UUn frisson parcourt la flotte : ce marin prévoit de boucler son tour du monde en 67 jours, soit une semaine de moins que le record d’Armel Le Cléac’h à l’issue de l’édition 2016-2017 (74 jours, 3 heures, 35 minutes). Il est tellement confiant qu’il ne prend que 67 jours de nourriture ! Il s’agissait d’Alex Thomson, au départ du dernier Vendée Globe en 2020, et il n’était pas le seul à évoquer une possible performance folle sur les 45 000 km autour du monde.
De 68 à 66 jours dit Michel Desjoyeaux (vainqueur en 2001 et 2009), moins de 70 pour François Gabart (vainqueur 2013), et en théorie « 63 à 64 jours si tout se déroule parfaitement » selon l’architecte Guillaume Verdier. Finalement, Alex Thomson n’a pas fini le Vendée, les premiers ont fini en 80 jours, plus que Le Cléach, plus même que François Gabart en 2012-2013 (78).
Le potentiel des bateaux a augmenté, la probabilité de battre le record encore plus
Et cette année ? Avant le départ du 10 novembre, “les données techniques nous amènent à un délai possible de 65 jours pour les bateaux neufs”, actualise Jean Le Cam, comme beaucoup d’autres skippers. « Nous pouvons nous améliorer. De combien, je ne sais pas », précise prudemment Yannick Bestaven. Le temps potentiel n’aurait pas beaucoup changé (65 contre 67), “mais la probabilité d’améliorer le record, oui”, juge Antoine Koch, co-architecte avec Pascal Conq de deux des bateaux favoris, “Paprec Arkéa”, de Yoann. Richomme, et « Vulnérable 1 » de Thomas Ruyant.
Effet numérique
Première raison, la fiabilité. « En 2020, nous avons eu les premiers vrais bateaux à grands foils (1), la technologie n’était pas encore mature », rappelle le skipper Paul Meilhat. Aujourd’hui, elle l’est. »
« En 2020, les bateaux avaient du mal à naviguer sur une mer agitée. Les travaux menés depuis se sont concentrés sur ce plan, en le portant au vent, principalement dans les mers du Sud, explique Antoine Koch. Avec la multiplication des capteurs installés sur les appendices et la structure, les skippers disposent de plus de solutions pour mesurer les contraintes sur le bateau et adapter la navigation. »
En 2020, Yannick Bestaven a gagné avec des petits foils, son pari gagnant, alors que les gros foilers étaient tous arrivés diminués, rafistolés comme « Apivia », avec Charlie Dalin. On imagine le scénario de 2013 et 2017 à l’arrivée : un monocoque moderne, pas trop diminué, et un temps de trajet réduit.
Meilleur partout
L’avantage s’accompagne d’un effet numérique. « Il y a plus de bateaux à grands foils, une vingtaine contre quatre en 2020, dont treize nouveaux. Evidemment, c’est un de ces bateaux qui va gagner », calcule Paul Meilhat. Attention cependant, prévient Antoine Koch, « les bateaux sont en général plus forts mais subissent plus de contraintes car ils vont plus vite. Par exemple, au près dans une mer formée et 25 nœuds de vent, une allure très exigeante, nous sommes passés de 12-13 nœuds à 16-17 vitesse. »
Les skippers seront également meilleurs
En plus des bateaux, les skippers seront aussi meilleurs souligne Antoine Koch. « Ils ont progressé dans les réglages des bateaux, ceux des nouveaux et ceux de la génération précédente, grâce au travail sur les voiles et les foils. A cause du Covid il y a quatre ans, les bateaux avaient très peu navigué en course, une dizaine de jours plus la Vendée Arctique. Là, le niveau global de préparation est bien plus élevé. »
Le marin supportera mieux les efforts. « Pour Thomas et Yoann, nous avons travaillé sur le confort actif du skipper dans la conception du bateau, ce qui signifie par exemple qu’en travers de la brise, ils peuvent continuer à attaquer quand les autres sont déjà dans une position inconfortable. Le confort passif a également progressé, c’est-à-dire la position du skipper, avec des sièges sur mesure, toutes les commandes à portée de main. »
Au final, avec les mêmes conditions météo qu’en 2020, « les binômes skipper-bateau iraient sans doute plus vite. Nous avons conçu Vulnérable et Paprec Arkéa, pour qu’ils soient agréables par vent fort, pour qu’ils donnent envie de faire le tour du monde, même s’ils sont moins performants au près et dans le médium atlantique. . Mais lors des transats préparatoires, nous avons fait la très agréable découverte qu’ils sont également performants dans ces conditions. »
“Le problème c’est qu’il y a des vagues dans la mer, c’est embêtant !” » Jean Le Cam
Toutefois, le souvenir de 2020 appelle à la prudence. « On l’a encore vu à l’entraînement récemment : l’état de la mer limite fortement la vitesse des bateaux sur le papier », souligne Yannick Bestaven. Nous ne pouvons pas aller plus vite que le terrain ne nous le permet. « C’est magique quand on voit toutes ces belles images de bateaux volants sur une mer plate. Le problème c’est qu’il y a des vagues dans la mer, c’est embêtant ! », acquiesce Jean Le Cam, qui a construit un bateau neuf, mais sans foils. Tenez également compte de la distance réellement parcourue ! Plus la limite des glaces est élevée au Sud, plus elle sera longue.
(1) En 2016, des petits foils ont été installés sur les coques classiques, pour les ailerons droits.