La Vallée d'Aspe est sous le choc au lendemain d'une inondation catastrophique

La Vallée d'Aspe est sous le choc au lendemain d'une inondation catastrophique
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jeIl n'y a pas âme qui vive. Hormis le grondement terrifié du gave d'Aspe qui a regagné son lit en contrebas, la haute vallée d'Aspe est silencieuse, comme groggy au lever du jour ce dimanche. La silhouette d'un piéton apparaît dans la grisaille à deux cents mètres du barrage qui interdit l'accès à l'effondrement de la RN 134 au-dessus d'Urdos, à quelques kilomètres du tunnel du Somport vers l'Espagne.

L'homme s'appelle Jimmy Doré, il est cantonnier à Borce, l'une des communes de la vallée. Il franchit le ruban de balisage et s'approche du vide. La route a été découpée au cutter sur une cinquantaine de mètres et a basculé dans un trou béant, creusé par la crue qui a érodé le talus. « Il faut absolument que je traverse. Ma mère est à la maison, de l'autre côté. Je n'ai plus de nouvelles d'elle depuis hier matin. Le téléphone ne marche plus », soupire-t-il. Impossible de glisser sur le côté, tout a disparu. Jimmy Doré choisit de grimper la pente boisée, bien au-dessus de la route. La tache bleue de ses vêtements se fond dans le feuillage des chênes et des hêtres qui se referme sur lui.

« Quand j’ai entendu les impacts sur le toit et les gouttières, j’ai su que quelque chose d’inhabituel se produisait. »

Un paysage de tremblement de terre

À peine vingt-quatre heures après la crue du gave d'Aspe et de ses affluents, le choc est toujours présent face à l'ampleur des dégâts résultant du cauchemar survenu dans la nuit de vendredi à samedi. Il a été provoqué par une lame d'eau exceptionnelle. Selon la direction interrégionale de Météo-France à Bordeaux-Mérignac, 207 millimètres d'eau sont tombés en l'espace de vingt-quatre heures aux Forges d'Abel, un quartier des communes de Borce et d'Urdos en contrebas du col du Somport. « Cela fait presque deux mois de précipitations », précise l'établissement public. Plus de 167 mm ont été enregistrés à Urdos, un peu plus bas. Et « seulement » 52 mm à Accous, en aval, signe que le phénomène s'est concentré autour des crêtes. « Quand j'ai entendu les impacts sur la toiture et les gouttières, j'ai compris qu'il se passait quelque chose d'inhabituel », raconte Bernard Sayerse, un habitant de la commune de Borce.


Une voiture, son intérieur comprimé par la force de l'eau et le déluge de blocs de pierre.

David Le Deodic / SO

Les pluies torrentielles ont fait sortir tous les torrents de leur lit. L’eau et les débris ont gratté le sol comme un chalut, ils ont mitraillé de blocs et de pierres les obstacles sur leur passage – ponts, maisons et routes. Dans les quartiers bas de Borce, sur la rive gauche du gave en face d’Urdos, une nouvelle rivière a jailli d’une brèche et a coupé le paysage en deux. Tel un tremblement de terre, elle a rongé la route d’accès aux hameaux d’Aubise, Bérat-du-Haut et Bérat-du-Bas, avalé le bitume et l’a recraché sous forme de tôles bosselées, infranchissables, jonchées de troncs d’arbres et de pierres.

Ces hameaux sont coupés du monde. Neuf sinistrés ont été évacués par hélicoptère. « Cinq personnes ont déjà été relogées, une vingtaine d'autres sont en attente de relogement », a indiqué Marion Aoustin-Roth, la sous-préfète d'Oloron-Sainte-Marie, lors d'un point de presse à Etsaut à la mi-journée.


Des rotations d'hélicoptères se sont succédées dimanche dans la haute vallée pour transporter du matériel et secourir des personnes isolées.

David Le Deodic / SO

Noyé sous l'eau et les débris

Les alentours de cette partie de Borce rappellent les images de la vallée alpine de la Roya, torturée par une crue extrême en octobre 2020. C'est un miracle que personne ne soit mort ici. Tout a bougé, tout a été emporté. Des repères familiers ont disparu. La propriété occupée par Sébastien Aubre et Sidonie Raynaud était bordée de deux pâturages. Ils affichent désormais le visage d'un chaos rocheux, sillonné de veines d'eau – vestiges de la vague venue du ruisseau du Bernalet, à bonne distance, qui a subitement inondé les lieux à 4 h 30 du matin samedi. La maison du couple a été envahie par la boue. Légèrement en contrebas, le bâtiment qui abrite les installations de leur brasserie a été noyé sous 1,50 mètre de terre et de rochers.


Un travail de titan attend Sébastien Aubre pour la restauration de la Brasserie des Airs à Borce.

David Le Deodic / SO

« On avait trois palettes de bouteilles vides devant la maison. C’est le bruit, le « cling ! cling ! » des bouteilles qui nous a réveillés. Absolument tout est perdu. Les 4 000 étiquettes qu’on avait commandées, un mois de production… Il y avait au moins 20 000 euros de matériaux. Et on avait passé six mois à restaurer cette vieille grange qui devait tenir debout depuis au moins deux cents ans. On a commencé le 15 juin », raconte Sébastien Aubre, entouré d’amis qui se dépêchent de sauver ce qui peut l’être.

La Brasserie des Airs vend ses produits dans la vallée. L'établissement devra compter sur une assurance pour repartir. Mais les propriétaires des lieux s'interrogent. Comment boucher ce chemin d'eau qui s'invite désormais chez eux ? Qui s'en chargera ?

Un axe routier majeur

Pour la RN 134, on sait au moins à qui s’adresser. L’État a la mainmise totale sur l’infrastructure, gérée par la Dira, la Direction interdépartementale des routes de l’Atlantique. Ce dimanche, Marion Aoustin-Roth a évoqué une interruption de trafic durant « plusieurs semaines ». Si l’on devait remplacer « semaines » par « mois », cela ne surprendrait personne sur le terrain. « Il faudra d’abord établir un diagnostic. Quel est l’état exact de la route, à quel point est-elle résistante, quels travaux de sécurité doivent être mis en œuvre », énumère la sous-préfète.


La RN 134 fermée au dessus d'Urdos ce dimanche matin.

Jean-Denis Renard/Sud-Ouest

Objet de batailles homériques entre les pros et les antis, le tunnel du Somport, en service depuis 2003, a fait de cette route nationale un axe transfrontalier majeur. A Sarrance, en aval, plus de 3 300 véhicules y sont passés chaque jour en moyenne l'an dernier, dont 15 % de poids lourds. Beaucoup d'entre eux sont des semi-remorques espagnoles, qui évitent les péages de l'autoroute du littoral. A Oloron, on compte 10 600 véhicules par jour en moyenne sur la RN 134, dont 6,5 % de poids lourds, dilués dans le trafic local.

Ce n’est pas la première fois que la montagne bloque le bitume. En janvier 2008, un gigantesque glissement de terrain avait interrompu la circulation en aval d’Etsaut. L’intermède avait duré une dizaine de jours. Aujourd’hui, c’est une toute autre histoire. Ancien guide de haute montagne installé à Bedous, Christian hausse les épaules : « Au moins, on n’aura plus tous ces poids lourds, on en a marre », dit-il. Pas sûr qu’on partage ce point de vue à l’Hôtel des voyageurs d’Urdos. « On travaille avec des Français qui vont en Espagne et avec des touristes espagnols. Notre chiffre d’affaires va en prendre un sacré coup. »

 
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