Au Maroc, l’arabe (pas) pour tout le monde

Au Maroc, l’arabe (pas) pour tout le monde
Au Maroc, l’arabe (pas) pour tout le monde
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XAVIER LISSILLOUR

«Toute la douleur du monde.» Audrey (nom d’emprunt) lève les yeux au ciel lorsqu’on l’interroge sur ses deux fils, âgés de 9 et 12 ans, qui apprennent l’arabe. Bien qu’ils soient nés et aient toujours vécu au Maroc, leur éloquence dans la langue officielle se réduit à “charabia”Ils savent à peine compter, se présenter ou nommer des objets. «Ils n’ont aucune envie de progresser»se lamente cette Canadienne-Marocaine de 43 ans vivant à Casablanca, la capitale économique du pays. Comme beaucoup de parents binationaux et de couples mixtes, elle souhaite que ses enfants puissent également s’exprimer en arabe et préserver cet héritage culturel. Mais ils n’y parviennent pas. Selon elle, la cause est : « une langue difficile à apprendre, mais surtout que nous n’avons pas l’occasion de parler ».

Précisons d’emblée quel est le lot de tout le Maghreb anciennement colonisé : l’écart entre la langue de l’école et celle de la rue ou de la maison. Le royaume reconnaît certes l’arabe standard – une variante moderne de l’arabe classique que l’on retrouve par exemple dans les documents administratifs – comme langue de l’État, mais il est « hermétique pour la plupart des gens »« C’est une langue très répandue, explique Noureddine Ayouch, un publicitaire et ancien membre du Conseil supérieur de l’éducation. Hormis là où le tamazight, la langue berbère, est dominant, seule la « darija » est couramment parlée au Maroc. Les marques comme les représentants politiques l’ont bien compris : à de rares exceptions près, ils ne communiquent que dans cet arabe dialectal compris de tous. »

Lire aussi le portrait (2017) | Noureddine Ayouch, l’homme qui a donné à l’arabe marocain ses lettres de noblesse

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Sauf que ce n’est pas l’arabe marocain qui est enseigné dans les écoles du pays, mais l’arabe standard, enseigné dans tous les pays arabes. D’où l’impression d’un décalage, ressenti par de nombreux parents, entre ce que l’enfant récite en classe et ce qu’il entend à l’extérieur. « À qui peut-il parler de ce qu’il est censé étudier ? C’est comme s’il avait passé des heures au collège à apprendre une langue morte. »“C’est un problème de comportement, … « Regardez, après un an d’allemand, il a appris plus de mots dans la langue de Goethe que dans celle de Naguib Mahfouz [écrivain égyptien, Prix Nobel de littérature en 1988]elle explique. Cependant, Jad ne parle allemand avec personne.

Une « distanciation progressive »

La vraie raison est ailleurs – et elle est Source de discorde à chaque réunion parents-professeurs. La pédagogie ne serait pas seulement “désuet” et des manuels scolaires inadaptés à la génération alpha, née après 2010. Mais surtout, les livres négligeraient le tachkil, la vocalisation des lettres par des signes placés au-dessus ou en dessous d’elles. Sans cette vocalisation, « la compréhension de la parole est ralentie »note Youssef El Haji de la société Varlyproject, basée à Rabat et spécialisée dans l’évaluation des acquis académiques. ” Donc, il continue, Les étudiants ont tendance à réagir plus lentement à la lecture de textes arabes par rapport à ceux en langues latines.

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