« Les conditions climatiques des douze derniers mois en Belgique ont été sans précédent. Cela ne s’était jamais produit auparavant »

« Les conditions climatiques des douze derniers mois en Belgique ont été sans précédent. Cela ne s’était jamais produit auparavant »
« Les conditions climatiques des douze derniers mois en Belgique ont été sans précédent. Cela ne s’était jamais produit auparavant »

Comment expliquer les températures au-delà des 20 degrés que nous connaissons actuellement ?

Elles sont légèrement au-dessus des normales saisonnières, qui sont de 19 degrés pour la mi-septembre. Un anticyclone assez puissant, qui s’étend de la Russie aux îles britanniques, apporte ce temps doux et ensoleillé au moins jusqu’à ce samedi. Après cela, il faut s’attendre à une dégradation assez importante des conditions automnales.

À quel genre de chute peut-on s’attendre ?

Les prévisions saisonnières sont toujours délicates à annoncer. Selon la moyenne des scénarios proposés, après la période pluvieuse que nous allons connaître dans les prochains jours, nous pourrions rencontrer des conditions plus stables, plus anticycloniques à partir de la mi-octobre. Il s’agirait d’une pause après douze mois marqués par des précipitations supérieures à la moyenne à la station de référence d’Uccle. Cela ne s’est jamais produit auparavant, c’est complètement inédit. La précédente séquence la plus longue était de huit mois et remontait à 1905.

Comment expliquer cette longue séquence pluvieuse en Belgique ?

Les causes sont multiples. L’automne 2023 a été marqué par un flux océanique bien établi qui nous a apporté une succession de dépressions très pluvieuses. Ensuite, nous avons connu un hiver très doux mais avec une influence océanique maritime persistante. Puis le printemps a été marqué par des descentes de gouttes froides, avec des précipitations localement très abondantes. Nous avons plutôt été confrontés à des conflits de masses d’air.

UN courant froid La Niña Selon l’Organisation météorologique mondiale, des pluies torrentielles pourraient être observées d’ici la fin de l’année. Quel impact cela aura-t-il sur notre climat ?

Cet impact doit être nuancé. Les conséquences pour les pays d’Europe occidentale sont vraiment marginales.

Et ailleurs dans le monde, faut-il se préparer à un hiver très froid ?

Il s’agit d’une anomalie de surface des températures de l’océan Pacifique qui amène de l’air très froid. Cela va provoquer des zones pluvieuses, et d’autres plus arides. Seront particulièrement touchés : les États-Unis, le Canada, l’Amérique latine, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, l’Indonésie, l’Afrique de l’Est, etc. En général, les années marquées par La Niña sont plus fraîches. Mais le réchauffement climatique est si puissant que La Niña ne parvient que très peu à modérer la hausse des températures.

« En tant que météorologue, je suis évidemment préoccupé. Nous devons prendre conscience de ce qui se passe. »

UN phénomène de goutte froide a abouti à Des inondations impressionnantes en Europe centrale la semaine dernière. Qu’est-ce que c’est exactement ?

On a eu un cas exceptionnel, la situation était vraiment extrême. Pour faire simple, une descente d’air polaire très puissante s’est retrouvée coincée entre deux zones de hautes pressions, venues de et de Russie, qui se sont refermées autour d’elle. Cela a alors formé une « goutte froide », à 5000 mètres d’altitude, qui a tourné en rond comme une toupie au-dessus de l’Europe centrale et a produit des quantités de précipitations très importantes. De vendredi dernier à dimanche, on a vu des cumuls historiques de précipitations. En Autriche, localement, ils ont eu en cinq jours la moitié de la quantité de pluie qui tombe sur Bruxelles en un an. Imaginez aussi qu’au même moment en Hongrie, il faisait 7 degrés à un endroit et presque 30 degrés à un autre.

Pourquoi tant de précipitations en si peu de temps ?

