Au départ, il disait avoir emprunté le fusil pour aller « tirer sur les ragondins ». Un fusil de 22 pouces, plus précis, pour viser de loin, que son fusil Starling. Le silencieux ? «Jamais utilisé», assure l’accusé. Cependant, ses empreintes digitales y ont été retrouvées. Il y avait aussi cette version du septuagénaire selon laquelle il se serait rendu à Cambout, sur les terres de la ferme familiale de son amoureux, pour « chercher des champignons ». Or, ce 17 août 2021, il n’y a pas plus de rongeurs que de girolles dans le champ de maïs où Gilbert Ruelland était posté pour tourner.
La victime recevra une balle qui traversera son avant-bras avant de se loger dans sa hanche. « J’ai perdu pied », a finalement reconnu l’accusé devant la cour d’assises des Côtes-d’Armor, ce mardi 5 novembre 2024. « J’avais envie de faire peur », raconte-t-il. J’ai garé la voiture à l’orée du petit bois, j’ai pris le fusil, quelques munitions et je me suis dirigé vers les bâtiments de l’autre côté du champ. » C’est le deuxième jour de son procès et l’ancien agriculteur nie toujours être l’auteur du premier coup de feu qui a touché la même victime au bras, deux semaines avant l’épisode du champ de maïs.
Tu as été blessé parce que Madame ne voulait plus te voir, n’est-ce pas ? Il faut le dire, monsieur Ruelland, il nous faut des réponses
Adrénaline, culpabilité et puis le piège
Gilbert Ruelland ne reconnaît comme vérité que ce que l’évidence lui impose. «J’ai abattu, juste pour me montrer», dit-il par exemple au tribunal. “Un expert nous a expliqué que ce n’était pas possible compte tenu de la trajectoire de la balle”, a rappelé le président. Elle demande à nouveau : « Avez-vous pointé l’arme sur ce monsieur ? » « Oui », répond enfin l’accusé. L’interrogatoire est fastidieux, l’homme est peu bavard. Son avocat, Me Thierry Fillion, lui extrait quelques mots. « Tu as été blessé parce que Madame ne voulait plus te voir, n’est-ce pas ? Il faut le dire, monsieur Ruelland, nous avons besoin de réponses. »
L’accusé a encore des excuses pour l’homme qu’il a ciblé. « Ce que j’ai fait est impardonnable. » Il évoque aussi, plus maladroitement, avoir confectionné une « énorme boulette ». Plus tôt dans la journée, son ex-maîtresse est venue raconter leur liaison. Au tribunal, elle lui a livré l’adrénaline, la culpabilité puis le piège : l’homme, tombé amoureux, aurait menacé de tout révéler de leur idylle si elle le quittait.
Ce sont les enquêteurs de la gendarmerie qui, après six mois d’enquête, d’écoutes téléphoniques et de localisation GPS pour faire la lumière sur ces mystérieux coups de feu, ont fini par découvrir le secret. La victime, un septuagénaire sans histoire, ancien agriculteur et père de famille marié, avait bel et bien un ennemi… mais ne pouvait s’en douter.