De nombreux chefs de département dénoncent l’effort demandé par le gouvernement afin de combler le déficit public. Certains de vos collègues, comme Sophie Borderie dans le Lot-et-Garonne, se déclarent, à ce jour, incapables de produire un budget à l’équilibre. Êtes-vous dans cette situation?
Le plan du gouvernement est totalement injuste. Tous les départements sont dans la même situation. Je peux absolument dire que je ne peux pas présenter un budget équilibré. Ce serait ignorer la situation particulière de chaque département. Bref, je peux le dire mais ce n’est pas ce que je ferai. Les gens ne comprendraient pas. Tout le monde peut crier très fort, très fort, montrer son indignation. Dans un département comme le nôtre, nous avons la responsabilité de la politique locale et nous avons des gens qui attendent des réponses des élus. Cela ne remet pas en cause les raisons pour lesquelles il existe une colère partagée par l’ensemble des autorités locales. Cela reste un malentendu total.
Qui est responsable de cette situation ?
C’est la politique menée depuis sept ans par le président Macron, qui offre des cadeaux aux personnes aux revenus les plus élevés. Ils ont accru le déficit budgétaire et la dette de notre pays. Ils sont dans cette situation et maintenant ils viennent nous dire que tout le monde doit faire un effort. Qu’ils commencent par ceux à qui ils ont offert des cadeaux. Une chose est sûre : c’est l’échec de la politique de l’offre. Je n’aurais jamais fait des choses pareilles. Ce qui apparaît injuste, c’est que désormais, ce sont les habitants des territoires qui vont souffrir de la négligence de ce gouvernement.
« Il est probable que 85 % des Départements ne puissent pas financer la totalité de leurs coûts d’investissement et de fonctionnement »
Pour les Landes, quel montant manquera-t-il au budget 2025 ?
Si je compte ce qui sera pris, il nous manquera 13 millions d’euros. Si j’ajoute toutes les dépenses résultant de ce projet financier, au total, il me faudrait entre 25 et 30 millions d’euros supplémentaires pour pouvoir boucler notre budget.
Ce n’est pas la première année que les revenus diminuent…
Les revenus sont en baisse depuis trois ans. Toutes les taxes nous ont été supprimées. Les gens ne paient plus d’impôts pour les départements. L’État paie une partie de la TVA. Il s’avère que cela n’augmente pas. Nos revenus les plus importants sont constitués des droits de mutation (frais de notaire, NDLR). En 2022, nous avons reçu 134 millions d’euros. Et nous terminerons l’année 2024 avec 90 millions d’euros, soit une baisse de 44 millions d’euros. Cela est dû à la crise immobilière. Je ne sais pas si cela va continuer à baisser.
Là, le gouvernement nous ajoute une couche supplémentaire. Ça commence à faire beaucoup. La situation financière de nos communautés sera mise à mal. Il est probable que 85 % des départements ne puissent pas financer la totalité de leurs coûts d’investissement et de fonctionnement. Situations de quasi cessation de paiement. Ce qui ne sera pas le cas du département des Landes, mais notre situation va sérieusement se dégrader.
Allez-vous être confronté à des choix dans les mois à venir ?
Inévitablement, nous devrons revoir toutes les politiques publiques. Il existe un socle obligatoire, comme la politique de solidarité du département. Seulement 40 à 42 % sont pris en charge par l’État. Le reste est pour nous. Les élus vont devoir faire des choix. Je peux aussi parler de protection de l’enfance. Il y a plus de 350 enfants atteints de plusieurs pathologies qui devraient être sous la responsabilité de l’Etat. Ce n’est pas le cas. L’État n’assume pas ses responsabilités au quotidien, ce qui nous oblige à engager des dépenses qui ne sont pas de notre ressort. Tout ce qui touche aux services publics locaux, comme les aides aux communes, les aides aux écoles primaires ou encore les transports scolaires : tels sont les choix auxquels nous serons confrontés. Les choix du gouvernement impacteront inévitablement les services locaux les plus proches des Landais. Malheureusement, les citoyens ne feront pas le lien et nous blâmeront.
Mais vous ne pouvez pas adopter des budgets qui ne sont pas équilibrés….
Ce qui n’est pas le cas de l’État. Nous votons pour des budgets équilibrés. Ils sont connus et ne peuvent pas glisser.
