Président Diomaye, la Casamance ne peut pas être un sujet tabou ! – .

Président Diomaye, la Casamance ne peut pas être un sujet tabou ! – .
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Impossible de trouver un mot dans la bouche de Bassirou Diomaye Diakhar Faye, évoquant le conflit irrédentiste en Casamance. Cette question ne semble pas intéresser le citoyen Bassirou Diomaye Faye. Nous pourrions lui accorder cela, à condition qu’il soit un homme politique sans stature nationale. Mais à partir du moment où il était candidat à l’élection présidentielle, il avait le devoir de faire part au peuple sénégalais de sa perception de cette situation et certainement d’indiquer des solutions pour sortir de la crise. Il s’est abstenu ou s’est interdit de faire la moindre proposition en ce sens, avant de bénéficier des voix de ses compatriotes. Son silence sur cette question, notamment pendant la campagne électorale, a pu laisser de nombreuses personnes méfiantes. Même aux étapes du Cap-Skiring, d’Oussouye, de Ziguinchor, de Bignona et des autres étapes majeures de son parcours électoral dans la région naturelle de Casamance, il n’a pas dit un mot sur le sujet.

Mieux encore, une fois investi de la fonction suprême, peut-il continuer à s’en désintéresser ? L’une de ses missions constitutionnelles fondamentales, pour laquelle il a prêté serment devant Dieu et le peuple sénégalais, est d’assurer l’intégrité territoriale du pays. Ce conflit constitue une épine aiguë dans le pied du Sénégal et tend à devenir le conflit armé le plus ancien au monde. La rébellion indépendantiste a causé de nombreux morts et des dégâts sociaux et économiques incommensurables. « On estime, au milieu des années 2010, que le conflit en Casamance aurait fait entre 3 000 et 5 000 morts, et des dizaines de milliers de déplacés. »

Ce silence devient alors d’autant plus intolérable que Bassirou Diomaye Faye est devenu président de la République du Sénégal. Il continue de cacher le sujet dans ses discours et ses sorties publiques. Ce silence assourdissant devient encore plus incompréhensible lorsque des factions du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) sortent du bois pour le défier directement. De nouvelles vidéos mettent en lumière les revendications exigeantes d’une aile de Mangoukoro, dirigée par Edmond Bora. Hamidou Djiba, porte-parole de cette faction, a occupé le devant de la scène avec une série de vidéos assez provocatrices. Il a ainsi affiché une levée de couleurs avec le drapeau de la Casamance le 4 avril 2024, jour de la fête de l’indépendance du Sénégal et aussi anniversaire de la naissance de l’abbé Augustin Diamacoune Senghor, leader historique du Mfdc. La levée des couleurs était la perpétuation du geste des hommes qui avaient envahi le tribunal de la Gouvernance de Ziguinchor, le 26 décembre 1982, pour démonter le drapeau du Sénégal du mât et le remplacer par le fanion du Mfdc. , le drapeau de la « Casamance Indépendante ».

Cette dernière provocation est-elle si embarrassante pour le nouveau pouvoir au Sénégal qui ne peut réagir autrement qu’en détournant le regard de tout cela, en fermant les yeux et en se bouchant les oreilles ? Hamidou Djiba finit par exiger une réponse du président Bassirou Diomaye Faye même si, affirme-t-il, « le Mfdc a participé à sa victoire ».

Qui mieux que le président Bassirou Diomaye Faye peut nous rassurer sur la Casamance ?

Le communiqué commun qui a sanctionné la visite, samedi 20 avril 2024, du chef de l’Etat sénégalais en Gambie, a ignoré le conflit casamançais. Jamais les chefs d’État du Sénégal et de la Gambie n’ont eu de discussions bilatérales sans évoquer ce sujet épineux et cela étant mis en avant dans leur communication extérieure ! On peut bien être habité par le désordre, dans un tel contexte. Même si le président Faye lui-même participe à entretenir la confusion. L’ambiguïté de sa déclaration du samedi 16 mars 2024, affirmant que « Ziguinchor aurait dû être la capitale économique et culturelle du Sénégal, en raison de ses nombreux potentiels agricoles, forestiers, touristiques et humains », nécessite des éclaircissements de sa part. Qui ne se souvient pas que Bassirou Diomaye Faye, numéro 2 du parti Pastef, s’était efforcé, lors de la campagne électorale pour les municipales de janvier 2022, de défendre bec et ongles l’idée d’Ousmane Sonko, candidat à la mairie de Ziguinchor, souhaitant instaurer une monnaie locale appelée « Burok » en Casamance. Dans un post publié sur sa page Facebook le 21 janvier 2022, le coordinateur des cadres du parti d’Ousmane Sonko affirme qu’une monnaie locale existait au Sénégal. Preuve à l’appui, Bassirou Diomaye Faye a joint un billet de banque à sa publication pour appuyer ses propos. «Il a été utilisé à Saly, à l’hôtel Palm Beach. Mon grand frère Guedj Sène m’en parlait lorsque des esprits d’une vacuité extrême, comme Moustapha Diakhaté, polluaient le débat avec leur bave de crapaud”, a-t-il déclaré. La monnaie de Palm Beach, poursuit-il, a été créée dans les années 84-86 par le directeur de l’hôtel du même nom, M. Pinelli. « Il a appliqué un taux de change de 2 % aux touristes. Ces derniers utilisaient la monnaie de Palm Beach pour payer les prestations d’hôtel, les excursions, les achats chez les antiquaires, etc. 1 Palm Beach = 1 franc, 1 Burok = 1 franc», a ajouté le candidat de la coalition Yewwi askan wi à Ndiaganiao.

