« les importations d’hydrogène en France ne sont ni une menace ni une solution »

« les importations d’hydrogène en France ne sont ni une menace ni une solution »
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En mars, France Hydrogène a publié une revue d’études consacrées à la compétitivité de la production française et européenne d’hydrogène et de ses dérivés, tandis que ses propres projets étaient annoncés sur tous les continents. Entretien avec Pierre Laboué, responsable des relations internationales de France Hydrogène.

La méta-analyse conclut que la production française d’hydrogène n’est pas menacée par la production étrangère. Peux-tu élaborer?

Aucun élément tangible n’indique que les importations intra- et extra-européennes menaceraient la viabilité de la production européenne et française.

Les études des organisations internationales comme l’AIE, l’IRENA et l’Hydrogen Council convergent : importer de l’hydrogène par bateau, sous forme d’ammoniac recraqué [procédé qui consiste à convertir l’ammoniac en hydrogène ,ndlr]du LOHC [liquides permettant de stocker de l’hydrogène, ndlr ] ou hydrogène liquide, coûtera plus cher en 2030 que sa production dans le nord-ouest de l’Europe, comme en Allemagne, qui est la référence.

Par exemple, les exportations d’ammoniac converti en hydrogène d’Afrique du Nord et d’Amérique du Sud coûteront respectivement, d’ici 2030, 55 % et 39 % de plus que la production nationale d’Europe du Nord. Ouest.

En France, la production nationale résiste bien. Le coût de l’hydrogène est étroitement lié au coût de l’énergie, mais le parc nucléaire permet d’avoir un facteur de charge important pour les électrolyseurs, et donc de réduire les coûts de production. Cela vous permet de rester compétitif. Sans oublier qu’en Europe, le coût de financement des projets est relativement bon marché grâce à des taux d’intérêt plus bas que dans les pays émergents ou en développement.

Comment expliquer cet écart de coût entre les importations d’hydrogène par bateau et par gazoduc ?

Les chargements des bateaux sont plus petits, les navires doivent faire des allers-retours sur de très longues distances. Les dépenses opérationnelles sont également importantes. L’hydrogène transporté par pipeline est simplement comprimé. Pour le transport par bateau utilisant de l’hydrogène liquide, le gaz doit être refroidi à −253°C pour le liquéfier et le regazéifier. Pour le transport par ammoniac, il doit être transformé en ammoniac, refroidi à -33°C pour le liquéfier et à son arrivée le regazéifier et craquer l’ammoniac en hydrogène. Ces étapes nécessitent beaucoup plus d’énergie et donc des coûts supplémentaires.

Il n’en demeure pas moins que l’importation par gazoduc, bien plus compétitive, pourrait sérieusement concurrencer la production nationale…

En effet, importer de l’hydrogène par gazoduc pourrait coûter jusqu’à 45 % moins cher que le produire en Allemagne en 2050, selon l’IRENA. C’est un moyen de transport compétitif à long terme car, contrairement au transport par bateau, ces infrastructures transportent de grandes quantités d’hydrogène, de l’ordre de 2 millions de tonnes pour le projet de gazoduc BarMar, qui doit relier Barcelone et Marseille. La construction de ces gazoducs représente un coût d’investissement important, mais les dépenses opérationnelles sont moindres.
Aussi, il existe un consensus sur le fait que l’importation de produits dérivés de l’hydrogène, comme les carburants synthétiques, sera plus compétitive, de l’ordre de 20 %.

Faut-il s’inquiéter de ce constat ?

Un différentiel de coût de 20 % entre les importations et la production nationale n’empêche pas le développement d’un secteur national. C’est l’une des surprises de cette méta-analyse : on pensait que l’écart serait plus grand.
Bien entendu, les acheteurs se tourneront vers les offres les moins chères. Mais le besoin en carburant de synthèse est si important pour atteindre les objectifs fixés par les directives européennes qu’il y aura de la place pour un approvisionnement national. Par exemple, l’industrie aéronautique aura également besoin de carburants synthétiques pour faire voler ses avions.
Même constat pour les exportations d’hydrogène. Le plan REPowerEU de l’Union européenne pour 2022 prévoyait d’importer jusqu’à 10 millions de tonnes d’hydrogène en 2030. Cependant, au niveau mondial, seuls 3 projets d’exportation d’hydrogène ont aujourd’hui reçu l’approbation. décision finale d’investissement, pour une capacité de production de 0,3 million de tonnes. Le développement des capacités de production nationales est donc essentiel.

Mais de nombreux projets ont été annoncés…
De nombreux projets sont annoncés, mais les initiatives dans de nombreux pays en développement sont encore plus en retard qu’en Europe.
A l’échelle européenne, nous avançons à ce stade sur des projets de taille modeste à moyenne, où nous pouvons capitaliser sur les premières avancées et retours d’expérience. En France, le plus gros projet ayant atteint une décision définitive d’investissement est par exemple celui d’Air Liquide en Normandie, de 200 mégawatts.
En revanche, dans les pays en développement, les projets annoncés sont gigantesques, dimensionnés à l’échelle du gigawatt, ce qui n’a jamais été réalisé ailleurs. S’ils sont réalisés comme prévu, ils pourront ainsi avoir une compétitivité coût attractive. Mais pour mettre en œuvre ces giga-projets, il faut du temps. L’industrie doit se développer et acquérir de l’expérience. Il faut aussi rassurer les investisseurs, comme les banques, et convaincre que cette production massive permettra de répondre à la demande étrangère. Cependant, n’ayant pas encore l’assurance de prix d’achat suffisamment attractifs, les constructeurs européens peinent à s’engager sur la consommation future. C’est le serpent qui se mord la queue.

Pour cette raison, un commerce mondial massif de molécules d’hydrogène pourrait ne pas se matérialiser d’ici la fin de la prochaine décennie, selon l’Agence internationale de l’énergie.

France Hydrogène souligne que ces importations pourraient être, dans une certaine mesure, bénéfiques. Pouvez-vous développer ?

Les importations ne sont ni une menace ni une solution pour l’économie française de l’hydrogène, du fait de la faible disponibilité de ces flux dans les années à venir. A l’inverse, pouvoir importer des volumes, même limités dans un premier temps, peut permettre de soulager les pointes de pression sur les énergies primaires du territoire, notamment l’électricité nécessaire aux électrolyseurs, de fluidifier le marché et peut permettre à la France de bénéficier de sources supplémentaires. d’approvisionnement à des prix potentiellement compétitifs. Ces facteurs sont très importants pour stabiliser le marché et permettre le développement des usages de l’hydrogène, le pilotage des projets et la production d’équipements de fabrication.

Et au sein de l’Europe, comment se positionne la France ?

France Hydrogène travaillera à réaliser un état des lieux sur le sujet d’ici la fin de l’année. Il existe actuellement très peu d’études disponibles sur le commerce intra-européen.

Selon les premières données du Centre de recherche de l’Union européenne (JRC), la France se situe dans la moyenne européenne en termes de coûts de production. La production d’hydrogène dans les pays de la péninsule ibérique et de la mer du Nord apparaît très compétitive, grâce à l’accès aux ressources photovoltaïques et éoliennes, notamment en mer. Mais nous ne sommes pas beaucoup plus chers qu’eux, grâce notamment au nucléaire. Bref, la France serait plutôt un pays de transit pour les échanges intra-européens allant de l’Espagne vers l’Allemagne.

 
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