Au Mali, en Centrafrique, en RDC, au Burkina Faso, au Niger… A chaque fois, les réfugiés ont un profil similaire : issus de la classe pauvre d’une population déjà pauvre, peu instruits et souvent analphabètes, ayant « tout » quitté. derrière. – et ce « tout » n’était pas grand-chose. Ils représentent une très grande partie de ce monde laissé en marge de l’histoire, survivant au rythme de conflits meurtriers ou d’un développement au ralenti.
Un doctorant dans la poussière
Je pense que je retrouverai ce profil à Mahamat lorsque nous commencerons à discuter autour d’un café soudanais. (Avec de la cardamome, de la cannelle et du gingembre : un monde idéal en ferait le café idéal.) Mais non, ce n’est pas ça. Il est doctorant en sociologie, titulaire d’une maîtrise, impliqué dans une organisation d’aide sociale, apprend le français et le chinois. Bref, il n’a rien à faire – pour ainsi dire – dans ce camp de réfugiés, les pieds dans la poussière.
Les réfugiés du Darfour ont fui une situation décrite par l’ONU comme un possible « génocide », car des milices à majorité arabe ont massacré des membres de la même communauté sédentaire, les Masalit – avec probablement le soutien militaire des Émirats arabes unis, « après une fuite d’un rapport de l’ONU. Entre 10 000 et 15 000 d’entre eux ont été tués depuis avril 2023 rien qu’à El-Geneina. Mais personne ne dispose d’une évaluation crédible, l’accès étant devenu quasiment impossible.
Un médecin, un avocat, un écrivain
Le deuxième, puis le troisième jour, les profils que je rencontre sont similaires. Médecin généraliste avec huit années d’études derrière lui, avocat avec 24 ans de carrière à son actif, écrivain. Tous ont réussi à échapper aux balles des fantassins des Forces de soutien rapide (RSF en anglais) qui ont pris d’assaut la ville en juin 2023, assassinant le gouverneur qui avait osé dénoncer la situation.
Ils s’entassent tous à Adré, d’abord, où ils s’enregistrent, avant d’être « relocalisés » dans un camp de réfugiés parmi des dizaines d’autres dans la zone désertique et désolée de l’est du Tchad. Là, après l’exil, la terreur et la violence, leur destin reste suspendu.
Où est Taylor Swift
Ces 600 000 réfugiés s’ajoutent aux 400 000 arrivés il y a vingt ans, au même endroit, pour les mêmes causes. C’était l’époque du génocide au Darfour. « Au moins à l’époque, le monde a pris conscience de l’importance de ce qui se passait »» se plaint un cadre de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. « Même des stars comme George Clooney se sont emparées de l’affaire pour alerter le monde. Mais maintenant, qui est là ? Si seulement on pouvait contacter Kylian Mbappé ou Taylor Swift pour venir ici… »
Car en plus d’être oubliés, ces réfugiés ne sont pas assez accompagnés, faute de fonds internationaux. C’était l’objectif de la conférence de Paris qui s’est tenue lundi dernier : convaincre les dirigeants du monde de faire des dons pour financer l’aide humanitaire. Deux milliards d’euros ont été promis.
« C’est bien, évidemment, mais on peut déjà dire que ce ne sera pas suffisant. Imaginez : il y a 8,6 millions de personnes qui ont dû fuir leur foyer dans ce pays, et 20 000 de plus chaque jour., commente un diplomate. Dans quelques jours, à ce rythme-là, on pourra dire qu’un nombre de réfugiés équivalent à la population suisse aura été contraint de fuir son foyer au Soudan.
Et je suis prêt à parier que vous ne le saviez pas.
