Faut-il réformer la protection de l’enfance ?

Faut-il réformer la protection de l’enfance ?
Faut-il réformer la protection de l’enfance ?

La cellule d’enquête de Radio France révèle dans une enquête édifiante que des enfants ont été placés par l’Aide à l’enfance du Nord dans des familles sans accord et y ont été victimes de violences et de maltraitances. Dix-neuf personnes seront jugées à partir du 14 octobre 2024. Ni le département ni l’ASE ne sont tenus à comparaître, mais des questions se posent quant à leur rôle dans cette affaire.

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L’avocat de Matthias, un jeune homme aujourd’hui âgé de 22 ans, avoue ne pas bien comprendre pourquoi le ministère et l’Aide à l’enfance du Nord ne sont pas convoqués devant le tribunal : « Qu’ont-ils fait ? Rien. Sauf remettre les enfants ou se débarrasser des enfants ! Ils n’ont pas vérifié le permis, ni même le casier judiciaire – puisque les familles d’accueil n’avaient pas légalement le droit d’accueillir des enfants –, ils ne s’inquiétaient pas non plus des conditions dans lesquelles les enfants étaient accueillis, et ils ne les croyaient pas. lorsqu’ils ont signalé les violences qu’ils ont subies en fin de séjour ! ».

Qu’ont-ils fait ? Rien. Sauf à confier les enfants ou à se débarrasser des enfants !

Jean Sannier, civil party lawyer

Il continue son énumération : “JEIls n’ont pas contacté l’ASE de l’Indre qui aurait immédiatement fait savoir que ces familles ne pouvaient pas accueillir ces enfants, ni vérifié les informations complémentaires. En réalité, vous avez dans ce dossier de sous-traitance, nous accueillons de plus en plus d’enfants confiés à d’autres familles. Vous avez alors des flux financiers qui n’ont jamais été contrôlés, ils n’ont jamais été déclarés.»

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Jean Sannier, avocat des victimes placées par l’ASE du Nord.

© FTV

Dans son enquête pour Radio France, la journaliste indépendante Romane Brisard révèle un système d’expatriation d’enfants placés dans le Nord vers une association basée en Indre, Haute-Vienne et Creuse.

Premier dysfonctionnement, l’un des deux fondateurs de cette association a été condamné pour viol et agression sexuelle. Il ne pouvait donc pas recevoir d’enfants. Ensuite, les enfants pris en charge seront maltraités et violés. Enfin, malgré les informations signalées, l’ASE du Nord a continué à envoyer des mineurs dans ces « familles d’accueil illégales » pendant 7 ans, entre 2010 et 2017.

Romane Brisard explique : « Ces signalements faits par des éducateurs de terrain concernant les violences subies par les enfants, signalés à la hiérarchie de la Protection de l’Enfance, auraient dû, évidemment, provoquer des changements dans l’accueil de ces jeunes. La direction doit vérifier les conditions d’accueil de ces enfants et au préalable les agréments de ces familles d’accueil. Tout cela sous le contrôle et la responsabilité de la présidence du conseil départemental.

Pour l’avocat Jean Sannier, il y avait une réelle envie de ne pas savoir : “Il y a eu des rapports, mais sans suite. Nous ne voulions pas en savoir plus, nous ne voulions pas savoir que ces enfants vivaient dans des conditions indignes, l’hiver dans une caravane sans eau, sans électricité, sans accès aux toilettes, autrement qu’avec un seau. Nous les avons reçus à coups de poing, de pied, de fouet, de taser et puis comme si cela ne suffisait pas, nous avons mis la tête d’un de ces enfants dans la cuvette des toilettes et nous lui avons interdit de se laver ensuite. . Le harcèlement est digne d’un roman de Zola. C’est inimaginable les violences qu’il a pu y avoir, et la volonté de l’ASE du Nord de ne pas en savoir plus. C’est une envie qui dure depuis 7 ans.

Romane Brisard s’étonne également de l’absence au procès des responsables du placement d’enfants du Nord : “Ce qui m’a amené à autant creuser cette affaire et ce qui m’a autant impliqué dans cette enquête, c’est surtout de découvrir que, même s’il y a 19 membres de ces familles d’accueil illégales appelés à la barre, aucun nom, aucun gérant, aucun membre de la chaîne dirigeante, de la hiérarchie de la Protection de l’Enfance est appelée à la barre. Ce qui paraît fou, compte tenu des échecs de l’ASE durant toutes ces années.»

Aucun nom, aucun responsable, aucun membre de la chaîne managériale, de la hiérarchie de la Protection de l’Enfance n’est appelé à la barre. Ce qui paraît fou, compte tenu des échecs de l’ASE durant toutes ces années.»