On ajoute qu’il n’a jamais eu envie de se distancier de la moindre déclaration outrancière de ses camarades et alliés en Casamance. Comme par exemple lorsque Guy Marius Sagna prône « un référendum d’autodétermination pour la Casamance avec l’accord du Mfdc ». Comme tous les dirigeants du parti Pastef, Bassirou Diomaye Faye a gardé un silence embarrassant sur l’affaire de l’assassinat et de la prise d’otages par des rebelles menés par le chef de guerre Salif Sadio, de militaires sénégalais en mission internationale en Gambie. Par ailleurs, la moindre escarmouche entre le Mfdc et les militaires sénégalais ne laissera plus au « chef suprême des forces armées » le choix d’apporter un franc soutien aux troupes. Il devrait en être de même pour Ousmane Sonko, devenu premier ministre du Sénégal, même si ses liens étroits avec le Mfdc sont un secret de polichinelle. Barthélemy Dias, ancien allié d’Ousmane Sonko, qui a mis en lumière leurs frasques dans les fiefs du Mfdc, ne nous le reniera pas (voir aussi nos chroniques du 21 janvier 2022 et du 22 mai 2023).

Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall n’avaient aucune ambiguïté sur la question de la rébellion en Casamance

Le président Abdou Diouf a toujours considéré le conflit comme purement sécuritaire. Il s’est battu farouchement contre le Mfdc. Dans son discours d’investiture du 3 avril 2000, le président Wade a promis de résoudre le problème casamançais en 100 jours. « Dès mon arrivée, j’ai pris la décision de supprimer tous les intermédiaires. Il s’agit d’un problème national et j’interdis aux étrangers d’intervenir.

Chaque chose en son temps. Il faut d’abord sécuriser les frontières. Dans un deuxième temps, j’entamerai des discussions avec les chefs militaires de la rébellion», a déclaré M. Wade au stade Léopold Sédar Senghor, lors de sa prestation de serment. Comptant sur la force alors du Parti Démocratique Sénégalais (Pds) en Casamance avec Marcel Bassène, Famara Mané, Ibrahima Ama Diémé et d’autres, sur les liens tissés au cours d’une expérience commune de prison et lors de sa brève participation au processus de paix en 1991, Abdoulaye Wade a jugé que l’alternance devrait suffire pour la Casamance, à condition de rompre avec les méthodes de Diouf : « Nous avons beaucoup pataugé sur ce dossier. Un certain nombre d’intermédiaires, en fait bien payés, ont profité de la crédulité de mon prédécesseur, tout comme certains exploitent la pauvreté du tiers-monde.» Le président Wade a ainsi largement réduit les aides versées par l’État au Front Nord et à l’aile politique établie à Ziguinchor sous la « protection » sénégalaise, avant de poursuivre les mêmes pratiques. Il a mis fin au « processus de Banjul » et a cherché à éloigner la question de la scène publique.

Abdoulaye Wade choisira, de 2000 à 2011, de confier uniquement à des personnalités casamançaises le ministère des Armées (Youba Sambou, Abdoulaye Baldé, Bécaye Diop). De son côté, Macky Sall, le 3 avril 2012, a indiqué : « Le retour définitif de la paix dans la région naturelle de Casamance constitue pour moi une des premières priorités nationales. Bien entendu, j’aborde cette question douloureuse avec prudence et lucidité, dans un esprit d’écoute et d’ouverture.

La stratégie consistait à réaliser des investissements économiques et sociaux massifs dans la région, à lancer des travaux d’infrastructure et à faire pression pour les négociations. Le président Macky Sall s’est attaché à sceller le sort de son homologue Yahya Jammeh qui a refusé de reconnaître sa défaite électorale face à Adama Barrow et a exploité cette question du conflit casamançais pour conserver un avantage diplomatique sur le Sénégal. Le président Yahya Jammeh n’a jamais caché son soutien actif au Mfdc. Macky Sall a également travaillé main dans la main avec Umaru Sissaco Embalo, président de la Guinée-Bissau. On peut désormais considérer que la qualité des relations du tandem Diomaye-Sonko avec le président Embalo définira le climat à la frontière entre le Sénégal et la Guinée-Bissau.

Le Président Bassirou Diomaye Faye a continué, dans ses premières interventions, d’appeler à un Sénégal uni, avec une réconciliation de tous ses fils (discours à la Nation le 3 avril 2024 et allocution à la presse lors de la célébration de la Korité). Il ne prononce cependant pas le nom de la Casamance. Une fois de plus, elle a un rôle historique pour clarifier sa position sur cette question épineuse et pour contribuer au mieux à la consolidation de la paix. Quelle nouvelle initiative va-t-il prendre ? En tout cas, son Premier ministre Ousmane Sonko a toujours affirmé détenir la clé de la « solution » pour régler définitivement le conflit en Casamance. On attend de voir !

*Par Madiambal Diagne

 
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