Les 12 oeuvres de Diane

« Je me sens comme Astérix et Obélix qui, dans Les 12 œuvres, doivent affronter le système administratif qui les rend complètement fous. »


Publié à 1h23

Mis à jour à 5h00

C’est ainsi que Diane Thibaudeau, une Québécoise bloquée en Haïti avec son enfant adopté, résume son dédale d’être rapatriée en urgence au Canada alors qu’elle sent que leurs vies sont en danger.

En général, Les 12 travaux d’Astérix, ce n’est pas l’exception, mais la règle dans les affaires d’immigration. Ce qui est moins courant, c’est que ces travaux durent plus de 12 ans. C’est pourtant dans cette situation inhumaine que se trouve cette travailleuse humanitaire de 67 ans, habitant près de Jacmel, qui tente en vain d’obtenir de l’aide d’Ottawa pour rentrer au plus vite au Québec avec son fils.

type="image/webp"> type="image/jpeg">>>

INFOGRAPHIES LA PRESSE

Mercredi soir, un peu plus de 48 heures après avoir demandé à Affaires mondiales Canada et à Immigration Canada ce qu’ils comptaient faire pour aider cette mère et son fils, Diane a reçu un appel d’un agent d’Affaires mondiales Canada l’informant qu’elle seule se voyait proposer une aide assistée. départ de Port-au-Prince le 26 avril.

La fin des 12 œuvres ? Pas vraiment. Car en plus de l’obliger à laisser son fils seul dans un pays en crise, ce départ assisté avait plutôt des allures de suicide assisté.

Si je quitte Jacmel par voie terrestre, je serai assassiné quinze fois et kidnappé dix fois !

Diane Thibaudeau, jointe par WhatsApp

Elle ne dort pas depuis des jours, désespérée de constater que ses nombreux appels à l’aide à Ottawa et à son député n’ont pas réussi à la soulager de son désarroi.

Diane n’exagère pas, confirme son amie Lucille Lemire, coordonnatrice bénévole de la sécurité à l’ambassade du Canada en Haïti, qui a vécu à Jacmel jusqu’au 5 avril et qui est récemment revenue à Ottawa. Elle s’est retrouvée dans la même situation intenable que Diane après qu’Ottawa lui ait proposé un départ assisté de Port-au-Prince, ce qu’elle a dû refuser. S’il n’est pas possible de sortir de Jacmel par avion et que la route menant à la capitale est prise d’assaut par des bandits et des bandes armées, rejoindre Port-au-Prince par voie terrestre est une « mission suicide », dit-elle. Pour quitter le pays, elle a dû faire son propre chemin pour prendre un bateau jusqu’à l’extrémité sud de la frontière avec la République dominicaine, puis s’envoler pour Saint-Domingue.

type="image/webp"> type="image/jpeg">>>

PHOTO FOURNIE PAR LUCILLE LEMIRE

Diane Thibaudeau, son fils Raphaël et Lucille Lemire, qui ont quitté Jacmel le 5 avril 2024.

Officiellement, Affaires mondiales Canada affirme travailler « sans relâche » et « offrir son soutien aux familles et aux proches des Canadiens » restés en Haïti. En effet, ceux qui sont dans la même situation que Diane, soit parce qu’ils habitent loin de Port-au-Prince, parce qu’ils n’ont pas les moyens de louer un bateau ou parce que leurs enfants n’ont pas les papiers nécessaires pour passer la frontière, se retrouvent bloqués. .

« Je trouve ça abominable ! », tonne Lucille Lemire, qui vient de lancer une campagne de financement participatif GoFundMe pour aider Diane Thibaudeau, qui vit dans une extrême précarité, à obtenir un visa pour son fils et à payer ses frais de rapatriement.

En avril 2012, je racontais l’histoire de Diane qui tentait déjà de rentrer au pays avec son enfant.1.

C’est l’histoire d’un humanitaire atypique, psychologue de formation, qui s’est installé dans une petite cabane en Haïti il ​​y a près de 30 ans afin d’y venir en aide aux plus démunis.

Il y a 17 ans, une mère haïtienne nommée Rosaire a frappé à sa porte. Elle venait de donner naissance prématurément à son sixième enfant. Il avait 3 jours. Il pesait à peine 1 kg. Son premier enfant est décédé avant l’âge d’un an. Les trois suivants avaient été placés. La cinquième est décédée à l’âge de 3 ans. Elle a supplié Diane d’adopter son nouveau-né.

