Les policiers appelés à « s’éduquer » sur le traumatisme subi par les Autochtones

Les neuf interventions policières qui ont entraîné la mort d’Autochtones en à peine un mois au Canada ne contribuent en rien à renforcer la confiance des communautés envers la police. Bien que beaucoup croient que ces fins tragiques auraient pu être évitées, comment les forces de l’ordre canadiennes peuvent-elles faire les choses différemment ?

Selon l’ancien policier du territoire cri Bobby Patton, tout part du fait que les policiers non autochtones je n’ai aucune idée à qui ils ont affaire lorsqu’ils arrivent dans une communauté autochtone.

Selon lui, pour gommer l’image tenace des Autochtones toxicomane, alcoolique, vagabond, violent ou impétueuxles policiers doivent sortir de leur cadre habituel pour tenter de comprendre la réalité de la personne auprès de laquelle ils interviennent.

Ils ne doivent pas se contenter de patrouiller, ils doivent commencer à travailler avec les Premières Nations pour mieux comprendre leurs cultures.croit M. Patton.

Et c’est dans les communautés que la police réussira vraiment à instruisez-vous concernant le mode de vie et les traumatismes avec lesquels vivent les membres des Premières Nations.

Il faut leur parler d’égal à égal et éviter de les mépriser. Souvent, note Bobby Patton, il semble que l’intervention de policiers allochtones auprès d’une personne en crise aggrave la situation.

Avant de mourir sous l’effet de deux impulsions électriques et d’un sédatif, Jon Wells, un Pied-Noir de la communauté Blood en Alberta, n’avait pas été identifié par les policiers et n’avait parlé avec eux que quelques minutes.

Jon Wells (au centre) n’était pas en état d’arrestation lorsqu’il est décédé dans le hall d’un hôtel de Calgary le 17 septembre 2014. (Photo d’archives)

Photographie : Eugène Creighton

La meilleure aide vient du terrain

Les Autochtones en détresse font bien plus confiance à une personne des Premières Nations qu’à un policier non autochtone» croit Bobby Patton, qui accompagne désormais les Autochtones dans leurs démarches judiciaires à Kahnawake.

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Bobby Patton (à droite) accueille désormais les Autochtones qui se rendent à Montréal pour se faire soigner ou pour aller au tribunal. (Photo d’archives)

Photo : Radio-Canada / Mathias Marchal

Selon lui, dans les milieux indigènes, la police devrait demander de l’aide les aînés et les dirigeants, les gens qui comprennent les gens. Cette idée est revenue à plusieurs reprises après les interventions policières meurtrières de ces derniers jours.

Plusieurs familles et experts soutiennent que, lorsqu’ils interviennent auprès d’une personne autochtone en état de crise, les policiers devraient tenter de faire appel à leurs proches ou à une personne ressource de leur communauté.

Il devrait y avoir quelqu’un dans la réserve qui connaît les membres et que les membres connaissent et qui pourrait accompagner la GRC pour tenter une médiation.a plaidé la sœur de Joey Desjarlais, décédé après que des policiers ont ouvert le feu dans sa direction à la fin d’une course-poursuite.

Si la situation ne se désagrège pas, nous aurions au moins quelqu’un de notre pays sur place et nous aurions son point de vue.a souligné Cheyenne Desjarlais en entrevue avec Radio-Canada quelques jours après l’événement.

Originaire de la police

Lorsqu’il était policier près de la Baie James, Bobby Patton faisait presque systématiquement appel aux aînés de la communauté ou à ses proches pour désamorcer les crises. Lorsqu’ils interviennent, dans la grande majorité des cas, la désescalade fonctionnedit-il.

En tant que policier autochtone, il ne pouvait pas compter sur une équipe d’intervention tactique comme peuvent le faire les policiers non autochtones. Nous avons dû faire confiance aux membres de notre communauté et à nos collèguesil se souvient.

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22 corps policiers autochtones sont en service au Québec. (Photo d’archives)

Photo : Autres banques d’images / Roxanne Langlois

Cela m’est arrivé : j’avais des armes pointées sur moi, mais nous n’avons pas tiré sur un membre de notre communauté.dit M. Patton, qui assure que la proximité des forces de police indigènes avec leur communauté les oblige à avoir une bonne communication et à tout faire pour résoudre pacifiquement chaque situation.

Si un policier autochtone tire sur un autre membre de la communauté, il ferait mieux de quitter la réserve !

Une citation de Bobby Patton, ancien policier indigène

Au Canada, 36 forces de police autochtones sont en service, principalement en Ontario et au Québec, alors qu’il existe environ 630 communautés des Premières Nations.

Dans son rapport publié en septembre 2019, la commission Viens insistait sur l’importance de financer et de pérenniser ces corps policiers qui, au Québec, étaient contraints de négocier périodiquement leurs conditions de vie et leur budget avec le ministère de la Sécurité publique [du Québec] et avec le gouvernement fédéral.

Changement de priorités

Les événements récents devraient inciter à un rapide examen de la tendance générale et conduire à un changement complet dans l’approche face à la criminalité, estime Irvin Waller, professeur de criminologie à l’Université d’Ottawa.

Dans une interview, il dénonce le fait que Le Canada est incroyablement dépendant de la pratique consistant à financer toujours plus ses forces de police alors qu’elle devrait concentrer ses efforts sur des mesures préventives.

Un financement accru pour la police ne stoppe pas la criminalité ni n’empêche la violence d’augmenterinsiste-t-il, ajoutant queen améliorant la condition générale d’une population, on réduit la violence.

M. Waller affirme que, bien qu’essentielle, la formation des policiers est bien moins louable.

Dans de nombreuses communautés, les services sociaux sont situés à l’extérieur des communautés et sont gérés par des non-autochtones.se souvient Bobby Patton.

Dans les communautés, il existe un besoin de services sociaux et d’une aide volontairement accessible pour les problèmes de drogue, d’alcool et de santé mentaleajoute Michael Boudreau, professeur de criminologie à l’Université Saint-Thomas. Sur le terrain, davantage de policiers ne sont pas la solution.

Les investissements futurs doivent être utilisés pour aider les peuples autochtones, déclare Irvin Waller guérir de leur traumatisme et réduire les crises de santé mentale dans les communautés.

 
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