Planification de l’énergie éolienne : le conflit d’intérêts refait surface

Planification de l’énergie éolienne : le conflit d’intérêts refait surface
Planification de l’énergie éolienne : le conflit d’intérêts refait surface

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Aucun conflit d’intérêt avéré, s’est félicité lundi le Conseil d’Etat, étude de l’IDHEAP en main. La partie adverse estime que cette étude dit le contraire.

L’État et les opposants ont des points de vue diamétralement opposés sur l’étude réalisée par l’Institut des hautes études en administration publique. © Jean-Baptiste Morel

L’État et les opposants ont des points de vue diamétralement opposés sur l’étude réalisée par l’Institut des hautes études en administration publique. © Jean-Baptiste Morel

Publié le 17/09/2024

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Il n’y a pas de « conflit d’intérêt avéré » dans la planification éolienne fribourgeoise. Il n’y a pas non plus d’indice que le bureau Ennova, chargé d’accompagner cette planification, « aurait exercé son mandat avec l’idée de favoriser la position d’un développeur particulier ». C’est ce que rapporte le Conseil d’Etat de l’étude qu’il a confiée en avril 2023 à l’Institut de hautes études en administration publique, IDHEAP (Liberté (Mardi). Les opposants au plan directeur éolien ont cependant une lecture radicalement différente.

A commencer par Antoinette de Weck, membre de la commission Paysage Libre Fribourg. La députée (PLR, Fribourg), par voie de postulat, a réclamé une enquête administrative sur l’octroi du « mandat Ennova ». L’étude de l’IDHEAP est la suite directe donnée par le gouvernement à ce postulat. Elle n’a pas le statut incisif d’une enquête, mais « c’est un très bon travail », estime la politique.

Rapport contesté

« Cela dit, je ne suis pas du tout d’accord avec le rapport que le Conseil d’État a fait de cette étude. » Selon le député, les deux experts de l’IDHEAP ont « clairement » mis en évidence un conflit d’intérêts. Ils citent en effet à plusieurs reprises Ennova, qui a écrit au Service de l’énergie en septembre 2015 : l’entreprise entendait participer au groupe de travail « pour représenter ses intérêts sur les questions relatives au développement » de trois parcs éoliens, dont les noms sont caviardés.

« L’étude montre que le conflit est évident »
Antoinette Weck

« Le lien entre Groupe E et Ennova est également clair », relève Antoinette de Weck. Les deux entreprises sont présentes à la deuxième session du groupe de travail cantonal. Greenwatt se dit prête à fournir ses données scientifiques au groupe. Elle lui demande toutefois d’utiliser ses propres agents, pour préserver la confidentialité de ses données. En janvier 2016, Ennova a été nommée agente du groupe de travail, « en charge » selon Antoinette de Weck.

Selon le Département de l’économie (DEEF), ces quatre mois de décalage (de septembre 2015 à janvier 2016) ont permis au canton de vérifier qu’Ennova n’était plus un développeur dans le canton. Mais pour Antoinette de Weck, « ​​l’étude de l’IDHEAP montre que le conflit est évident. Il y a même eu une séance confidentielle de Greenwatt (en noir et blanc dans l’étude, ndlr) en 2016, payée par le Service de l’énergie. Bref, Ennova a recyclé les études et les sites du Groupe E. Le schéma directeur éolien s’appuie là-dessus, résume la députée. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas de conflit d’intérêt avéré. »

Débat possible

Antoinette de Weck annonce ainsi qu’elle refusera la poursuite directe. Son postulat (la demande d’enquête administrative) pourrait ainsi être soumis au Grand Conseil lors d’une prochaine session. « Les experts de l’IDHEAP ont été courageux, mais leur mandat ne leur a pas permis de tirer toutes les conclusions, ajoute la députée. Ils n’ont pas pu se demander si le schéma directeur est toujours valable… »

Met David Ecoffey, avocat des communes opposées au plan éolien, décrypte l’étude de l’IDHEAP et le rapport du Conseil d’État : « Il faut savoir mettre les noms sous les caviardages pour se rendre compte à quel point le contenu de l’étude est effroyable. Elle corrobore tout ce que disent mes clients. Au vu des documents fournis par le Service de l’énergie aux experts, c’est du très bon travail. On apprend que le chef du Service de l’énergie a voulu intégrer Greenwatt comme expert ! Le conflit d’intérêt est avéré. Le rapport que le Conseil d’État a produit est choquant. Nous allons communiquer et nous allons aussi nous tourner vers le Grand Conseil. »

Tant Antoinette de Weck que David Ecoffey critiquent la censure omniprésente dans l’étude. Les caviardages rendent certains passages difficiles à comprendre. La députée n’exclut pas de contacter l’autorité cantonale de transparence si elle n’obtient pas l’original. La DEEF invoque de son côté la présence de « données personnelles » (noms, fonctions, etc.) qui permettraient d’identifier des personnes et que le Conseil d’Etat ne peut diffuser, selon la loi.

Ennova satisfait

L’entreprise Ennova salue pour sa part la conclusion de l’Etat (« pas de conflit d’intérêt avéré ») : « Nous sommes très satisfaits de cette issue favorable qui confirme ce que nous avons toujours dit », note son porte-parole, Christian Bernet. Quant à ProEole Fribourg, elle ne commente pas l’étude elle-même : « Ces questions de procédure sont importantes, note le coprésident, Leonardo Gomez Mariaca. Mais elles nous font perdre de vue à quel point l’énergie éolienne est essentielle. »

L’étude IDHEAP ne restera pas lettre morte, selon la DEEF. Le comité de pilotage de la révision éolienne « se penchera prochainement » sur ce document. Il influencera également le choix des mandataires, dans le cadre de la révision éolienne : « Sur la base des recommandations des experts, le Conseil d’État examinera la question des procédures relatives aux nécessaires contrôles de la probité des mandataires extérieurs et prendra les mesures qui s’imposent. »

 
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