le spectre d’un retour aux dérives autoritaires – Ouestaf.com

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Dernière mise à jour le 10/05/2024 par Ouestafnews

Ouestafnews – Au Sénégal, le lendemain de l’élection présidentielle n’est pas aussi enchanteur qu’on l’espérait. A peine installé, le nouveau pouvoir adopte le même discours et les mêmes pratiques que le gouvernement remercié par les électeurs en mars 2024. Interpellations, arrestations et interdictions de quitter le pays se multiplient et ciblent journalistes, militants et politiques critiques à l’égard du régime. Des actes qui font craindre aux organisations de la société civile une nouvelle ère de répression, après celle connue durant la période 2021-2023 sous le régime déchu de Macky Sall.

Cheikh Yerim Seck, journaliste ; Madiambal Diagne, journaliste proche de l’ex-président Macky Sall ; Bougane Guèye, homme d’affaires et opposant au nouveau régime ; Kader Dia, chroniqueur à la télévision ; Manar Sall, ancien directeur général de la Société pétrolière du Sénégal (Petrosen à capital public majoritaire) ; Cheikhna Keita, ancien commissaire de police ; Bah Diakhate, militant ; Ahmet Suzane Camara, membre du réseau des enseignants de l’Alliance pour la République (APR-ancien parti au pouvoir) ; etc. La liste des personnes arrêtées par les services de sécurité, envoyées en prison ou interdites de sortie du pays, depuis l’arrivée au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye et de son premier ministre Ousmane Sonko, est longue.

On est encore loin de la répression massive des manifestations violentes qu’a connu le Sénégal entre 2021 et 2023, mais le nouveau régime ne se retient pas non plus face à ses opposants et face aux voix dissidentes ou critiques.

Les accusations portées contre les personnes arrêtées incluent souvent : diffusion de fausses nouvelles, diffamation, propos insultants, corruption ou encore enrichissement illicite.

Pour une partie de l’opinion publique, tout cela donne un air de déjà-vu : arrestations et menaces systématiques contre toute voix dissidente, atténuant l’euphorie du changement survenu le 24 mars 2024.

« Nous sommes confrontés à une certaine volonté unilatérale de ne pas accepter les voix dissidentes », déplore Sadibou Marong, directeur du bureau régional Afrique de l’Ouest et centrale de Reporters sans frontières (RSF), dans un entretien à Ouestaf News. Selon lui, les récentes arrestations de professionnels des médias suscitent « la peur de voir revenir les démons du passé ».

Le passé auquel fait allusion M. Marong est encore frais dans nos mémoires : entre 2021 et 2024, journalistes, militants et opposants ont payé un lourd tribut sous la gouvernance du régime de Macky Sall. Plusieurs dizaines de décès ont été recensés par les organisations de défense des droits humains.

Il est de la responsabilité des nouvelles autorités de « redresser le cap » pour ne pas « détruire » les espoirs de la presse, estime le responsable de RSF.

Lire aussi : Sénégal : le pouvoir de Macky Sall se durcit, arrestations en série

Le politologue Babacar Ndiaye, du groupe de réflexion ouest-africain Wathi, y voit une forme de « continuité » des événements avant l’élection présidentielle de mars 2024. Une période marquée par de fortes manifestations et de nombreuses arrestations, notamment lors des procès contre l’opposant de l’époque. et actuel Premier ministre (Ousmane Sonko) et après une tentative de report de l’élection présidentielle par le président de l’époque, Macky Sall.

Elu par 54% des votants dès le premier tour sur la base d’une promesse de changer le « système » et le mode de gouvernance, le duo Diomaye Faye et Sonko en matière de libertés publiques reste sur la même ligne que son prédécesseur.

Face aux « convocations systématiques » de journalistes et d’acteurs politiques suivies de poursuites judiciaires, les organisations de la société civile sénégalaise dont Article 19 et Amnesty International Sénégal ont exprimé leur « profonde inquiétude » dans une déclaration commune publiée le 3 octobre 2024.

Quant à la Coordination des associations de presse (Cap), elle a dénoncé « une atteinte » à la liberté d’expression et exigé la libération immédiate du journaliste Cheikh Yerim Seck. Elle a rappelé aux nouvelles autorités que la liberté d’expression est inscrite dans la Constitution du pays.

Parmi les sources d’inquiétude de l’opinion publique, la poursuite de pratiques que les partisans du pouvoir actuel n’avaient cessé de dénoncer lorsqu’ils étaient dans l’opposition : arrestations sans toujours suivre les procédures ; ingérence de l’exécutif dans les prérogatives de la justice, détournement de l’article 80, instrumentalisation des forces de sécurité, etc.

