Décès du photojournaliste Yan Morvan — Blind Magazine

Yan Morvan a tout vu, tout capturé, aux quatre coins du monde. Pendant plus de quarante ans, il a photographié les guerres, les gangs et même les rencontres érotico-pornographiques. « Je suis curieuse, curieuse de tout. Tout m’intéresse. »il a dit Aveugle en 2021. Le photographe, qui avait autant de curiosité que d’humour, est décédé le vendredi 20 septembre 2024.

Liban 1982 © Archives Yan Morvan

Yan Morvan a commencé par les rebelles, les types en cuir, les voyous d’hier, les « vestes noires » qui ont fini dans sa première monographie intitulée Cuir et combat publié en 1977 et qui est aujourd’hui introuvable. Morvan étudie les mathématiques mais sa vie est toute tracée. Il est photographe, il sera photographe. Il travaille pour Paris Matchil fait des trucs de célébrités, il trouve des scoops, « une époque où il fallait y aller si on était photographe ».

LE Le Figaro Magazine L’envoie au Larzac où un bras de fer a lieu entre les paysans et le gouvernement français au sujet d’un projet d’extension d’un camp militaire. Morvan s’y rend à deux reprises, une fois pour photographier les paysans, une seconde fois pour accompagner leur marche historique du Larzac à Paris. Il écrira : « J’ai accompagné la marche sur quelques kilomètres. Je comprends maintenant que ce sont eux qui ont représenté la marche du « vrai progrès » ».

De cette histoire, Morvan a publié un livre en 2021, intitulé Larzac. La première ZAD publié par La Manufacture des livres et dont l’introduction a été écrite par José Bové (que l’on voit sur un tracteur sur les images) bien que Morvan ne soit pas un idéologue. Quelques semaines plus tôt, il avait publié un livre, 1981, publié chez Edisens, sur les années Mitterrand, où l’on retrouve des textes de Jack Lang, Jean Auroux et Edith Cresson.

José Bové Larzac © Yan Morvan Book Factory
Légende
Larzac © Manufacture du Livre Yan Morvan

Jeune, il était « crypto-situationniste » et puis les années ont passé. Il n’était plus ni de gauche ni de droite, juste un photographe qui aimait photographier les femmes et les hommes. Les histoires. Ces histoires l’ont conduit à traverser le globe et à rencontrer des féticheurs, des lépreux, des pèlerins. Il a aussi traversé la : des Digues de Nice, ces bidonvilles qu’on nous montre rarement où stationnaient les travailleurs immigrés d’Afrique, aux squats de Paris et au mouvement punk avec ses soirées au club Le Palace.

Mais ce sont les guerres qui vont occuper une grande partie de sa carrière. « Je voulais être au cœur de l’histoire. » L’Irlande du Nord, l’Ouganda, le Mozambique, le Rwanda, l’Afghanistan, le Cambodge, l’Iran-Irak et la guerre du Liban, qu’il a photographiés pendant quatre ans, dont il a tiré un livre émouvant, Liban, Chroniques de guerre 1982-1985. Tellement bouleversant que les gens qui ont vécu cette guerre ont du mal à tourner les pages. « J’ai photographié les milices de tous bords : les phalangistes, les Palestiniens, les Druzes… »

Il va poser une caméra sur la ligne de démarcation qui sépare chrétiens et musulmans à Beyrouth. Il va faire des portraits des habitants, des familles, des enfants. Leur désespoir. Leur fierté. Au Liban, Morvan a failli mourir. Une fois. Deux fois. Au Liban, Morvan a tout vécu. Il a même dit : « J’ai même sauvé Yasser Arafat une fois ! »

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Larzac © Yan Morvan, La Fabrique du Livre
Squat Didot © Archives Yan Morvan
Série « La Ligne Verte », Hossein et sa famille, Beyrouth 1985 ©Yan Morvan avec l’aimable autorisation de la galerie Sit Down

C’est en 1999, pendant la guerre du Kosovo, qu’il réalise que le monde n’a plus besoin de lui comme photojournaliste : « Je raconte toujours la même histoire mais il y avait plus de 150 photographes entassés autour d’une scène, j’en ai eu marre. » Morvan abandonne, mais pas vraiment. Il décide de parcourir à nouveau le monde pour photographier les champs de bataille, les sites de bataille dans un projet au long cours qui se terminera « dans un ouvrage de douze kilos. » Documentez, puis racontez.

De photojournaliste, il était devenu « auteur-photographe », car Yan Morvan s’adaptait, il s’adaptait à la société qui changeait. La société d’aujourd’hui ? Elle le fascinait tout autant. A l’écouter raconter son histoire et raconter au monde, on se prenait à croire que l’homme avait encore vingt ans, et la même passion, la même fougue qu’un jeune photographe qui ne ferait que débuter. C’est ce qui rend son travail fascinant.

« Je rêve de retourner au Liban pour photographier les gens aujourd’hui, d’aller à Kaboul chez les talibans que je connais bien »il a dit Aveugle. Il était plutôt allé dans les villes de Marseille pour photographier les gangs de la ville. Avec Yan Morvan, il n’y avait pas de mieux avant. Le monde changeait et lui avec. En 2021, nous écrivions : « Tant qu’il vivra, il le photographiera. Et il l’aimera. »

Les Archives Yan Morvan se trouvent ici.

Larzac 1979Yan Morvan, La Fabrique du Livre.

Légende
Série Bobby Sands, Belfast 1981 © Yan Morvan avec l’aimable autorisation de la galerie SIT DOWN
Digue française © Archives Yan Morvan
Série « Les années de fer », Mods à Londres, No Photo, 1979 © Yan Morcan avec l’aimable autorisation de Sit Down Gallery
Filles fétichistes USA © Archives Yan Morvan
 
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