« Le déclin des services de proximité alimente le Rassemblement national. Nous aimerions le porter au pouvoir, nous ne le ferions pas autrement.»
Comment vas-tu faire ?
Ces dernières années, nous avons eu des droits de mutation qui ont énormément augmenté (entre 2018 et 2021, NDLR). Cela nous a permis de nous désendetter. Nous pourrons mobiliser notre capacité d’endettement sans difficulté. Là, nous pourrions être mis en difficulté concernant les politiques publiques. Nous pourrons compenser par un autofinancement, que nous remplacerons par de la dette si nous ne voulons pas modifier nos politiques publiques. Il faudra en discuter avec nos collègues. Nous avons été frappés par ces coûts, nous devons les analyser et les digérer pour l’année 2025. Nous attendons de savoir quel sera le point final pour décider. Nous serons confrontés à des choix importants.
Quelles pistes choisirez-vous ?
Cela pourrait être un mélange. Cela pourrait être une baisse des investissements. Mais il faut être prudent sur ce point. 70 % des investissements en France sont réalisés par les collectivités locales. Si tout s’arrête, cela pourrait avoir des répercussions économiques très fortes. J’insiste : les choix faits par le gouvernement sont mortels pour tout le monde. Et cela parce que nous ne voulons pas solliciter ceux qui sont devenus riches depuis plusieurs années. Le déclin des services de proximité alimente le Rassemblement national. Nous aimerions le porter au pouvoir, nous ne le ferions pas autrement.
Concrètement, le transport scolaire deviendra-t-il payant dans les Landes ?
Nous sommes le seul département de Nouvelle-Aquitaine où c’est gratuit. Chaque année, nous versons 17 millions d’euros à la Région pour ce service. A la cantine aussi, les frais tournent autour de 9-10 euros par enfant et nous les refacturons au prix de trois. Si je décidais de tout facturer au prix coûtant, ce serait l’équivalent de ce qui manque. C’est de l’arithmétique. Honnêtement, dans un département rural comme le nôtre, ce serait la dernière mesure à prendre. Ma volonté n’est pas d’impacter tout le monde de la même manière. Nous devons entreprendre un travail chirurgical pour savoir ce qui sera fait. Je ne veux faire aucune annonce aujourd’hui.
Des économies de fonctionnement peuvent-elles être envisagées, avec moins d’agents par exemple ?
On prend moins d’assistantes sociales malgré la demande, on met moins d’agents sur le bord des routes ou dans les collèges, on en met moins aussi pour le Sdis (Service départemental d’incendie et de secours, NDLR) : non, c’est hors de question. et nous devons faire preuve de responsabilité. Il n’est pas question, dans notre raisonnement, de réduire le nombre de salariés. Nous sommes bien dans la moyenne nationale en termes de nombre d’agents. Nous y resterons.
Attendez-vous une décision du gouvernement ? Peut-être un retour en arrière par rapport au mécontentement des autorités locales ?
Tout le monde est dans le même bateau. Ce n’est pas un problème de couleur. Aucun département n’est épargné. Michel Barnier a annoncé que les collectivités devaient réaliser 5 milliards d’économies. Nous ne nous attaquons pas aux véritables causes. Le gouvernement doit prendre du recul car c’est toute la population qui en souffrira. Je le répète, avec moins de services publics locaux, le résultat sera le même que celui que nous avons connu lors des élections législatives de 2024. Je ne comprends pas pourquoi personne ne fait le lien.
Craignez-vous l’arrivée du RN au pouvoir ?
Oui. Bien sûr. Il faudrait être complètement à la surface pour ne pas le remarquer. Le gouvernement a réussi cette prouesse en faisant croire que Jean-Luc Mélenchon était plus dangereux que le RN. Aujourd’hui, les gens n’ont plus peur du RN. Il n’y a plus de limites. Les gens franchiront le pas un jour ou l’autre.
Un vote budgétaire « plus tard »
Le président Xavier Fortinon l’annonce très clairement : le prochain vote du budget du Département des Landes aura lieu plus tard que d’habitude. “La date limite est le 15 avril. Nous voterons le budget le plus tard possible, pour connaître les impacts réels de cette décision gouvernementale sur nos finances”, souligne-t-il. Très certainement « pas avant la première quinzaine d’avril ». Concernant le traditionnel débat d’orientation budgétaire, il n’aura lieu « qu’à la mi-mars ».