Si tu ne le prends pas, Diane, il mourra. Gardez-le pour moi.

Rosaire, mère biologique du fils adoptif de Diane Thibaudeau

Au début, Diane ne voulait rien savoir, elle pensait déjà revenir au Québec à cause de problèmes de santé. Mais lorsqu’elle a tenu ce bébé fragile dans ses bras, son cœur a fondu. Elle, qui est très religieuse, a eu l’impression que cet enfant lui tombait du ciel. Elle n’avait d’autre choix que de l’aimer, de l’élever.

“Va avec lui. C’est votre fils», lui dit Rosaire, qui consent à ce que le nom de Diane apparaisse sur l’acte de naissance et qu’elle choisisse le prénom de l’enfant : Raphaël Emmanuel Thibaudeau.

type="image/webp"> type="image/jpeg">>>

PHOTO CHANTAL GUY, ARCHIVES SPÉCIALES COLLABORATION

Diane Thibaudeau et son fils, Raphaël Emmanuel Thibaudeau, en 2012

Jointe par téléphone en avril 2012, alors que j’écrivais une première chronique sur cette histoire, la mère biologique m’avait répété la même chose. « C’est le fils de Diane. »

À l’époque, Diane souhaitait revenir au Canada avec Raphaël, qui n’avait que 6 ans. Mais pour y arriver, il lui a fallu sortir d’un double labyrinthe bureaucratique. Premièrement, adopter officiellement Raphaël selon les lois haïtiennes. Ensuite, affrontez la bureaucratie canadienne.

Il arrive que la médiatisation d’un récit kafkaïen d’immigration – pardonnez le pléonasme – contribue à débloquer d’un coup un dossier.

Il arrive aussi que ce ne soit pas suffisant.

Le cas de Diane entre malheureusement dans cette deuxième catégorie. Suite à la publication de la chronique, de généreux lecteurs, comme beaucoup d’entre moi, se sont mobilisés pour soutenir la mère et faire en sorte que son fils ne manque de rien pendant plusieurs années. Diane leur en est éternellement reconnaissante.

Du bon côté, tout allait bien. Du côté de la bureaucratie, la situation a empiré. Même en dépensant de grosses sommes d’argent en frais juridiques, Diane n’a jamais réussi à adopter officiellement Raphaël ni à obtenir pour lui la citoyenneté canadienne.

Comme elle a plus de 50 ans et vit avec presque rien, elle s’est vu refuser l’adoption légale d’un enfant qu’elle a pourtant sauvé et aimé comme s’il était chair de sa chair.

«Je n’ai pas d’autre famille», m’a dit Raphaël, qui a maintenant 17 ans et espère de tout cœur mettre ses espoirs au Québec auprès de sa mère.

Après avoir eu toutes les peines du monde à envoyer à Immigration Canada une demande de citoyenneté canadienne pour son fils à partir de son téléphone (qu’elle devait recharger chez un voisin), comme on lui avait initialement recommandé, Diane s’est fait dire que ce n’était pas le cas. le bon document. Au lieu de cela, il a dû demander un visa de séjour temporaire pour Raphaël. Alors que son quotidien est un combat – elle vit sans eau courante ni électricité et peine à trouver de la nourriture au marché noir alors que les prix des denrées alimentaires montent en flèche – elle se sent comme Astérix à la recherche du pass A. 38.

« Le gouvernement canadien ne peut pas dire à une femme : laissez votre enfant derrière vous. C’est inacceptable ! » a déclaré Lucille Lemire.

Au lieu de lui mettre des obstacles, le Canada devrait reconnaître l’immense dévouement de Diane, ajoute son amie Dominique Favreau, qui promet d’être là pour prendre soin d’elle à son arrivée au Québec.

« Diane s’est sacrifiée pour aider un petit enfant haïtien qui serait mort sans elle. […] Elle était également là lors du tremblement de terre et le rapatriement des Canadiens lui a manqué car elle s’est impliquée pour aider sa communauté, sauvant les gens dans les décombres… »

Alors que sa propre vie s’effondre dans un pays ravagé par la violence, le moins que nous puissions faire est de l’aider à rentrer chez elle auprès de son fils.

1. Lisez la chronique « Jamais sans votre fils »

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV embarquez pour une « croisière JO » entre Paris et Seine-Saint-Denis
NEXT Européennes : Bardella lance le compte à rebours vers une victoire annoncée à Perpignan : Actualités