L’Anglais Mat Collishaw joue avec l’IA à Wilde

L’Anglais Mat Collishaw joue avec l’IA chez Wilde

Un cerf animé par les réseaux sociaux. Des natures mortes hollandaises déformées par l’intelligence artificielle. Des tapisseries tissées en jacquard.

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Difficile de passer à côté ! Le cerf se trouve boulevard Georges Favon dans une vitrine du rez-de-chaussée de la galerie Wilde. Il est gratté jusqu’à l’os, comme quand on règle sa facture chez Ikea. Pourtant, il ne s’agit pas d’un élan, mais d’un cerf, ici à mon avis légèrement surdimensionné. Le squelette est en métal. Il se déplace à intervalles réguliers sur des impulsions. Celles-ci sont données à « Insilico » par les nouvelles les plus révoltantes ou les pires insultes lues en ce moment sur X, la plateforme où chacun reste anonyme. Les observateurs noteront ainsi la carte électronique fixée sur le dos de l’animal, en forme de pierre tombale. On sait à quel point l’auteur de la chose Mat Collishaw est fasciné par les nouvelles technologies et surtout leurs dérives.

Fleurs mutantes

C’est l’essentiel de la nouvelle exposition à Genève de l’artiste britannique, connu depuis longtemps chez Analix, dont Barbara Polla était commissaire. Il y a évidemment d’autres pièces au premier étage. Il s’agit de peintures dans la tradition des bouquets de fleurs hollandais du XVIIe siècle. Sur les panneaux d’origine, on trouve bien quelques insectes et autres gallinacés, histoire d’introduire un peu de moralité à l’époque. Mais ici, les fleurs ont été torturées par l’intelligence artificielle. Elle en a fait des mutantes, autrement dit des monstres. Aujourd’hui, on s’hybride à tout va, alors que des espèces authentiques s’éteignent partout dans le monde. Innocentes vues de loin, les petites œuvres, chacune entourée d’un grand cadre noir, sont donc chargées de menaces lorsqu’on les observe de près. La génétique devenue folle apparaît plus évidente sur les tapisseries, beaucoup plus grandes. Ces dernières ont été tissées en soie selon le principe du métier Jacquard. Celui-là même qui, par sa mécanisation, avait provoqué les révoltes ouvrières (les canuts) à Lyon dans la première moitié du XIXe siècle. Son système de cartes perforées, qui marqua pour nous les débuts de l’informatisation, fut ensuite utilisé plus innocemment pour les pianos mécaniques.

L’ensemble illustre ce que Collishaw, qui vient d’un mouvement chrétien interdisant la radio, la télé et même les journaux (les Christadelphiens) par sa famille, appelle « la course aux armements évolutionniste ». De nos jours, on joue avec l’ADN comme avec des jetons de casino. Face à ce déferlement biologique et technologique, nos fragiles barrières morales s’effondrent, les scientifiques de leur côté n’en ayant jamais eu. Les œuvres montrées chez Wilde dégagent donc une éthique à leur manière, qui n’est plus celle des artistes protestants hollandais de « l’âge d’or ». C’est ce qui distingue Collishaw, né en 1966, des autres « British Young Artists » dont il était membre à la fin des années 1980. On se souvient qu’il avait rejoint à cette époque la mythique exposition « Freeze » de 1988, montée par un certain (ou incertain) Damien Hirst. Au fil du temps, Hirst est devenu une caisse enregistreuse bien plus qu’un créateur. Mat reste plus rigoureux, même s’il ne fait pas grand-chose lui-même de ses dix doigts, se contentant de faire travailler les autres. L’Anglais fait donc la police. Précisons qu’il est né à Nottingham. Or c’est là, si je me souviens bien, que se trouve le shérif dans « Robin des Bois ».

Pratique

« Mat Collishaw, Vividsystems », Galerie Wilde, 19, boulevard Georges Favon, Genève, jusqu’au 2 novembre. Tél. 022 310 00 13, site web https://wildegallery.ch Ouvert du mardi au vendredi de 14h à 19h, le samedi de 10h à 17h

Au premier étage de la Galerie Wilde à Genève. Il en existe d'autres à Bâle et à Zurich.
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Né en 1948, Etienne Dumont a fait à Genève des études qui ne lui ont pas été d’une grande utilité. Latin, grec, droit. Avocat raté, il s’est lancé dans le journalisme. Le plus souvent dans les rubriques culturelles, il a travaillé de mars 1974 à mai 2013 à la « Tribune de Genève », en commençant par parler de cinéma. Puis sont venus les beaux-arts et les livres. A part cela, comme vous pouvez le constater, rien à signaler.Plus d’infos

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