Romane Brisard, journaliste indépendante




durée de la vidéo : 00h00mn54s

Romane Brisard a mené l’enquête sur le placement d’enfants du Nord dans des familles maltraitantes en Indre, Creuse et Haute-Vienne.


©FTV

« La loi offre un arsenal suffisant pour poursuivre les présidents de département lorsqu’ils sont responsables d’une « perte de chance » pour les enfants. C’est au procureur de la République de faire son travail ! le lâche Lyes Louffok, ancien enfant adoptif, militant des droits de l’enfant.

Intégrale des romans de Brisard : « En enquêtant, j’ai retrouvé plusieurs signalements qui avaient été transmis à ces membres de la hiérarchie de l’ASE du Nord sans que cela déclenche une enquête interne, sans que ces enfants soient retirés à ces familles. “accueillir. J’ai trouvé cela insupportable et c’est aussi pour cela que j’ai voulu révéler cette affaire.

Selon le journaliste, même les éducateurs qui travaillaient à l’époque à l’ASE ne comprennent pas que leur direction n’est pas sur le banc des accusés. Ils étaient chargés d’emmener les enfants dans ces familles d’accueil, sur instructions de leurs supérieurs. Malgré les signalements reçus par leur direction, ils n’en ont jamais eu connaissance : “Il y a une énorme forme de culpabilité chez ces éducateurs qui se sont sentis anéantis par l’annonce de cette affaire, se disaient-ils : “Nous avons emmené ces enfants dans la tanière du loup « . Cela impacte ces professionnels, (…) ils ont le sentiment d’avoir emmené ces enfants à l’abattoir sans le savoir et ont un vrai sentiment de trahison de la part de leurs supérieurs.”

Elle conclut : « C’est grâce à l’implication du personnel hospitalier que nous avons réussi à retirer ces enfants de ces familles. Les signalements des éducateurs n’ont pas eu les mêmes répercussions.»

Lyes Louffok, à ce sujet, se dit « surpris par l’ampleur du nombre de familles impliquées mais pas sur le fond. Il y a beaucoup de scandales ! commente-t-il. Il continue : « Comment cela a-t-il pu passer inaperçu pendant si longtemps ? La situation devait être connue de l’ASE mais n’a pas provoqué de réaction. C’est de la négligence, c’est difficile à expliquer.

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Dessins d’enfants placés à l’ASE.

© FTV

Le ministère est défaillant, c’est la phrase que j’ai entendue tout au long de l’enquête de la part des travailleurs sociaux ou des militants de la protection de l’enfance», précise Romane Brisard avant de poursuivre : « CCertains réclament la recentralisation du système de protection de l’enfance, décentralisé dans les années 1980. Pourquoi? Aujourd’hui, ils considèrent que le département ne remplit pas son rôle, parfois parce qu’il n’est pas la priorité des politiques locales, parfois parce que l’État n’investit pas suffisamment pour la protection de l’enfance. Nous avons encore plus de 300 millions d’économies qui ont été réalisées sur le budget solidarité et handicap. Et surtout l’ASE est le dernier maillon de la chaîne de protection de l’enfance après l’éducation, la santé, la justice.

C’est une voix de plus en plus entendue. Les différences entre les départements sont flagrantes. Celui du Nord compte le plus d’enfants pris en charge : 12 000.

Lyes Louffok se dit extrêmement surpris par le fait que les présidents successifs du Conseil départemental du Nord ne soient pas entendus par la justice. Il explique : « La loi est très claire, les présidents des départements ont une responsabilité individuelle pénale et civile. Qu’ils fassent attention, un jour il faudra que la justice les entende !

Sur la recentralisation, il affirme la réclamer depuis dix ans au motif que “Au cours des 40 dernières années, les présidents de département ont largement démontré leur incompétence.” Il s’énerve : “Les drames, les enquêtes journalistiques se succèdent et rien ne change.” Pour lui, la recentralisation de la gestion de la protection de l’enfance est un préalable à toute réforme systémique. Il rappelle que « dDifférents rapports de la Cour des comptes et du Défenseur des droits montrent que ce système est inefficace. Nous avons besoin d’une politique globale et interministérielle.

« Confier cette politique publique aux élus est un choix questionnant. Cette mission de remplacement parental n’est pas naturelle pour un élu, la décentralisation a créé beaucoup d’inégalités, les présidents ne font pas campagne sur la protection de « l’enfance, même si c’est un gros budget ».

Les 19 prévenus de ce procès sont appelés à comparaître à partir du 14 octobre 2024 au tribunal d’instance de Châteauroux.

 
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