Seydi Gassama, directeur exécutif d’Amnesty International Sénégal, ne se fait pas d’illusions. Il n’y a pas encore de « rupture » en matière de respect des libertés publiques car les méthodes utilisées par le régime de l’ancien président Macky Sall sont toujours en place pour perpétuer la « répression », écrit-il dans ses comptes. réseaux sociaux.

Dans cette logique, les organisations de la société civile invitent le gouvernement sénégalais à « restaurer » l’espace civique et la pluralité des opinions dans l’espace public. Selon eux, la « judiciarisation des opinions » qui s’opère actuellement soulève de « sérieuses inquiétudes » quant au respect des libertés d’opinion et d’expression et menace « l’intégrité » du débat public.

Côté politique, la coalition électorale « Samm sa Kaddu » (Respectez vos promesses) à laquelle appartient Bougane Guèye a critiqué, dans un communiqué, en date du 2 octobre 2024, la « provocation » et l’« insulte à la démocratie ».

Dans la foulée, une autre coalition d’opposition « Takku wallu Senegaal » (Debout pour sauver le Sénégal) a dénoncé des arrestations « abusives » qui traduisent selon elle un « manque de culture démocratique » et une « intolérance sans nom » de la part du nouveau pouvoir qui veut faire taire toutes les voix discordantes.

Les deux coalitions ont annoncé leur participation aux élections législatives du 17 novembre 2024. Samm sa Kaddu se regroupe autour de l’ancien candidat à la présidentielle et ancien maire de Dakar, Khalifa Sall. Takku wallu Senegaal est une alliance entre les partis des deux anciens présidents de la République, Macky Sall et Abdoulaye Wade.

Mais ceux qui sont au pouvoir ne veulent pas être acculés. Au contraire, souligne Amadou Ba, l’un de ses responsables politiques et judiciaires, l’issue rapide de ces affaires est considérée comme une preuve de l’indépendance de la justice sous la gouvernance du Président Bassirou Diomaye Faye et du Premier ministre Ousmane Sonko.

Par ailleurs, ajoute cet ex-député, les deux chefs de l’exécutif sénégalais ne sont « en aucun cas impliqués dans la série d’arrestations récentes ». Dans un post publié le 3 octobre 2024 sur sa page Facebook, il affirme qu’aucune des convocations contre les personnes interpellées n’a été émise à la suite d’une plainte ou d’une instruction du procureur.

Pourtant, en juin 2024, lors d’une réunion politique avec ses militants, le Premier ministre Ousmane Sonko a failli menacer la presse locale. « Nous ne permettrons plus aux médias d’écrire ce qu’ils veulent sur les gens, au nom de la soi-disant liberté de la presse, sans aucune Source fiable. » » a déclaré M. Sonko.

Moundiaye Cissé, directeur de l’ONG 3D (Décentralisation, droits humains, développement local), s’est félicité de la posture « d’apaisement » du ministère de la Justice et du retour à la « sérénité » du gouvernement sénégalais, ceci après Cheikh Yérim Seck et Bougane Guèye Dani. ont été laissés libres de rentrer chez eux. Mais d’autres personnes arrêtées restent toujours en détention.

Alors que se profilent à l’horizon les élections législatives du 17 novembre 2024, les appels publics se font de plus en plus nombreux de la part des Sénégalais pour une gestion plus efficace des préoccupations des populations.

Selon Moundiaye Cissé, les autorités au pouvoir et leurs opposants ont le devoir d’élever le niveau actuel du débat politique en propulsant des « idées » dans l’espace public plutôt que des « invectives » à forte connotation politique. Une tendance qui dérange beaucoup Babacar Ndiaye de Wathi qui estime que le débat public devrait s’orienter vers les enjeux du moment, notamment l’émigration irrégulière, l’emploi des jeunes, l’économie, entre autres.

C’est ce type de débat qui est « difficile » à poser dans l’espace public, regrette Sadibou Marong. Pour le patron de RSF, il est constant de constater que ceux qui expriment des réserves et des critiques sur la gestion des nouvelles autorités sont « lynchés » sur les réseaux sociaux. Cette posture démontre une certaine volonté de refuser le débat. Or, souligne-t-il, « nous sommes dans une société démocratique, ça va être très compliqué de faire taire les gens ».

ON-IB/md/ts

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