Il y a deux hypothèses, qui devront être confirmées dans le futur. A priori, c’est le fait, d’une part, des températures très élevées à l’échelle européenne. L’atmosphère plus chaude peut contenir plus de vapeur d’eau. 1°C de plus, c’est 7% d’humidité en plus. Et, d’autre part, ces températures très élevées qui ont touché la mer Adriatique, la Méditerranée, mais aussi la mer Noire ont fourni encore plus de vapeur d’eau et, en quelque sorte, plus de carburant à ce système dépressionnaire. C’est ce cocktail qui peut expliquer les quantités phénoménales de précipitations dans certaines régions, comme la République tchèque, la Slovaquie, l’Autriche ou la Pologne. Ce ne sont pas les inondations les plus meurtrières que ces pays aient connues, mais l’intensité des pluies et la zone géographique couverte sont quasiment sans précédent.

La Belgique pourrait-elle aussi supportent le poids de ce phénomène de goutte froide ?

Pour l’heure, que les lecteurs se rassurent : il n’y a aucun risque de connaître une goutte froide comme celle de 2021 dans notre pays. À l’heure actuelle, c’est plutôt l’Italie qui est touchée par la poursuite du phénomène de dépression baptisé Boris. Des pluies très intenses sont observées dans certaines régions depuis plusieurs jours. On commence à avoir des cumuls très importants. Cela s’explique encore par l’Adriatique qui est très chaude et par la barrière naturelle que constitue le relief des Apennins. D’autant que cette région avait déjà été touchée par des inondations catastrophiques il y a à peine deux ans. On voit donc que le délai est très proche.

L’Italie est actuellement touchée par de graves inondations. ©AFP ou concédants de licence

Doit-on vraiment s’attendre à ce que ce genre de phénomène devienne de plus en plus fréquent en général ?

C’est la grande question. On ne peut pas forcément dire que les gouttes froides seront plus nombreuses à l’avenir. Mais, dans un climat plus chaud, ce genre de configuration risque d’entraîner des extrêmes kilométriques plus importants. C’est une vraie Source d’inquiétude. Les gouttes froides ne vont certainement pas disparaître et leur intensité risque d’être plus importante que par le passé.

Sommes-nous suffisamment préparés ? pour faire face à ces phénomènes extrêmes qui semblent se multiplier ?

Nous avons beaucoup appris des inondations de 2021. Cette tragédie, qui n’était jamais arrivée depuis l’indépendance de la Belgique, avait pourtant été plus ou moins bien anticipée. Les modèles météo étaient plutôt bons à l’époque. Ils étaient capables de prévoir une situation pluviométrique importante trois ou quatre jours à l’avance. C’est plutôt dans toute la chaîne d’organisation des secours qu’il fallait améliorer les choses. Et elles le sont depuis. C’est ce qui a permis de mieux prendre en compte la situation aujourd’hui et de mener un travail de prévention dans les régions touchées par Boris. Les modèles de prévision voyaient parfaitement ce qui allait se passer.

Encore cet été, une partie de l’Europe Les températures sont très élevées dans ces régions. Est-ce qu’il deviendra de plus en plus difficile de vivre dans ces régions dans un avenir plus ou moins proche ?

C’est difficile à dire. Des scénarios catastrophes laissent entrevoir cette possibilité pour certaines zones du globe, mais hors d’Europe. L’évolution des températures, combinée à un indice d’humidité très élevé, pourrait rendre la situation quasiment intenable à la fin du XXIe siècle. Mais je ne pense pas que ce sera le cas pour des pays comme la Grèce ou l’Espagne. Même si nous risquons de rencontrer des situations de plus en plus problématiques à l’avenir. Cela s’explique par plusieurs facteurs. Tout d’abord, les sécheresses à répétition vont entraîner un appauvrissement des sols. Ensuite, les incendies de forêt vont finir par rendre les zones boisées de plus en plus infertiles. Je crains que certaines zones du continent européen deviennent de plus en plus arides. Les catastrophes majeures sont tellement fréquentes que la nature a de plus en plus de mal à faire preuve de résilience. C’est vraiment inquiétant. Enfin, il y aura le problème de l’accès à l’eau potable. Ce sont des questions qui vont rendre la vie de plus en plus compliquée dans la région méditerranéenne, mais pas impossible. Cela aura bien sûr un impact sur le tourisme.

 
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