui à l’ère du soupçon. On peut évidemment contester les positions politiques mais pas les faits. Pourtant, les choses sont fausses dans ce qui est écrit dans le livre (Les Ogres, de Victor Castanet). Et d’ailleurs, même si tout était vrai, il n’y a rien d’illégal !
Quand je lis des discussions privées mal retranscrites, c’est un problème. Oui, j’ai interagi avec les fédérations professionnelles. Je n’ai jamais dit que je ne l’avais pas fait, mais que je n’avais jamais eu de liens amicaux ou personnels avec leurs dirigeants. J’ai vu Victor Castanet pendant une heure et demie, et il m’a notamment reproché le fait que certains de mes conseillers se sentaient « marginalisés parce que je me suis trop mis dans la technique des dossiers »… Au fond, il m’a reproché de trop travailler et trop précisément ! C’est fou quand même. Les ministres ne sont pas là seulement pour réciter des éléments de langage mais pour travailler, se forger leurs propres convictions, maîtriser leurs sujets. Et oui, je travaille. C’est la première fois que je suis ainsi touché par des attaques car cela affecte mes valeurs. Je suis aussi une mère qui dépose chaque jour sa fille de deux ans à la garderie et aurais-je couvert les choses ? Jamais ! Au contraire.
Le soupçon suffit, une phrase sortie de son contexte suffit aujourd’hui à vous mettre au pilori. Il ne se souciait pas de ce que j’avais fait en tant que ministre, du fait que j’avais modifié la loi pour mieux contrôler les groupes privés, justement. Je veux être jugé sur mes actes, et non sur des soupçons ou des conversations privées mal retranscrites. Alors quelle est la réponse ? Mon équipe m’a conseillé de me taire, car on ne peut pas être entendu dans ces moments-là. C’était dur. Difficile parce que je voulais parler et me défendre. Mais ils avaient raison. Mais j’ai voulu porter plainte et j’ai tenu bon. La justice mettra, je le sais, du temps à statuer. J’espère qu’à ce moment-là nous serons intéressés par la décision qui sera rendue…